Intervention de Vincent Capo-Canellas

Séance en hémicycle du lundi 3 juillet 2017 à 15h00
Débat sur la déclaration du président de la république

Vincent Capo-Canellas :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, c'est sans doute un moment singulier qui nous réunit, si l'on considère le calendrier ; mais le sujet majeur n'est pas là.

« Au fond, tout au long de ma vie, j'ai eu la chance de pouvoir ouvrir des brèches dans le conformisme ambiant » : ces quelques mots de Simone Veil résonnent tout particulièrement. Simone Veil l'Européenne, partisane du rapprochement franco-allemand ; Simone Veil la réformatrice, qui a su tisser des liens entre des bords politiques souvent artificiellement opposés ; Simone Veil, qui a traduit l'aspiration de la société française à évoluer avec son temps, quitte à dépasser le conformisme ambiant.

Ensemble, nous portons, je le crois, la même aspiration à ouvrir sereinement le débat sur l'avenir du pays. Oui, de Simone Veil, je retiendrai d'abord l'ardente obligation de dépasser les conformismes, au nombre desquels la coupure artificielle entre les Français en deux camps qui s'affrontent et stérilisent le débat. Le centre a toujours porté ce message.

La nécessité, face à un système politique à bout de souffle, nous conduit à revisiter ce vieux clivage. L'impérieux besoin de réformer le pays nous y invite. La situation de nos finances publiques nous y contraint.

Et nous devons d'abord faire face au terrorisme, assurer ensemble la sécurité de nos compatriotes, éradiquer les terroristes, répondre à ce défi à notre mode de vie, à nos valeurs, à notre conception de la liberté ; face aux terroristes, nous devons bien sûr être unis.

Nous devons aussi faire face au défi territorial, éviter la constitution de territoires de relégation ou du moins perçus comme tels. Chacun mesure qu'il y a, dans le monde rural comme en banlieue, du désespoir. Les Français, au terme d'une campagne certes inédite, nous ont placés devant cette évidence : comme le disait Valéry Giscard d'Estaing, pour réformer, il faut rassembler « deux Français sur trois ».

Nous sommes, sans équivoque, à un moment clé. Après tant de tergiversations, ce quinquennat doit réussir ; ce doit enfin être un quinquennat utile. Nous devons franchir ensemble ce pas décisif, comme nos voisins européens ont su le faire : bâtir un socle de réformes ; nous verrons ensuite si les vieux clivages reviennent.

L'urgence actuelle nous rappelle celle qu'invoquait en son temps Pierre Mendès France : celle de gouverner, donc de choisir. La réalité financière illustre la vérité des analyses de Raymond Barre à propos de l'évolution de la dépense publique. Le besoin d'ingénierie sociale nous invite également à reprendre les analyses de Michel Rocard. Il existe surtout un besoin de restaurer la grandeur de la France, qui doit nous conduire à garder toujours dans nos têtes le message de rassemblement du général de Gaulle.

Monsieur le Premier ministre, vous vous trouvez dans une configuration inédite, novatrice, et le groupe de l'Union centriste du Sénat est heureux que vous soyez là. Notre ancienne collègue Jacqueline Gourault appartient à votre gouvernement. Le groupe qui, au Sénat, réunit depuis des années des sénateurs de l'UDI et du MODEM soutiendra largement l'action de réforme du Gouvernement. Nous aurons sans doute à trouver, au Sénat, dans les semaines qui viennent et même au-delà, des majorités d'idées.

Évidemment, nous aurons des sujets de débats : la place des collectivités locales, leur autonomie financière, notamment au regard du projet d'exonération de la taxe d'habitation. Sur les questions sociétales, votre vision suscitera également des interrogations. Nous serons surtout exigeants : exigeants sur la maîtrise des dépenses publiques et la réduction de la dette ; exigeants sur la défense du parlementarisme et de la démocratie locale, qui ne doivent pas être mis en cause comme une facilité offerte à l'opinion, quand bien même nous devons améliorer l'efficacité de nos travaux ; exigeants sur les conditions de nos débats politiques, pleinement ouverts au Parlement ; exigeants sur la démocratie sociale et le dialogue social, qu'il faut rénover mais qui doivent être les moteurs de la transformation de notre économie et de sa compétitivité.

Nous serons bien sûr force de proposition sur l'Europe. L'enjeu est d'abord de retrouver auprès de nos partenaires une capacité à promouvoir les réformes de la zone euro : intégration plus poussée, budget commun. La priorité est aussi à une Europe qui protège. À ce titre, la prise de conscience de la nécessité pour les Européens d'assurer eux-mêmes leur défense est une bonne chose. Nous voulons inscrire la France dans une Europe puissante, nous protégeant de la mondialisation, renforçant notre souveraineté et contribuant à ce que la France rayonne dans le monde à la hauteur de son message.

Concernant les relations internationales, abordées par le Président de la République, il nous faut plus que jamais conforter nos alliances historiques et nouer des partenariats stratégiques, non seulement pour des raisons économiques mais aussi parce que notre sécurité intérieure se joue à l'extérieur. Pour vaincre la stratégie de la terreur des extrémistes religieux dévoyés, pour lutter à long terme contre le terrorisme, la politique que nous mènerons à l'extérieur de nos frontières, au Moyen-Orient, au Proche-Orient, sera également déterminante.

Nous serons également vigilants s'agissant du climat. Les engagements pris à la COP21 doivent être respectés. La France a une responsabilité particulière : à la suite de Jean-Louis Borloo, nous pensons qu'elle doit être pleinement exemplaire et novatrice, la transformation écologique étant un élément de la solution à nos difficultés.

Au-delà, la modernisation de notre économie est nécessaire. Celle du marché du travail est un préalable : c'est une nécessité pour l'emploi. Nous ne pouvons rester parmi les rares pays affichant un tel niveau de chômage. Nous devons tirer les conséquences de la mondialisation, mesurer avec lucidité les mutations technologiques. Il faut s'en saisir, ne pas les subir. Il y a, dans notre beau pays, une aspiration à la liberté dans l'économie, dans les parcours de vie, et une attente de protection nouvelle face à ces changements.

La réussite suppose deux préalables : le rétablissement de la confiance dans l'action publique et le retour à une maîtrise des finances publiques. Je conclurai sur ces deux points.

En matière institutionnelle, le Président de la République a annoncé tout à l'heure un certain nombre de propositions : nous les examinerons avec beaucoup d'intérêt. Notre groupe ayant toujours défendu l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le système représentatif, nous ne pouvons que saluer le cap fixé par l'exécutif. Notre groupe participera autant que possible à l'identification du nécessaire et éternel compromis entre gouvernabilité et représentativité. De même, nous sommes favorables à la réduction du nombre de parlementaires mais, là encore, la question du nombre ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt.

Concernant enfin la maîtrise de nos dépenses et de la dette, la reconnaissance par la Cour des comptes que le projet de loi de finances pour 2017 soumis à la représentation nationale était manifestement entaché d'insincérité sonne comme un ultime rappel à l'ordre. Le vrai risque est maintenant celui des marchés financiers : il est latent. Nous devons nous fixer l'objectif de sortir de la procédure européenne de déficit excessif.

Le Parlement prendra toute sa place dans l'effort de redressement du pays, un Parlement qui mesure à sa juste valeur l'attente de l'opinion et qui, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, poursuivra sa rénovation – le Sénat, pour ce qui le concerne, l'a déjà largement engagée, autour de son Président. Nous serons ouverts aux propositions du Gouvernement.

Il s'agit, pour une fois, de faire mentir Raymond Aron, selon lequel « la France fait de temps en temps une révolution mais jamais de réformes ». Aujourd'hui, la vraie révolution est de réussir les réformes.

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