Intervention de François Patriat

Séance en hémicycle du lundi 3 juillet 2017 à 15h00
Débat sur la déclaration du président de la république

François Patriat :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, le chef de l'État a tracé le chemin. Il nous est ainsi donné de vivre un événement exceptionnel pour créer un véritable élan : la France a besoin d'un choc de confiance, d'un souffle d'une profondeur historique et de concret.

Le Président de la République n'est pas venu ici nous entretenir d'un petit changement politique ou d'un simple changement de majorité parlementaire : il nous a invités à contribuer à un changement de monde, n'ayons pas peur des mots ! En 1960, John Kennedy proposait à ses concitoyens de réactiver le plus vieux, le plus grand, le plus beau mythe américain en inventant la Nouvelle frontière : lutte pour les droits civiques, affirmation d'un leadership actif sur le monde libre et conquête de l'espace. Face au grand désarroi social de notre pays, nous avons à notre tour un grand mythe à proposer aux Français pour donner un sens, c'est-à-dire une direction et une signification à notre action et à leur mobilisation. Nous devons en quelque sorte continuer à réinventer la République. Car si la démocratie est un état dont on peut se satisfaire, la République, elle, est un projet toujours inachevé.

Nous allons engager ensemble cet immense chantier politique autour de trois mots-clés avancés par le chef de l'État durant sa campagne : le rassemblement, la confiance, la bienveillance.

Les Français doivent d'abord se rassembler, et nous allons y oeuvrer, comme un symbole et un exemple, d'abord entre nous, en nous persuadant qu'un adversaire n'est jamais un ennemi. Pour ma part, je ne considère aucun membre de cette assemblée comme un ennemi.

Mais des ennemis, nous en avons surabondamment, avec ces fanatiques qui ont trahi leur Dieu, ces serviteurs de la peur, prêcheurs de haine et porteurs de mort. Ils croient nous décourager car ils ne comprennent pas la force des valeurs universelles et spécialement de notre foi dans l'unité fondamentale de la condition humaine. Nous sommes plus forts qu'eux, en prenant en considération un paradoxe que nous devons assumer : dans le pire des terroristes, il y a aussi un homme.

Si nous sommes capables de protéger nos concitoyens contre les menaces extérieures et intérieures vis-à-vis de leur sécurité, nous aurons fait beaucoup pour les rassembler. C'est pourquoi la réaffirmation de la place d'une France à nouveau respectée en Europe et dans le monde n'est pas un jeu de rôle théâtral mais bien une priorité de la politique nationale.

Le deuxième mot-clé, c'est la confiance. Il faut en finir avec la démagogie sinistre de ceux qui nous chantent le refrain du déclinisme et clament les slogans honteux de leur complexe d'infériorité collective. Il faut en finir avec ces prophètes d'apocalypse aux petits pieds.

Bien au contraire, la France doit afficher sa confiance en elle-même, dans le talent de ses inventeurs, dans le génie de ses créateurs, dans l'incroyable vitalité de ses entrepreneurs. Nous n'avons qu'une chose à faire mais elle est difficile : libérer les initiatives, donner toutes leurs chances juridiques et financières à ceux qui veulent créer et donc favoriser l'emploi. Un seul exemple suffira, je le prends dans le secteur essentiel de l'environnement, que le chef de l'État vient d'évoquer : on peut entretenir, comme dans le système ancien de la droite et de la gauche, la nostalgie coûteuse d'un monde révolu – il est révélateur que les énergies de la pollution soient qualifiées de « fossiles » – ; à l'inverse, nous pouvons dire et démontrer qu'une conversion radicale aux énergies du futur générera des milliers d'emplois, c'est-à-dire, pour notre jeunesse, de la confiance retrouvée dans l'avenir.

J'ajoute à ce mot-clé de confiance une dimension d'émancipation, pour la métropole, bien sûr, mais aussi pour les outre-mer, qui l'attendent impatiemment.

Décidément, nous ne voulons pas de ce monde décrit par le Grand Inquisiteur dans Les Frères Karamazov, où le pouvoir prive les citoyens de leur liberté, dont ils ont peur, en échange de la prise en charge de toutes leurs responsabilités. Nous avons au contraire la plus grande confiance dans la liberté.

Toutefois, nous savons aussi – c'est le sens du mot-clé bienveillance – que, dans un monde globalisé, champ d'une âpre compétition, certains sont moins armés, moins formés, moins bien disposés, parfois même handicapés. Dans ce cas, lorsqu'elle est seule, « c'est la liberté qui opprime », Lacordaire l'a dit avant moi. Ceux-là ont droit à la protection que confère la solidarité voulue par toute société digne de ce nom.

La réforme du code du travail ne sera qu'un premier pas. Toutes les formes de libération des forces créatrices doivent s'accompagner des garanties qui assureront notre cohésion. C'est l'équilibre difficile entre le libéralisme économique et la protection sociale qui définit exactement le progressisme dont nous nous réclamons.

Voilà ce que j'appelle « réinventer la République » et je suis très fier, comme beaucoup d'entre vous, j'en suis sûr, d'avoir été associé par le chef de l'État à la définition de ce nouvel horizon militant. Je veux en particulier lui rendre hommage pour avoir imaginé, le premier, que cet immense effort est possible. On attribue souvent à Sénèque, Lénine ou d'autres encore cette formule lumineuse que vous avez tous reprise : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. » Va pour Lénine ou un autre ! je salue cette puissante résurgence du volontarisme politique qu'incarnent aujourd'hui le chef de l'État et le Gouvernement.

Mes chers collègues, j'entends bien sûr parler, ici et là, de « dérive monarchique », de « pouvoir jupitérien » ou d'« excès d'autorité » à propos de l'adresse du Président au Congrès. Je vous dis que tenir de tels propos, c'est préférer les petites histoires à l'histoire, à cette histoire qui nous convoque et nous jugera.

Dans le pays des Lumières et à la veille de l'anniversaire de la déclaration d'indépendance américaine, nous sommes réunis pour inventer l'avenir. Alors, foin des cartes d'identité du passé, foin des étiquettes dépassées ! La République en marche n'est ni de droite ni de gauche – on le lui a beaucoup reproché –, elle n'est pas au milieu non plus ; elle est en avant.

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