Intervention de André Lucas

Réunion du jeudi 18 octobre 2018 à 8h45
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

André Lucas, professeur émérite de droit privé à l'université de Nantes :

La réforme envisagée passe par une refonte totale et radicale du droit de la filiation. Aussi suis-je en parfait accord avec ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, en évoquant la nécessité d'une réflexion aboutie. J'oserai un bémol, mais je suis sûr que tout le monde sera d'accord sur ce point : ce n'est pas parce que des techniques sont disponibles qu'elles ont nécessairement vocation à être retenues par le droit. Y compris à l'avenir, il conviendra d'opérer un tri entre les différentes techniques.

À mon avis, il n'est pas possible de concrétiser cette réflexion dans un titre VII bis où seraient concentrées toutes les dispositions sur la PMA ; du moins cela s'avérerait-il extrêmement difficile car des problèmes de cohérence se poseront, qui émergeront immédiatement.

Si l'on veut véritablement fonder la filiation sur le consentement, il faut le dire et en tirer toutes les conséquences, accepter une révolution. Je ne défends pas cette position, mais au moins a-t-elle une cohérence. J'insiste sur le travail considérable que représenterait une refonte complète du droit de la filiation fondée sur cette inversion totale de perspective.

Quand je suis devenu professeur de droit, j'ai enseigné le droit de la filiation, peu de temps après la grande loi du 3 janvier 1972, une loi importante qui a établi l'égalité entre la filiation naturelle et la filiation légitime. Nombre de ses grands principes figurent encore dans notre droit, mais elle ne réalisait pas une révolution à la mesure de celle qui est envisagée. Or, cette loi de 1972 avait été précédée de travaux extrêmement abondants, bien plus abondants sur le plan sociologique et sur d'autres plans que ceux qui sont versés aujourd'hui au débat et qui sont destinés à vous éclairer. D'éminents juristes s'étaient attelés à la tâche. Je ne peux pas ne pas citer le doyen Jean Carbonnier, probablement l'un des plus grands juristes français du XXe siècle. Je dis donc : pourquoi pas ? Cette refonte répondra à une logique. Ce ne sera pas une mince affaire, mais je vous souhaite beaucoup de courage !

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