Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 11h40
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Monsieur Gruson, un grand merci pour cet exposé complet et riche, sur un sujet délicat. Je vous poserai trois questions.

L'évolution dans ce domaine est inéluctable et nous sommes amenés, vous l'avez bien montré, à choisir une voie moyenne entre un progressisme incontrôlé, potentiellement dangereux, et une vision trop conservatrice qui nous mettrait très rapidement au ban des nations qui utilisent ces moyens nouveaux, de façon bénéfique.

En France, nous disposons d'une masse de données de santé considérable, peut-être même unique dans le monde, pour diverses raisons, et qui suscitent certains appétits. Nous observons déjà que certains réseaux commerciaux utilisent ces données sans que nous sachions précisément quelle est la source des informations qu'ils exploitent.

Ainsi, des malades reçoivent des propositions d'objets connectés, parfois utiles, mais pas toujours indispensables. Ils ont été repérés spécifiquement, que ce soit en secteur libéral ou en secteur public, sur la base de données les concernant qui circulent. Jusqu'à présent, les conséquences ne sont pas très graves, mais l'amplification de ce phénomène serait regrettable. Comment s'assurer qu'il n'y ait pas de plus en plus de fuites sur des données de santé, utilisées à des fins essentiellement commerciales ? Êtes-vous plutôt favorable à un moyen de coercition a priori, ou à un contrôle a posteriori assorti de sanctions ?

Deuxièmement, vous nous avez cité un certain nombre de difficultés à surmonter, mais j'aimerais que vous nous disiez quelles sont les faiblesses que vous percevez comme les plus préoccupantes dans notre système français ? Pouvez-vous hiérarchiser, en quelque sorte, les difficultés que nous aurons à affronter dans les toutes prochaines années, et nous suggérer une façon de les résoudre – dans le respect, bien entendu, des valeurs éthiques françaises que je n'ai pas besoin de rappeler ?

Troisièmement, vous avez évoqué la modification de la relation médecin-malade, qui, au lieu d'être fondée, comme dans le passé, essentiellement sur une confiance réciproque, devient de plus en plus une codécision. Certains se félicitent de cette évolution, d'autres la regrettent, mais elle est inéluctable. Le malade participe de plus en plus à la décision, il est moins passif et peut invoquer le recours à certaines expertises extérieures.

Le recours à la téléexpertise passe, pour l'instant, par l'intermédiaire de médecins, mais demain d'autres vecteurs pourront être trouvés. Comment imaginer que cette relation, qui se modifie dans son fondement, soit efficacement, correctement et rapidement enseignée aux étudiants en médecine d'aujourd'hui qui seront les médecins de demain et qui baigneront dans l'intelligence artificielle ?

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