Intervention de Roxana Maracineanu

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roxana Maracineanu, ministre des sports :

Je suis très heureuse d'intervenir devant vous sur le budget de mon ministère. Je saisis l'occasion qui m'est ainsi offerte pour exposer ma vision en tant que ministre des sports et les grandes lignes de la réforme que j'envisage de porter avec l'ensemble des acteurs.

Le premier acte de cette transformation a été la remise du rapport sur la nouvelle gouvernance du sport, fruit de huit mois de concertation, et que j'ai validé avec le Premier ministre mi-octobre. Je souhaite, bien entendu, enrichir ces propositions de mon expérience de sportive de haut niveau, d'éducatrice au bénéfice de la petite enfance et des femmes, de bénévole puis de dirigeante d'association, d'élue au conseil régional d'Île-de-France – et de mère de quatre enfants.

Je réponds en premier lieu aux interrogations, que je devine nombreuses, sur l'un des outils que nous allons créer au premier trimestre 2019, cette agence qui s'appelle pour l'instant Agence nationale du sport. Elle va nous permettre de faire progresser le modèle actuel, lequel associe le ministère, qui finance les fédérations, et le Centre national pour le développement du sport (CNDS), qui finance les associations sur le terrain. La création d'une telle agence en charge, d'une part, du sport de haute performance et de haut niveau, et d'autre part, du développement des pratiques sportives, m'a été proposée lors de mon arrivée, il y a deux mois, après la concertation qui avait eu lieu entre le mouvement sportif, l'État, le monde économique et les territoires. J'ai réfléchi, de manière approfondie, à la plus-value qu'elle constituerait, en consultant différents acteurs, associés ou non à la concertation initiale. J'ai déjà pu en esquisser les contours en séance, lors des débats budgétaires en première partie du PLF.

Il s'agira d'une réforme ambitieuse puisqu'elle associera, aux côtés de l'État, l'ensemble des acteurs impliqués dans le sport, et en premier lieu les collectivités territoriales – qui sont des acteurs incontournables en raison de leur poids dans le financement du sport – les associations, les parlementaires, les instances du monde sportif comme le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), le Comité paralympique et sportif français (CPSF), les fédérations, les athlètes, le monde de l'entreprise et, bien entendu, le Comité d'organisation des Jeux Olympiques (COJO) qui porte l'engouement suscité par les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) à Paris en 2024.

Pour mettre en place cette Agence, un préfigurateur sera nommé en décembre prochain. Sa mission répondra aux orientations que j'aurai moi-même données et il s'appuiera sur l'expérimentation. De ce point de vue, les territoires sont une richesse. Il faut toujours, j'en suis convaincue, chercher ce qui fonctionne sur les territoires, pour en tirer le meilleur. Ce travail aura donc une dimension collective et sera ponctué de temps de dialogue, formels ou informels, notamment avec vous, les parlementaires. J'aurais l'occasion de détailler les modalités de ces échanges dans les prochaines semaines.

Cette réforme, destinée à faire progresser le modèle actuel, sera fidèle à mes expériences et servira à réaliser les deux grands objectifs que nous avons définis avec le Président de la République et le Premier ministre : d'une part, réussir les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 ; d'autre part, développer le nombre de pratiquants, avec pour objectif d'en attirer trois millions de plus.

S'agissant en premier lieu de la réussite des Jeux, elle sera certes mesurée par un critère objectif, le nombre de médailles obtenues. Mais je veux voir au-delà : la réussite des JOP devra aussi être évaluée à la lumière de ce que l'on aura réellement mis en place autour de l'athlète et de son entraîneur pour écouter leur projet, les accompagner au mieux dans leur recherche de médailles, mais aussi dans leur reconversion.

La partie de l'Agence dédiée à la haute performance et au haut niveau, préfigurée par Claude Onesta depuis plusieurs mois, est déjà opérationnelle. La constitution de l'équipe se poursuit et elle attend désormais la création effective du nouvel organisme.

Mais, dans le message du Président de la République sur la réussite des Jeux Olympiques et Paralympiques, j'entends plus que le succès en nombre de médaillés ! J'aimerais que, sur un plan plus individuel cette fois, les Jeux favorisent la réussite de chaque citoyen qui aura tenté, grâce à nous, l'expérience du sport, cette expérience qui permet à l'individu de se connaître, et souvent aussi d'être reconnu dans un groupe, dans la société, cette expérience du lien que le sport crée avec l'autre, le partenaire d'effort et de jeu, l'entraîneur, l'éducateur. Ce que j'aimerais donc porter, c'est le progrès que chacun peut ressentir grâce au sport, dans ce monde où le jugement porté sur vous et sur votre marge de progression finit toujours par être quantifié.

Et s'il faut parler chiffres, j'en viens à notre deuxième grand objectif, que je fais pleinement mien, celui de motiver trois millions de pratiquants supplémentaires. C'est, à mes yeux, une injonction à transformer le modèle actuel en changeant de point de vue, en passant du ministère de ceux qui font le sport, associations et fédérations, au ministère de ceux qui font du sport. Les fédérations seront, bien entendu, au coeur du dispositif, mais les acteurs non affiliés au système fédéral devront également mieux être pris en compte.

Dans cet esprit, nous voulons mettre le pratiquant au coeur de nos préoccupations communes pour mieux coller à la réalité sportive d'aujourd'hui. Le sport est une politique publique. Je suis convaincue qu'elle doit être tournée vers les citoyens, questionner le rapport de chacun au sport, se mettre au service des autres politiques publiques. L'influence du sport sur la vie quotidienne des Français doit être le principal critère d'évaluation. Nous voulons aussi que le sport soit considéré comme un bien commun, un bien social qui appartient à tous : État, collectivités, mouvement sportif, monde économique et, bien sûr, pratiquants de tous âges, de toutes origines culturelles ou sociales. Nous voulons encore démocratiser ce que j'appelle les primo-apprentissages et donner aux familles, aux parents, aux grands-parents, aux personnels des crèches, des écoles maternelles et primaires, les clefs pour amener les enfants dès le plus jeune âge à la pratique sportive.

Bien sûr, cet objectif d'augmenter de trois millions le nombre de pratiquants passe par des nouvelles offres sportives à destination de tous les publics, sur tous les territoires.

Au-delà de ces deux grands objectifs, le ministère des sports mène d'autres missions. Ainsi, notre expertise reconnue en matière de grands événements sportifs internationaux et d'innovation technologique doit irriguer notre action de diplomatie et de coopération internationale. Et la filière économique du sport, pilotée par le ministère, est un outil formidable qu'il faut continuer à développer, notamment à l'international.

En second lieu, le ministère se doit d'accompagner la mutation des clubs sportifs, en lien avec les nouvelles attentes des pratiquants et avec le numérique, et d'encourager le développement du sport en entreprise. La stratégie nationale sport-santé qu'il construit avec le ministère de la santé permettra également d'amener plus de personnes vers l'activité sportive.

Je sais ce que le sport m'a apporté. Ses valeurs, et celles de l'olympisme, sont ancrées en moi. Le sport doit être exemplaire, ses acteurs intègres. Renforcer la régulation, la transparence et l'intégrité du sport sera l'une de mes autres priorités, tant au plan national qu'au plan européen. La lutte antidopage va se poursuivre, en lien avec les meilleurs laboratoires de nos universités. L'action du ministère pour lutter contre la manipulation des compétitions, contre les violences, les discriminations et le harcèlement va encore s'intensifier, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire.

Ces quelques éléments dessinent ma vision propre du sport. Mais je veux continuer à la développer dans l'écoute et le dialogue avec l'ensemble des acteurs de l'écosystème sportif, et avec l'ensemble des acteurs politiques, avec les autres ministres et, bien sûr, avec les parlementaires. Il me semble nécessaire de remettre de la méthode. Vous l'avez compris, je souhaite travailler avec vous pour bâtir un projet pour le sport qui, j'en suis sûre, pourra dépasser les clivages politiques.

Le budget du ministère des sports pour 2019, que je vous présente maintenant, est un moyen d'accompagner cette réforme. Ce budget est préservé par rapport à 2018 et comporte même des mesures nouvelles.

Dans le PLF pour 2019, l'ensemble des crédits apportés par l'État au titre des sports est évalué à 515,9 millions d'euros. La diminution de 12 millions d'euros, soit 2,4 %, par rapport à 2018 est liée principalement à un ajustement technique qui tient compte de la surévaluation, en 2018, des crédits destinés à la compensation des exonérations de charges sociales pour les arbitres et les juges sportifs.

Par ailleurs, un exercice d'optimisation a été mené lors de la préparation du PLF 2019, afin notamment de dégager des moyens nouveaux en faveur de la future Agence du sport. Ainsi, une enveloppe supplémentaire de plus de 40 millions d'euros de crédits est intégrée dans le budget qui vous est présenté. Sur cette somme, 25 millions d'euros sont dédiés au haut niveau et à la haute performance, pour renforcer les moyens alloués aux fédérations et au mouvement sportif ; le budget de la haute performance augmentera ainsi de 40 % par rapport à 2018, au bénéfice des athlètes. 15 millions d'euros sont dédiés au développement des pratiques, afin de continuer à réduire les inégalités d'accès à la pratique sportive, en particulier sur les territoires carencés.

En complément, j'ai défendu un amendement augmentant de 15 millions d'euros le plafond de la taxe sur les droits de retransmission audiovisuelle des événements sportifs, dite « taxe Buffet ». Adopté, il permettra de porter à 55 millions d'euros les mesures nouvelles pour accompagner la création de la future Agence. Ce sont ainsi 15 millions d'euros supplémentaires qui seront consacrés au développement des pratiques, afin de mettre en oeuvre des mesures concrètes en faveur de la lutte contre les inégalités d'accès à la pratique sportive ou encore le programme « savoir nager ».

Au total, le budget du sport pour 2019, hors crédits destinés à la Société de livraison des équipements olympiques et paralympiques (SOLIDEO), sera supérieur de plus de 11 millions d'euros aux moyens d'intervention obtenus en 2017, montant de référence pour le budget des sports.

Tel est, mesdames et messieurs les députés, le cadre dans lequel j'inscris l'action que je mène avec une totale conviction. Je suis à l'écoute de vos questions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.