Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du lundi 12 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je sais bien que le Gouvernement trouve toujours que le Parlement est trop long, mais il faut se rappeler que le Gouvernement décide seul, alors que le Parlement, où sont représentées l'ensemble des sensibilités politiques, doit débattre. Cela prend évidemment plus de temps, mais il n'y a pas de démocratie sans débat ! C'est pourquoi de nombreux amendements ont été déposés sur ce texte. Certes, beaucoup d'entre eux n'ont pas vraiment de rapport avec ce PLFR, mais cela vient tout simplement du manque de temps.

Sur le fond, le Haut conseil des finances publiques a estimé que la logique macroéconomique du projet de loi de finances pour 2018 est respectée. À quelques éléments près, le Gouvernement a bien respecté ses engagements. Toutefois plusieurs questions se posent.

Tout d'abord, les dépenses ont peu augmenté en volume ; en valeur, en revanche, elles ont fortement augmenté, en raison de l'inflation élevée. Or en période d'inflation forte, compte tenu de la dérive automatique de la dépense en valeur, il est plus simple de maintenir la dépense en volume : cela masque un peu l'augmentation réelle des dépenses.

Au-delà des effets de l'inflation, l'exercice 2018 est décevant. Nous avons regretté, à l'époque, son manque d'ambition, et nous continuons de le déplorer. Le solde public ne s'améliore que de 0,1 point entre 2017 et 2018, c'est-à-dire rien du tout, alors que la France connaît une période de forte croissance. Le contexte est bien différent de celui qu'a connu Nicolas Sarkozy, lorsque l'économie française, dans un contexte de récession mondiale, était elle-même en récession, et de celui qu'a connu François Hollande, marqué par la fin de la crise financière et par des crises nouvelles, notamment celles de l'euro, qui assombrissaient les perspectives de croissance.

Nous sommes à présent entrés dans un cycle favorable, mais vous n'en tirez pas profit. L'effort structurel est d'autant plus faible que le contexte est plus favorable : il a été nul en 2018. La France ne respecte donc pas ses engagements internationaux, notamment ceux du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire – TSCG – , ce qui est tout à fait inquiétant. Je rappelle que nous nous sommes engagés à réduire d'au moins 0,5 point par an notre déficit structurel, afin d'atteindre notre objectif de moyen terme. Cette règle, qui s'ajoute à la limitation du déficit à 3 % du PIB, vise à encadrer l'augmentation de la dette. Or la perspective d'un retour à l'équilibre est sans cesse repoussée par le Gouvernement, et cela a été le cas à nouveau en 2018.

Vos prévisions ne sont donc pas conformes au TSCG. Je crois que la France devrait respecter les traités qu'elle a signés : si nous voulons remettre en cause tel ou tel objectif, alors il faut le faire explicitement au niveau de l'Union européenne, et non agir unilatéralement en comptant sur la bienveillance de la Commission européenne. Parce que nous ne sommes pas n'importe quel pays mais la France, nous devons y veiller tout particulièrement. Vous avez la possibilité de respecter les dispositions du TSCG, mais vous ne les respectez pas : nous le regrettons.

J'en viens aux OPEX. Il est vrai que vous faites un effort pour rendre leur budgétisation plus sincère : nous le reconnaissons, et François Cornut-Gentille, ici présent, le redira sans doute. Vous augmentez au fur et à mesure le budget de la mission « Défense » pour prendre en compte le montant des OPEX : c'est aussi ce que nous avons fait à notre époque, quoique de façon moins importante. L'écart entre, d'une part, le coût réel des OPEX et des missions intérieures du ministère des armées, et d'autre part les montants prévus en loi de finances, est en train de se réduire.

On constate cependant un écart de 404 millions d'euros, qui ne sera pas pris en charge par la solidarité interministérielle, comme c'était le cas auparavant. Pourquoi cela ? Non seulement vous ne respectez pas les traités, comme je l'ai montré, mais vous ne respectez pas non plus la loi de programmation militaire : c'est pour nous un autre sujet de préoccupation.

Bref, vous annulez un peu plus de 300 millions d'euros de crédits sur les programmes d'armement en cours. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. En fait, ne reprenez-vous pas d'une main ce que vous avez donné de l'autre ? Certes, vous avez augmenté les crédits budgétaires des armées, conformément à la loi de programmation militaire, qui vise à atteindre le niveau de 2 % du PIB. Mais cette hausse est-elle bien réelle, si vous imputez sur ces crédits des charges qui auparavant reposaient sur d'autres crédits, en vertu de la solidarité ministérielle ? C'est une grave question !

Pour résumer de façon peut-être un peu caricaturale, plus vous demandez aux armées, moins vous les équipez. Vous contesterez sans doute cette manière de voir les choses, mais quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas favorables à cette méthode qui aboutit à ce que l'armée se retrouve avec moins de crédits disponibles qu'auparavant.

Dernier point : les carburants. C'est une question à la fois politique et technique, comme l'ont révélé les oppositions lors du débat sur le PLF. J'ai une question à poser au Gouvernement et à la majorité à ce sujet : l'augmentation de la fiscalité énergétique vise-t-elle à compenser la baisse de la taxe d'habitation ?

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