Intervention de Alexandre Freschi

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Freschi :

Dans ce contexte, nous avons choisi de nous rendre au Danemark, à la fin du mois de septembre. Ce choix était justifié par trois éléments majeurs.

D'abord, le positionnement danois est très différent de celui de la France concernant la PAC, dans la mesure où il s'agit d'un pays résolument libéral. Ensuite, le Danemark a décidé, dès la fin des années 1980, d'entreprendre une reconversion de son agriculture vers la production biologique. Enfin, le Danemark, malgré son orientation très axée sur l'environnement, ne renonce pas à une certaine forme de productivisme, dans la mesure où le pays produit trois fois ce qu'il consomme et reste donc fortement exportateur. Le Danemark a également une position paradoxale sur le glyphosate, en s'étant montré favorable à un allongement de la période d'utilisation de ce produit à 10 ans. Cette position peut s'expliquer par la recherche d'une rentabilité agricole assumée.

Le premier élément qui nous a frappés est l'extrême confiance que les autorités danoises, tout comme les syndicats et certains producteurs, ont dans leur modèle et dans le marché. Pour eux, les aides directes constituent une forme de « perfusion administrative » offerte à des exploitations qui, pour certaines d'entre elles, ne sont pas économiquement viables. Ils sont donc favorables à une suppression du premier pilier, de façon plus ou moins rapide, pour le remplacer par des aides qui accompagnent véritablement les agriculteurs vers une production écologiquement soutenable.

De façon tout à fait logique, le Danemark a donc utilisé à plein la possibilité de transfert des fonds du premier vers le second pilier, à hauteur 7 % jusqu'en 2020 (contre environ 4 % pour la France). Pour autant, les Danois sont attachés à l'aspect commun de la PAC, car ils craignent qu'en cas de démantèlement de cette politique, d'autres pays ne subventionnent massivement leurs agricultures nationales.

Parallèlement, le Danemark investit massivement pour l'agriculture biologique et la transition agro-écologique et cette politique a porté ses fruits. Aujourd'hui, 8 % de sa superficie agricole totale sont consacrés au bio, contre seulement 6,7 % dans l'UE et 5,3 % en France. Plusieurs initiatives expliquent ces performances. Le pays a mis en oeuvre 6 plans pour le bio depuis 1986. Les effets de cette politique sont tout à fait notables. Le prix de vente des agriculteurs produisant des porcs biologiques est trois fois supérieur à celui des porcs issus de l'élevage conventionnel. Le secteur agricole danois a réduit de 16 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2014. Le Danemark a introduit dès 1996 une taxe sur les pesticides, permettant de réduire la quantité de matières actives de 60 %, entre 1980 et aujourd'hui.

Il nous paraît important de noter que, depuis la fin des années 1980, les mesures environnementales n'ont pas fait chuter les rendements agricoles. En 2009, avant la crise, l'écart était très important entre la France et le Danemark. Le Danemark offre la preuve que les mesures environnementales permettent d'accroître le profit agricole.

Par ailleurs, nous avons remarqué plusieurs particularismes danois en matière agricole, qui nous paraissent éclairants pour notre réflexion. D'abord, la structuration interprofessionnelle et syndicale est originale, dans la mesure où un organisme, le Conseil danois de l'agriculture, regroupe 95 % des agriculteurs danois et porte donc une parole très forte auprès des instances politiques. De plus, il faut noter que depuis 2015 les Ministères de l'Environnement et de l'Agriculture danois ont fusionné. Enfin, les filières agricoles sont structurées en coopératives, tournées vers l'international, telles que « Arla » dans le domaine du lait ou « Danish Crown » dans celui du porc. Cela leur permet de peser dans les négociations commerciales, notamment avec les enseignes de grande distribution.

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