Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 21h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des comptes publics :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vais vous exposer en quelques mots la situation du programme 148, consacré à la fonction publique, mais aussi les axes selon lesquels nous poursuivons la concertation sur la transformation de la fonction publique.

Le programme 148, dont la responsabilité revient à la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), regroupe des crédits relatifs à trois points. Il s'agit d'abord de la formation initiale et continue des agents publics, notamment dans le cadre des actions mises en oeuvre par les opérateurs de formation interministérielle que sont l'Ecole nationale d'administration (ENA) et les cinq instituts régionaux d'administration (IRA), pour laquelle 82,3 millions d'euros de crédits sont inscrits au PLF 2019. Le deuxième type de crédits inscrits au titre du programme 148 relève de l'action sociale interministériel au bénéfice des agents des ministères et établissements publics de l'État en complément des actions dont ils peuvent bénéficier dans leur propre service, pour 122,9 millions d'euros. Enfin, nous avons des crédits relatifs à l'appui et à l'innovation en matière de ressources humaines, qui se concrétisent notamment par l'action de trois fonds interministériels, à savoir le Fonds d'innovation ressources humaines (FIRH), le Fonds du système d'information de gestion des ressources humaines (SIRH) et le Fonds interministériel d'amélioration des conditions de travail (FIACT), pour un montant total de 4,6 millions d'euros.

Le PLF pour 2019 comporte, par rapport à celui de l'année précédente, trois évolutions sur lesquelles je souhaite appeler l'attention de votre Commission. La première de ces évolutions consiste en une baisse des crédits du programme par rapport à 2018, essentiellement due à un effet de périmètre, avec le transfert des crédits relatifs à l'apprentissage vers les programmes ministériels concernés, pour 29,8 millions d'euros. En effet, depuis 2015, dans le cadre du plan de développement de l'apprentissage dans la fonction publique de l'État, le programme 148 intervient en appui des ministères et établissements publics pour financer une partie des coûts de rémunération et de formation des apprentis. En 2018, 29,8 millions d'euros étaient répartis entre 49 programmes ministériels pour faciliter la prise en charge financière des 9 800 apprentis recrutés. Ce levier a clairement favorisé le développement de l'apprentissage au sein de l'État, avec une multiplication par treize du nombre d'apprentis depuis 2014. Néanmoins, il reposait sur une procédure de gestion extrêmement lourde avant la publication du décret de transfert, avec des délais de remboursement de plus en plus tardifs pour les employeurs. Dès le PLF 2018, le ministère de l'Éducation nationale, qui est le principal employeur d'apprentis de l'État, a bénéficié en avance de phase des crédits inscrits directement sur ces programmes budgétaires pour le financement de la rémunération de ces apprentis et, au regard de la demande analogue formulée par d'autres ministères importants, notamment le ministère des Armées, le Gouvernement a fait le choix d'un transfert des crédits pour l'ensemble des ministères dans le PLF 2019.

Le principe selon lequel le recrutement d'apprentis n'est pas pris en compte au titre des schémas d'emplois ministériels demeure, afin de maintenir l'attractivité de ces recrutements. Je rappelle que l'objectif du Gouvernement reste de parvenir à 10 000 personnes en apprentissage au sein de l'État d'ici à la fin de l'année 2019, en s'appuyant notamment sur les assouplissements prévus par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Enfin, je veux préciser que, dans le cadre des travaux complémentaires relatifs au recrutement et à l'attractivité des concours dans la fonction publique, et en marge des quatre chantiers ouverts depuis le comité interministériel du 1er février dernier, nous allons examiner, avec les organisations syndicales et les employeurs publics, les différentes passerelles qui permettront de favoriser le recrutement des apprentis après leur apprentissage, par la voie du concours ou par celle du contrat. Il convient de souligner que les apprentis bénéficient déjà, depuis la loi du 27 janvier 2017, de la possibilité de candidater au troisième concours de la fonction publique en valorisant leurs années d'apprentissage dans le cadre de la durée d'expérience professionnelle requise pour l'accès aux concours.

Au regard des propositions émises dans votre rapport, madame la rapporteure pour avis, je vous confirme l'accord du Gouvernement pour veiller à ce que chacun des ministères respecte bien, voire dépasse, sa cible de recrutement d'apprentis – c'est votre proposition n° 2 –, mais aussi pour examiner, en concertation avec les organisations syndicales et les employeurs publics, les passerelles qui permettront de faciliter le recrutement d'apprentis au terme de leur apprentissage – c'est votre proposition n° 10 –, et enfin pour examiner les mesures qui permettront de conforter l'attractivité des concours internes dans la fonction publique dans le cadre des travaux complémentaires que j'ai évoqués, avec une vigilance particulière pour les concours internes de l'ENA et des IRA, qui sont aussi financés par le programme 148 – c'est votre proposition n° 1. Par ailleurs, nous sommes tout à fait disposés à poursuivre et amplifier les mesures engagées au titre du développement du troisième concours dans la fonction publique, avec un assouplissement des conditions de durée d'expérience professionnelle requise pour se présenter à ce troisième concours – c'est votre proposition n° 8.

La deuxième évolution que je veux souligner au sujet du programme 148, c'est que ce programme va tirer en 2019 les premiers bénéfices d'une profonde réforme du concours et de la scolarité des attachés d'administration de l'État dans le cadre des IRA, avec notamment une diminution de 109 équivalents temps plein (ETP). Cette réforme, très attendue à la fois par les employeurs et les candidats au concours, correspond au besoin d'évolution exprimé tant par les employeurs et les fonctionnaires stagiaires que par les directions d'école et les intervenants. Avec 820 stagiaires répartis sur deux promotions annuelles contre 730 aujourd'hui, elle nous va nous permettre d'augmenter les recrutements pour répondre pleinement aux besoins des employeurs publics, mais aussi de renouveler en profondeur le concours et la formation délivrée en institut, avec une individualisation des enseignements tenant compte des compétences déjà acquises, un accompagnement à la prise de poste pendant six mois et une modernisation des processus d'affectation et de titularisation. Enfin, cette réforme permet aussi de réduire le montant de la subvention pour charges de service public (SCSP) versée par l'État aux IRA à l'horizon 2020.

En pratique, ce nouveau modèle de formation des IRA s'articulera autour de deux phases. Après une période en institut de six mois permettant de définir un parcours de formation et de développement des compétences individualisé, une période en service de six mois donnera lieu à un accompagnement en formation continue précédant le processus de titularisation, qui relèvera désormais de l'employeur, et non plus d'un jury désigné par le ministère en charge de la fonction publique. Cette nouvelle formation, opérationnelle à compter du 1er septembre 2019, constituera un modèle pour les autres écoles de service public de l'État, puisque le Gouvernement souhaite revoir en profondeur l'appareil de formation de l'État afin de gagner en qualité et en efficience dans les actions de formation dispensées au bénéfice des agents publics.

Je rappelle qu'en matière de formation continue, une enveloppe de 300 millions d'euros par an, soit 1,5 milliard d'euros à l'échelle du quinquennat, est réservée au financement des actions prioritaires en lien avec le déploiement du Grand Plan d'investissement, dans le schéma directeur de la formation professionnelle que nous avons publié au printemps dernier. Je vous confirme donc la volonté du Gouvernement de poursuivre et d'amplifier les actions de formation à destination des personnels encadrants, quelle que soit leur catégorie hiérarchique ; dans le cadre de ce schéma, nous prévoyons de rendre obligatoire le suivi d'une formation au management pour tout agent prenant pour la première fois des fonctions d'encadrement, pour les trois versants de la fonction publique – ce sont vos propositions n° 12 et n° 13, madame la rapporteure pour avis.

Enfin, la troisième évolution du programme 148 réside dans l'accompagnement du redressement de la situation budgétaire de l'ENA. Le constat de la fragilité financière de l'école a été posé lors de l'installation du nouveau gouvernement et, dès l'été 2017, nous avons demandé à Patrick Gérard, son nouveau directeur, de faire des propositions en vue d'un redressement durable de ses comptes. Cette demande a donné lieu à un travail approfondi d'analyse, avec le recours à un audit externe. Le plan de retour à l'équilibre, présenté au conseil d'administration le 10 octobre dernier, prévoit différentes mesures parmi lesquelles la réduction de la durée de scolarité, la poursuite de la diminution des effectifs à hauteur de 4 ETP sur les personnels permanents, une modernisation des modalités d'accès à l'école, un recentrage de la formation continue et de l'action internationale, ainsi, que des efforts de gestion immobilière. Notre objectif est de retrouver un équilibre budgétaire à partir de 2021, tout en respectant la trajectoire budgétaire de la subvention pour charges de service public, qui prévoit une réduction de 2,8 % en 2019, pour être fixée à 30,2 millions d'euros.

Au-delà de ce programme budgétaire, l'actualité de la fonction publique se caractérise par la poursuite des concertations autour de quatre chantiers.

Le premier chantier est relatif au dialogue social, avec pour objectif de simplifier celui-ci par un rapprochement des comités techniques (CT) et des comités d'hygiène et de sécurité (CHS) de manière à créer une instance unique avec des prérogatives plus larges et, à partir d'un certain seuil, une formation spécialisée sur les questions d'hygiène et de sécurité, ainsi qu'une réforme profonde des commissions administratives paritaires visant à plus de fluidité et de souplesse dans les nominations.

Un deuxième chantier est ouvert autour de la question de la rémunération, avec la volonté que les agents relevant des trois versants de la fonction publique puissent percevoir une part variable de rémunération, sous la forme d'un bonus annuel constituant une forme de reconnaissance de l'engagement, grâce à des mécanismes d'intéressement individuel ou collectif – la répartition ou la prise en compte différenciée de l'engagement individuel et du collectif étant renvoyée au dialogue social de proximité –, avec la volonté de faire en sorte que la part variable soit suffisamment significative. Cela va se traduire par une simplification du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), et par des modalités techniques particulières, visant notamment à une meilleure lisibilité dans la lecture de ce régime indemnitaire. Nous renverrons à plus tard d'autres hypothèses évoquées avec les organisations syndicales – des hypothèses plus structurelles, et qui ne pourraient être examinées que dans le cadre d'une concertation plus large, notamment à l'occasion de la mise en oeuvre de la réforme des retraites.

Le troisième chantier est celui relatif aux mobilités et à l'accompagnement des transitions professionnelles pour favoriser les mobilités choisies et l'accès à la formation, mais aussi, dans le cadre de restructurations, pour accompagner les agents dont le poste serait supprimé à l'occasion d'un plan de réorganisation. Nous voulons créer une agence de reconversion pour pouvoir accompagner de manière équitable et interministérielle l'ensemble des agents concernés, quel que soit leur ministère d'appartenance, et nous nous appuierons pour cela sur les plateformes régionales de ressources humaines (PFRH) et sur des partenariats établis avec les deux autres versants de la fonction publique. Nous avons également créé, dans le cadre du programme 351 de la loi de finances pour 2019, un fonds d'accompagnement interministériel RH doté de 50 millions d'euros, qui aura pour vocation, dès 2019, à la fois de financer des actions collectives – sur des études d'impact ou des bilans de compétences –, mais aussi des mobilités individuelles dans le cadre de formations particulières.

Ce fonds interministériel, géré par la DGAFP, vient s'ajouter au fonds de transformation de l'action publique, qui concerne les investissements et aura vocation à cofinancer les moyens mis en oeuvre par les différents ministères pour accompagner la mise en oeuvre de leur propre plan de transformation. Pour cela, il est prévu de modifier les règles d'affectation pour les agents dont le poste est supprimé, en commençant par leur proposer un poste équivalent dans leur administration d'origine, sans forcément fixer de limites géographiques ; à titre incitatif, nous souhaitons doubler le plafond de la prime de restructuration de service ainsi que la part revenant au conjoint. En cas de refus d'une mobilité géographique, nous voulons travailler sur le principe d'une priorité d'affectation locale, d'abord sous la houlette des préfets de région, mais en allant ensuite jusqu'à envisager une forme de droit de préemption dont disposeraient les préfets de région sur les emplois publics de l'État vacants dans les territoires, de manière à nous assurer que les administrations déconcentrées jouent bien le jeu du reclassement des agents de ministères faisant l'objet d'une restructuration.

Nous voulons aussi créer un congé de transition professionnelle pour permettre à celles et ceux de nos agents qui seraient amenés à changer de métier à l'occasion de ce reclassement d'être formés pendant une durée pouvant aller jusqu'à douze mois, en bénéficiant d'un maintien intégral de leur traitement, puisqu'ils n'auraient pas nécessairement choisi cette mobilité. Nous prévoyons aussi des mécanismes de mise à disposition d'employeurs privés avec un droit d'option au bout d'un an, ainsi que des mécanismes de prise en charge par l'administration d'origine de la différence de salaire, dans le cas où le salaire du nouveau poste serait inférieur à celui du poste précédemment occupé.

Enfin, nous avons ouvert un quatrième chantier portant sur l'élargissement des conditions de recrutement en contrat, avec la volonté d'harmoniser les durées des contrats sur deux fois trois ans, de créer un contrat de mission, mais aussi d'assouplir les règles et d'élargir les dérogations qui permettent de recruter par contrat, y compris pour les emplois fonctionnels – nous en avons débattu au cours de l'été dernier. Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe général d'occupation des emplois permanents par des agents titulaires, mais bien de donner plus de liberté aux employeurs publics et à celles et ceux de nos concitoyens qui souhaiteraient mettre leurs compétences au service de l'administration pendant un temps donné. Nous voulons aussi saisir l'occasion qui nous est donnée d'améliorer les conditions d'emploi des contractuels et de lutter contre la précarité – résultant notamment de l'enchaînement des contrats courts – en fixant un référentiel de salaire pour encadrer le niveau de rémunération des contractuels en fonction de leur qualification et du poste occupé.

Si une majorité de syndicats – au sens des accords majoritaires dits de Bercy – validait le protocole d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, nous profiterions évidemment de ce futur véhicule législatif pour transcrire dans la loi l'ensemble des dispositions dudit protocole, que nous avons proposé la semaine dernière aux organisations syndicales, et sur lequel ils doivent se prononcer d'ici au 26 novembre prochain. Ce serait, me semble-t-il, une belle occasion à saisir pour faire en sorte de donner une force légale aux dispositions sur lesquelles nous avons commencé à échanger.

Je me tiens maintenant à la disposition de votre Commission pour répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser.

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