Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du vendredi 9 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, mes chers collègues, je fais partie de ceux, sur nos bancs, qui considèrent qu'il est de la responsabilité de notre pays d'investir dans les politiques publiques de l'emploi pour permettre à chacun de nos concitoyens de s'émanciper par le travail. Même si la situation économique du pays était plus prospère et la croissance plus généreuse qu'aujourd'hui, cela ne suffirait pas pour permettre aux femmes et aux hommes durablement éloignés de l'emploi de retrouver le chemin du travail. La lutte contre l'exclusion exige des politiques d'insertion professionnelle fortes et ambitieuses.

Force est de constater cependant que les crédits consacrés à la politique de l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2019 ne sont pas à la hauteur de cet enjeu. Pour le deuxième exercice de la législature, le budget de la mission « Travail et emploi » est en effet marqué par une forte contraction des crédits de paiement, qui atteignent 12,4 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de moins qu'en 2018, à périmètre comparable.

La semaine dernière, en commission des affaires sociales, j'ai pourtant entendu, madame la ministre, votre intention, que je crois sincère, de mobiliser tous les outils d'insertion professionnelle pour répondre à l'ambition de proposer à chacun un accès soit à la formation, soit à l'emploi.

À ce titre, je tiens à souligner l'effort consenti en faveur des structures de l'insertion par l'activité économique, sur lesquelles j'avais appelé votre attention l'an dernier : elles bénéficieront en 2019 de 5 000 équivalents temps plein – ETP – supplémentaires. Je regrette cependant que cet effort reste en deçà des attentes du secteur de l'IAE, dont le potentiel de développement est encore vaste ; il reste également en deçà des préconisations du rapport de M. Borello de janvier 2018, qui recommandait d'augmenter de 20 % par an le nombre de postes dans ce secteur.

S'agissant de l'insertion professionnelle des jeunes, j'ai noté avec satisfaction la reconduction des crédits destinés à la garantie jeunes, aux écoles de la deuxième chance ou aux établissements pour l'insertion dans l'emploi – EPIDE. D'autres dispositifs, en revanche, subissent une contraction inexpliquée de leurs moyens.

Le sort réservé aux missions locales, notamment, est une réelle source d'inquiétude dans nos territoires : les missions locales sont en effet en première ligne pour la mobilisation de la garantie jeunes, or leurs moyens consacrés à l'accompagnement diminuent de 4 % dans ce projet de loi de finances. Une telle baisse de crédits est préoccupante car, en matière d'insertion professionnelle, notamment pour les jeunes, il n'est pas toujours possible de faire mieux avec moins.

La disparition dans le projet de loi de finances pour 2019 de la contribution de l'État au budget de fonctionnement des maisons de l'emploi est tout aussi regrettable, car la centaine de maisons réparties sur le territoire intervient dans des domaines qui ne sont pas toujours couverts par les services publics de l'emploi. Le désengagement financier de l'État mettra donc inexorablement en difficulté ces structures. Je crains que seules les collectivités territoriales les plus aisées ne soient en mesure de conserver les maisons de l'emploi sur leur territoire, et qu'on ne laisse de côté les demandeurs d'emploi des zones déjà fragilisées.

J'en viens aux parcours emploi compétences, thème retenu dans mon avis budgétaire. Les contrats aidés « nouvelle formule » ont été instaurés dans le secteur non marchand, en remplacement des contrats d'accompagnement dans l'emploi, par une circulaire du 11 janvier 2018.

L'objectif poursuivi par le Gouvernement était de réduire en volume les contrats aidés pour en faire des parcours plus qualitatifs. Partant du principe que personne n'est inemployable, les PEC visent en effet à accompagner les publics les plus éloignés de l'emploi grâce à des actions de formation et à un accompagnement personnalisés.

Pour garantir cet objectif, les exigences à l'égard des employeurs ont été renforcées. Sur le papier, nous ne pouvons que souscrire à l'ambition des PEC : le triptyque « accompagnement, emploi, formation » a déjà fait ses preuves, notamment dans le secteur de l'IAE. Mais en pratique, tels qu'ils ont été conçus et paramétrés, ces nouveaux contrats sont loin de remporter l'unanimité.

Madame la ministre, vous avez affirmé devant la commission des affaires sociales que la sous-consommation de PEC constatée en 2018 était liée au renforcement des exigences à l'égard des employeurs. Je pense qu'elle résulte surtout d'un mauvais calibrage de ces contrats aidés.

Parmi les difficultés le plus souvent évoquées au cours des auditions que j'ai conduites, j'en retiendrai deux.

La première tient à la diminution drastique du nombre de contrats aidés : seuls 100 000 parcours emploi compétences sont financés dans ce PLF, contre 170 000 l'an dernier, hors effets de périmètre. Pourtant, le nombre de places offertes dans les dispositifs alternatifs tels que l'IAE ou la garantie jeunes n'a quasiment pas augmenté, ce qui signifie que 70 000 bénéficiaires potentiels de PEC risquent de rester sur le carreau en 2019, faute de places disponibles.

La seconde difficulté réside dans le faible taux de prise en charge par l'État des PEC : alors que ce taux s'élevait en moyenne à 72 % en 2017, il est désormais de 50 %, voire beaucoup moins dans certaines régions, puisque les préfets sont désormais libres de définir un taux de prise en charge compris entre 35 % et 60 %.

Madame la ministre, en matière d'emploi, il est souvent tentant d'engager de grandes réformes faisant table rase du passé, comme vous l'avez proposé avec la refonte du dialogue social, de la formation professionnelle ou encore des emplois aidés. Mais parfois, il suffirait de consolider ou d'ajuster les dispositifs existants – je pense notamment au taux de prise en charge des parcours emploi compétences – pour inscrire les politiques de l'emploi dans la durée et offrir aux acteurs de terrain – associations, missions locales, maisons de l'emploi – la visibilité et la stabilité qui leur font tant défaut.

C'est pourquoi j'ai déposé plusieurs amendements visant à adapter les crédits de la mission, et j'espère sincèrement qu'ils recueilleront votre assentiment.

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