Intervention de Alexandre Freschi

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Freschi :

Les paiements directs du 1er pilier peuvent d'abord être rendus plus efficaces. En effet, il importe de protéger les agriculteurs de la forte variabilité des prix. L'élargissement du marché et l'absence d'intervention publique ont conduit à une plus grande variabilité des prix et donc à une imprévisibilité croissante. La crise laitière a ainsi cruellement montré l'insuffisance des outils de gestion des risques, notamment l'assurance-récolte et les fonds de mutualisation. Les multiples outils sont insuffisamment utilisés, du fait de conditions très strictes à remplir et d'une faible réactivité des autorités européennes. Il est donc, selon nous, primordial de revoir ces dispositifs, dans un but de clarification et d'efficacité accrue. Plusieurs pays, comme les États-Unis, utilisent les « paiements contra-cycliques », c'est-à-dire une prime couvrant la différence entre le prix réel constaté et un prix objectif garanti. Toutefois, cette formule ne permet pas d'anticiper le budget nécessaire. Il serait plus simple d'opter pour une enveloppe dédiée, supposant une surveillance fine des prix et autorisant, de façon réactive et argumentée, des compensations lorsque c'est nécessaire.

Il importe que le 2e pilier de la PAC, dédié au développement rural, cible beaucoup mieux les aides, sur trois publics en particulier. D'abord, ces aides doivent viser les agriculteurs désireux d'opérer une transition écologique, notamment vers le bio. En effet, cette transition est une prise de risque coûteuse pour les agriculteurs, que la PAC ne soutient pas. Aujourd'hui, ces aides sont beaucoup trop complexes à trois égards. Du point de vue de leur gestion : en France, elles sont, depuis 2015, gérées conjointement par l'État et les régions. Du point de vue de leur structuration : elles sont noyées, au sein du 2e pilier, au milieu d'autres types d'aides, notamment l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), les mesures agro-écologiques et climatiques (MAEC) et l'assurance-récolte. Du point de vue de leur critère de versement : les aides au bio se déclinent en deux subsides (aide à la conversion et aide au maintien). Il est donc primordial de rationaliser ces aides, en suivant le « modèle » danois. L'idée serait d'envisager une enveloppe spécifique pour le bio, et d'en rationaliser également la gestion (soit par l'État, soit par les régions).

Cette exigence doit être une priorité, comme semblent le montrer les dernières études scientifiques. L'article, publié le mois dernier par la revue JAMA Internal Medicine, montre par exemple, en se basant sur près de 70 000 volontaires, que les risques de cancer sont diminués de 25 % pour les personnes qui consomment des produits issus de l'agriculture biologique. Cela s'explique notamment par la présence bien moins fréquente, dans les aliments bios, de pesticides synthétiques que dans les aliments issus de l'agriculture conventionnelle. Le bio est donc un vecteur majeur d'amélioration non seulement du revenu des agriculteurs mais aussi des problématiques de santé publique. En parallèle, nous pensons indispensable, notamment pour la production française, de continuer à soutenir massivement les productions sous signe de qualité. Celles-ci s'appuient sur des cahiers des charges prenant en compte des exigences en matière environnementales, sociales et de production.

Ensuite, ces aides doivent également bien mieux viser les jeunes agriculteurs. La Cour des comptes européenne avait, dès juin 2017, alerté sur les incohérences de ces aides aux jeunes agriculteurs, entre le 1er pilier (comprenant un supplément de 25 % pour les jeunes agriculteurs) et le 2e pilier (avec une aide à la première installation). La Cour des comptes considère que les aides du 1er pilier sont très mal ciblées et que celles du 2e pilier sont fondées sur une évaluation approximative des besoins. Il faut, là aussi, que ces aides soient drastiquement simplifiées. Nous reprenons les propositions de Mme Esther Herranz García, rapporteure du Parlement européen, qui veut porter la limite d'âge d'accès à cette aide de 40 à 45 ans. Nous ajoutons qu'il faut une enveloppe unique, afin que l'aide ne soit plus dispersée entre les deux piliers.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.