Intervention de Lise Magnier

Séance en hémicycle du lundi 12 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLise Magnier :

Honnêtement, monsieur le ministre, comment auriez-vous réagi à notre place lorsque vous étiez vous-même député ? Ici, à l'Assemblée nationale, les débats et les votes doivent être éclairés.

Comme pour beaucoup de mes collègues, j'exerce mon premier mandat. Un problème semble revenir fréquemment : celui des délais d'examen des textes financiers, et leur superposition à l'ordre du jour. Bien que ce sujet concerne davantage le projet de loi de réforme constitutionnelle, dont nous reprendrons vraisemblablement l'examen au mois de janvier prochain, permettez-moi de faire une courte digression. Si nous raccourcissons le temps d'examen de ces textes financiers afin d'accélérer les débats, il faudra qu'en contrepartie le dépôt du texte et des documents annexés se fasse plus en amont. Nous constatons beaucoup trop souvent que des documents ne nous sont pas transmis en temps et en heure. Ainsi, je me souviens avoir entendu notre collègue Marie-Christine Dalloz regretter de n'avoir pas disposé du jaune budgétaire lors de l'examen de son rapport spécial en séance ; je me souviens, lors de l'examen de la mission « Outre-mer », que les députés ont découvert le document de politique transversale en séance publique.

Bref, je m'interroge : comment peut-on continuer ainsi ? À moins, monsieur le ministre, qu'il ne suffise d'inscrire dans la Constitution que le Parlement ne rend plus désormais qu'un simple avis consultatif sur les lois de finances ! Cela reviendra au même.

Je pense, monsieur le ministre, que ce sentiment est partagé par tous les groupes politiques. Nous ne voulons plus de sous-budgétisations ; nous ne voulons plus de fiascos comme pour la taxe de 3 % sur les dividendes ; vous non plus, je le sais. Mais alors pourquoi prendre les risques qui résultent forcément d'une telle urgence ?

Revenons-en au fond. Je l'indiquais précédemment : ce projet de loi de finances rectificative est très court et vise à assurer la fin de gestion de l'exercice 2018.

En ce qui concerne le volet macroéconomique, le Haut conseil des finances publiques estime que l'hypothèse de croissance de 1,7 % pour 2018 est un peu élevée, et qu'une croissance de 1,6 % est « plus vraisemblable » – c'est celle retenue par l'INSEE. Toutefois, les prévisions de dépenses et de recettes, donc de solde, sont jugées « plausibles ». Finalement, c'est peut-être plutôt l'année 2019 qui doit nous inquiéter : le PLF pour 2019 repose également sur une prévision de croissance de 1,7 %, alors que la Commission européenne s'attend à un ralentissement de la croissance dans l'Union. Au vu de l'évolution de la situation économique depuis la présentation du budget pour 2019 en septembre dernier, ne serait-il pas prudent, monsieur le ministre, de prévoir une croissance de 1,6 % pour l'an prochain ?

La prévision de déficit public pour 2018 reste ce qu'elle était dans la loi de finances initiale, à 2,6 % du PIB. Néanmoins l'effort structurel, lui, est pratiquement nul alors même que le Haut conseil constate que le chemin à parcourir pour ramener le solde structurel à l'objectif de moyen terme reste important.

Le déficit de l'État s'améliore de 5,6 milliards d'euros par rapport à la prévision en loi de finances initiale, s'établissant à 80 milliards d'euros. Cette baisse s'explique notamment par la vente des actions Safran et la bonne tenue des rentrées fiscales. Les recettes de TVA qui pourraient être légèrement inférieures aux prévisions seraient compensées par des dépenses de fonctionnement des collectivités locales un peu moins dynamiques que prévu.

J'en viens aux différents articles, en commençant par quelques remarques sur l'article relatif à l'ajustement des ressources du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », conséquemment à la révision de l'estimation de ses dépenses. Environ 600 millions d'euros n'ont pas été dépensés, ce qui justifie pleinement un ajustement des recettes affectées à ce compte pour 2018. Mais la fiscalité verte a augmenté de près de 8 milliards d'euros ces dernières années, dont 1 milliard seulement a été alloué à la transition énergétique. Si vous voulez que les citoyens n'aient pas l'impression de subir une fiscalité punitive, si vous voulez qu'il y ait une chance qu'ils adhèrent à ces hausses d'impôts, alors il faut que ces ressources servent réellement et intégralement à développer les alternatives vertes. Monsieur le ministre, n'imposez pas la transition écologique : accompagnez-la efficacement !

En ce qui concerne l'article 3, qui ratifie un décret relatif à la rémunération de services rendus par les services de l'État, vous ouvrez un débat non négligeable si on le transpose au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu : ayant à coeur d'appliquer le juste principe d'égalité, j'ai déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2019 tendant à mettre en place un crédit d'impôt pour les entreprises équivalent aux frais de gestion du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu : il s'agit là d'un service rendu par les entreprises à l'État, et il est donc juste de prévoir un dédommagement de cette charge.

J'en viens à la réduction de la vacance des autorisations d'emplois de 10 805 ETPT – équivalent temps plein annuel travaillé – , en application de l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Cette nouvelle disposition permettra de redonner toute sa portée à l'autorisation parlementaire fixant un plafond annuel aux autorisations d'emplois par ministère, qui ne seront plus déconnectées de la réalité par des vacances parfois cumulées au fil des ans.

Comprenons-nous bien : la réduction de la vacance dans les autorisations d'emplois ne saurait être comptabilisée comme des réductions strictes du nombre d'ETPT.

Je conclurai en évoquant les crédits de la mission « Défense » et en citant l'orateur de notre groupe, il y a an, lors de la discussion de la première partie du PLF pour 2018 : « Pour ce qui est de la défense, vous ne prévoyez que 200 millions d'euros en plus pour porter à 650 millions les crédits des OPEX, alors que tout le monde sait que ces dépenses se montent à environ 1,1 milliard ; c'est donc entre 400 et 450 millions d'euros qu'il faudrait ajouter. » Nous y voilà !

Depuis, nous avons adopté la loi de programmation militaire dont l'article 4, qui fixe la provision annuelle nécessaire au financement des OPEX et des missions intérieures, dispose que « En gestion, les surcoûts nets, hors crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette provision font l'objet d'un financement interministériel. [… ] »

Et pourtant, monsieur le ministre, dans ce PLFR, vous prévoyez de couvrir le besoin de financement des OPEX et des missions intérieures uniquement en annulant d'autres crédits affectés à la défense. Cela me conduit à m'interroger à plusieurs titres.

À quoi sert l'article 4 de la LPM si vous ne respectez pas son application ? À quoi sert la loi si nous ne l'appliquons pas nous-mêmes ? Plus concrètement, pensez-vous que nos forces armées, déployées sur de nombreux théâtres d'opérations, soient si bien équipées que l'amputation du programme 146 « Équipement des forces » de 319 millions d'euros n'aura pas d'effets ?

Au lendemain des commémorations du centenaire de l'armistice de 1918, de l'hommage national rendu non seulement à nos Poilus mais également à tous les soldats morts pour la France, et notamment à ceux tombés au combat cette année, je crois sincèrement que nos soldats méritent le respect qui leur est dû et que nous aurions tous intérêt à prévoir les crédits nécessaires à l'exercice de leur mission au service de la paix et de nos valeurs.

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