Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Je remercie les rapporteurs pour leur communication très intéressante sur le fond, mais j'ai trouvé que certaines expressions étaient blessantes pour l'État grec. Notre séance de commission est diffusée en direct et je ne voudrais pas que certains de vos propos soient mal interprétés. Il me paraît important que lorsque vous rédigerez votre rapport, vous preniez soin de ne pas employer de termes désobligeants qui pourraient nuire aux excellentes relations qu'ont toujours entretenues la France et la Grèce.

N'oublions pas que la Grèce est dans une situation difficile depuis de nombreuses années et qu'elle n'a pas toujours été traitée avec dignité par les autres États membres et par les autorités européennes. Il faut veiller à maintenir une relation apaisée avec ce pays qui a entrepris de profondes réformes mais dont les résultats tangibles tardent encore à se manifester. Je comprends très bien votre objectif de dresser un tableau lucide de la situation, mais vos propos seront mieux compris s'ils ne heurtent pas la sensibilité des autorités grecques.

Je voudrais faire maintenant un commentaire sur vos propos au sujet des contradictions de l'État grec. C'est tout à fait juste de constater que la Grèce, comme d'autres pays européens qui sont en première ligne des flux migratoires, veut à la fois une solidarité accrue des autres États membres pour éviter de devoir accueillir un trop grand nombre de réfugiés mais veulent aussi affirmer leur souveraineté nationale, pour restreindre les prérogatives que l'on pourrait attribuer à des agences européennes comme Frontex ou l'Agence européenne de l'Asile. La Grèce doit surmonter cette contradiction qui conduit à une impasse. Si elle estime avoir besoin d'un appui renforcé des agences européennes pour gérer l'accueil des réfugiés, elle doit accepter une gestion intégrée des frontières par exemple.

Je crois qu'il faudrait parvenir à définir au niveau européen quel devrait être le parcours logique d'un migrant qui quitte son pays, qui passe par la Turquie en l'occurrence et qui souhaite introduire une demande d'asile. Faut-il faire évoluer le droit international et considérer qu'il est possible de mettre en place un mécanisme permettant d'apprécier l'éligibilité au droit d'asile avant l'entrée sur le territoire de l'Union européenne ? C'est une question très complexe mais qui mérite d'être posée car actuellement des migrants risquent leur vie en traversant la Méditerranée car il n'existe pratiquement pas d'autres solutions pour demander l'asile de manière sécurisée.

J'en viens à la question de la solidarité entre les États membres et je voudrais souligner que l'on reproche des choses totalement contradictoires à l'Union européenne. Il est faux de prétendre que le premier mécanisme de relocalisation en septembre 2015 était un choix technocratique. Il a été décidé à la majorité qualifiée par le Conseil des ministres. C'était un choix politique des États membres. Aujourd'hui nous devons décider si le Règlement de Dublin est modifié et si nous mettons en place un mécanisme de répartition des demandeurs d'asile entre les pays européens mais il nous faudra choisir entre affirmation d'une solidarité européenne et affirmation de la souveraineté de chacun. Mateo Salvini, ministre de l'intérieur italien, affirme les deux principes à la fois mais c'est une illusion. Quelle est la position exacte de la Grèce à ce sujet ? S'ils sont déterminés à faire voter à la majorité qualifiée un mécanisme de solidarité obligatoire ils devront en contrepartie accepter des limitations de leur souveraineté nationale, notamment pour une surveillance des frontières extérieures de l'Union par Frontex.

Je crois que pour clarifier les négociations sur le droit européen de l'Asile et la maîtrise des flux migratoires, il faudrait définir clairement ce qui relève de la responsabilité de l'État grec ou de chaque État en première ligne et ce qui relève de la responsabilité de la Commission européenne et des agences. Actuellement, la confusion entretenue sur les responsabilités respectives en cas de crise migratoire conduit les professionnels de terrain à agir à court terme sans réelle coordination ni stratégie de long terme.

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