Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du vendredi 9 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Cohésion des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

En abordant le budget du logement, comment ne pas avoir une pensée pour toutes les victimes de Marseille ? Pour avoir moi-même, lorsque j'occupais les fonctions de ministre du logement et de l'égalité des territoires, vécu de terribles drames, je ressens une particulière émotion. Je tiens à rendre hommage à l'ensemble des forces de sécurité qui oeuvrent sur les lieux du drame, et je ne peux que souscrire aux propos de Stéphane Peu sur la longueur des délais et des procédures. Il me semble également nécessaire de travailler avec le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur pour accélérer ces procédures au plan local.

Monsieur le ministre, le budget que vous nous proposez aujourd'hui subit, cette année encore, une baisse de crédits. L'année dernière, à la même époque, nous étions nombreux à vous annoncer les conséquences négatives qu'aurait votre budget sur la production et la rénovation des logements. Hélas, vous n'avez tenu aucun compte de nos alertes et vous avez quasiment supprimé les APL-accession, tout en mettant fin à l'application du prêt à taux zéro sur 95 % du territoire national – sans parler du recentrage du dispositif d'investissement locatif. Tout cela a des conséquences négatives, pour ne pas dire davantage, sur l'ensemble de la filière et pour l'accès au logement. Aujourd'hui, les signaux sont au rouge : nous assistons à une chute du nombre de permis de construire et de mises en chantier, ainsi qu'à une diminution des agréments de logements sociaux.

Monsieur le rapporteur spécial, vous vous félicitiez, en commission, des bons résultats de 2016 et surtout de 2017. Ces résultats sont incontestables, mais ils sont le fruit des actions coordonnées et particulièrement volontaristes que nous avions conduites sous la législature précédente, dans le cadre d'un plan de relance ambitieux, qui agissait sur tous les segments, et accompagnait l'ensemble des acteurs de la filière. Oui, ce plan de relance commençait à produire des effets mais, dans une logique d'économies budgétaires et sans jamais évoquer les recettes liées au logement, vous avez décidé de réduire de manière prématurée et drastique les crédits de la politique du logement, alors que le marché n'était pas encore tout à fait stabilisé. Ce choix politique constitue, de notre point de vue, une erreur majeure pour la croissance, l'emploi dans nos territoires et l'accès au logement de nos concitoyens. S'agissant de la réduction du loyer de solidarité, vous avez mis, de façon inévitable, les bailleurs sociaux dans l'incapacité de produire et de rénover leur parc, alors que toutes les études récentes démontrent que le parc social héberge de plus en plus de personnes en situation de grande pauvreté. Notre groupe estime qu'il aurait été préférable d'encourager la construction de logements très sociaux et de maintenir les crédits du FNAP. Sur ce sujet, il est à souhaiter que le Gouvernement fasse le choix d'avancer la clause de revoyure.

« En même temps », comme vous aimez à le dire, avec la loi ELAN, vous avez oublié de traiter la question majeure de la mixité, pourtant essentielle à la cohésion sociale, en ne vous donnant pas les moyens de lutter contre les égoïsmes locaux et en opérant des reculs fortement préjudiciables : je pense en particulier à la possibilité de vendre des logements sociaux dans les communes carencées. Pendant les débats, vous vous étiez pourtant engagé à remettre au Parlement un rapport sur le zonage, afin de mieux cibler certains dispositifs en fonction de la tension du marché et de ses potentialités. Même ce simple engagement, vous ne l'avez pas tenu.

Aussi, monsieur le ministre, j'espérais trouver dans ce PLF des mesures de nature à corriger la trajectoire engagée en 2018. Malheureusement, je ne vois rien de nature à me rassurer. Je le regrette, comme je regrette que vous n'écoutiez pas davantage les professionnels et les acteurs du logement, qui vous réclament un changement de cap. Nous attendions notamment des inflexions sur deux mesures qui seraient de nature à fluidifier les parcours résidentiels et qui nous paraissent essentielles. Premièrement, il convient de restaurer les APL-accession, qui permettent de solvabiliser les ménages modestes et de les aider à acquérir leur logement. Au lieu de cela, le rapporteur spécial nous a indiqué en commission que vous travaillez sur l'APL-réhabilitation ; si je comprends la philosophie de ce dispositif, je trouve regrettable qu'il ne s'adresse qu'aux propriétaires, et qu'il ne permette donc pas de favoriser l'accession sociale à la propriété. La seconde mesure indispensable est l'élargissement du PTZ dans l'ancien et dans le neuf, afin de revenir à la quotité et au zonage existants avant le budget 2018. En effet, votre recentrage a des conséquences très négatives sur la production de maisons individuelles et de petits collectifs, ce qui fragilise déjà fortement de petites entreprises et empêche de nombreux ménages de quitter le parc locatif, sans parler des conséquences sur l'aménagement de nos territoires.

S'agissant, précisément, de l'aménagement du territoire, même si vous avez lancé l' « action coeur de ville », je regrette qu'on délaisse les communes de moins de 10 000 habitants, qui occupent une place centrale et jouent un rôle essentiel en termes de maillage territorial.

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