Intervention de Annaïg Le Meur

Séance en hémicycle du vendredi 9 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Cohésion des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnaïg Le Meur, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Je suis ravie de vous exposer l'avis de la commission des affaires économiques sur les crédits du programme 147 consacré à la politique de la ville.

Après une année 2018 qui fut celle de la coconstruction de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers prioritaires, l'année 2019 sera celle de la traduction financière et de l'application des décisions prises à l'occasion de cette mobilisation. Contrairement aux échos qui ont pu l'accompagner, la feuille de route du Gouvernement pour la politique de la ville annoncée le 18 juillet dernier est d'une ampleur inédite. Quarante décisions engageant l'ensemble des ministères ont été prises, représentant 2,5 à 3 milliards d'euros de financements supplémentaires afin de garantir aux habitants des quartiers prioritaires les mêmes droits et afin de favoriser leur émancipation.

Le projet de loi de finances pour 2019 est la traduction financière de ces engagements. Le budget du programme 147 est en forte augmentation : de 85 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de près de 20 %. Le budget de la politique de la ville n'avait jamais atteint un tel niveau depuis 2012. Je me félicite de cet engagement accru de l'État dans la politique de réduction des inégalités territoriales, tant la situation de certains quartiers est aujourd'hui préoccupante.

Ces 85 millions supplémentaires permettront notamment de soutenir l'emploi associatif, grâce à la création de 1 000 postes d'adultes-relais, et au doublement du nombre de coordonnateurs associatifs, dits « emplois FONJEP » parce que financés par le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire. Certes, ces volumes et ces moyens ne sont pas strictement équivalents à ceux des anciens contrats aidés, mais ce sont des dispositifs durables et spécifiquement fléchés vers les territoires de la politique de la ville, alors que les contrats aidés restaient précaires et n'étaient pas ciblés.

Conformément au pacte de Dijon, conclu au mois de juillet 2018 entre les collectivités locales et l'État, ce dernier continue d'accroître la territorialisation des politiques de droit commun qui relèvent principalement de sa compétence, à savoir l'éducation et la sécurité. L'État poursuit ainsi le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les écoles des réseaux d'éducation prioritaire REP et REP+, et il met en place la police de sécurité du quotidien. Dans soixante quartiers, qui recoupent largement la géographie prioritaire de la politique de la ville, 1 300 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires seront créés d'ici à 2020. Je me réjouis de ce ciblage particulier, tant la question de la sécurité dans les quartiers prioritaires de la ville, mais aussi ailleurs, et même à Quimper, est un prérequis indispensable au succès de toutes les politiques publiques.

Cette année, j'ai souhaité que mon rapport pour avis aborde trois points particuliers : le suivi de l'expérimentation relative aux emplois francs, l'émancipation par le sport dans les quartiers, et le renforcement de la présence des services publics.

Depuis le 1er avril 2018, les emplois francs font l'objet d'une expérimentation dans sept territoires afin d'encourager l'embauche des habitants des QPV confrontés à des discriminations et des freins spécifiques dans l'accès à l'emploi. Depuis le début du mois de juillet, cent à cent cinquante aides sont attribuées chaque semaine. Pôle emploi attend un décollage fort du dispositif dans les deux mois, et les premiers retours qualitatifs sont encourageants : 80 % des emplois francs sont des CDI, et toutes les classes d'âge ainsi que tous les niveaux de diplômes en bénéficient. Je considère toutefois que le dispositif doit faire l'objet de plus de publicité, et que Pôle emploi doit davantage se tourner vers les réseaux informels locaux d'entreprises, animés notamment par les collectivités territoriales et les chambres consulaires.

Le sport est un élément essentiel de la vie sociale des quartiers de la politique de la ville. Le goût pour la pratique sportive y est élevé, et les éducateurs des clubs et associations sportives locales y réalisent un travail exceptionnel. Pourtant, malgré cette demande, les QPV sont marqués par un sous-équipement chronique en infrastructures : près de 30 % d'entre eux ne disposent d'aucun équipement sportif. Je salue donc la décision du Gouvernement de développer des équipements sportifs dans les cinquante QPV les plus carencés. J'espère que la création de l'Agence nationale du sport sera aussi l'occasion de recentrer durablement l'action de ce nouvel opérateur sur les territoires les plus fragiles et d'y associer toutes les fédérations sportives.

Le sport dans les QPV est aussi une école de vie et un tremplin vers l'emploi. Des associations et des clubs sportifs locaux utilisent le sport pour créer des liens avec les jeunes afin d'éviter le décrochage scolaire et de mettre ces derniers en relation avec des réseaux d'entreprises partenaires. Or, ces associations et clubs locaux sont aujourd'hui particulièrement touchés par la diminution du volume des contrats aidés de droit commun. Je soutiens donc la proposition de l'Agence pour l'éducation par le sport de créer un métier d'entraîneur d'insertion par le sport, qui bénéficierait d'une certification par l'État et d'un financement par le plan d'investissement dans les compétences – PIC. Ce nouveau métier pourrait être l'occasion de lancer un plan de recrutement de femmes dont l'absence est souvent un frein au développement de la pratique sportive féminine dans ces quartiers.

J'en viens à la question de la présence et de l'accessibilité des services publics. Pour garantir les mêmes droits aux habitants de tous les territoires, la feuille de route du Gouvernement a affiché des objectifs ambitieux pour les QPV : doubler le nombre de maisons et centres de santé d'ici à 2022, et développer les maisons de services au public – MSAP. Ces annonces sont importantes, car les services publics de première nécessité ont déserté certains quartiers. Elles ont recueilli un avis unanimement favorable de la part des acteurs. Je souhaite toutefois appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'accompagner ces objectifs ambitieux de financements adéquats, notamment en faveur des MSAP dont l'utilité et le succès sont indéniables dans les QPV.

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