Intervention de François Hirsch

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 19h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

François Hirsch, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et membre du comité d'éthique de l'INSERM sur l'édition génique :

Comment homogénéiser les réflexions au niveau européen ? C'est ce que nous tentons de faire depuis mars 2016, où nous avions réuni autour de la table des représentants du Wellcome Trust, au Royaume Uni, du Nuffield Council on Bioethics, le bras armé du Wellcome Trust, des représentants d'institutions allemandes, de l'Académie des sciences d'Allemagne – deux pays qui n'ont pas ratifié la Convention d'Oviedo –, ainsi que des Espagnols, des Italiens, des Portugais, et des membres du Conseil européen de la recherche (ERC) préoccupés par l'augmentation phénoménale du nombre de demandes de financement pour des projets utilisant CRISPR. J'en ai discuté avec le président, M. Bourguignon, pour savoir quelle serait la position de l'ERC.

Grâce à la production du livre blanc, nous sommes parvenus à un consensus sur la nécessité d'observer ce qui se passe, de favoriser les recherches permettant d'améliorer la technologie et d'éviter le off-target, c'est-à-dire le ciblage qui n'atteint pas l'endroit désiré du génome. Nous étions tous d'accord pour favoriser ce type de recherches.

Concernant l'application chez l'homme, il n'y a pas de raison que l'édition du génome ne devienne pas l'un des outils de la thérapie cellulaire, comme cela se pratique dans les nombreux essais que j'ai évoqués. On manipule des cellules par édition du génome en dehors de l'organisme, ex vivo, et on les réinjecte au patient. S'agissant de cellules somatiques, cela ne gêne personne.

S'agissant de la possibilité, ou plutôt de la certitude, de pouvoir manipuler des embryons et des cellules germinales par édition du génome, le consensus n'existe pas. Les Anglais veulent aller vite, en accord avec la plupart des associations de patients européens, surtout ceux atteints de maladies rares. En mars 2016, à Paris, nous avons entendu le témoignage vibrant de représentantes d'associations anglaises de patients évoquant des enfants qui auraient pu être guéris par édition du génome. Nous ne sommes pas d'accord avec les Allemands qui ont une position extrême. Pour le moment, ils se refusent à toucher aux cellules germinales et à l'embryon humain, mais cela va évoluer. D'ici quelque temps, nous aboutirons à un consensus européen, au moins sur l'observation de cette technologie, son accompagnement et la volonté d'éviter qu'elle tombe en de mauvaises mains. J'ai montré un exemple qui m'a choqué.

J'aurais pu vous parler du fameux biohacker californien, premier homme à s'être injecté une construction CRISPR, il y a deux ans. Sans doute avait-il acheté le kit chez Amazon. Sur YouTube, une vidéo montre ce bodybuilder qui a voulu enrichir sa masse musculaire. Nous suivons son blog et nous le voyons un peu inquiet de ce qui va se passer. Les fameux Fab Labs, avec le do it yourself, le fameux concept selon lequel chacun doit pouvoir s'approprier la technologie, font leur chemin avec CRISPR.

Avant d'en venir aux OGM, j'enchaîne sur la troisième question concernant la correction de traits génétiques. Beaucoup le demandent, notamment pour les maladies monogéniques, comme la drépanocytose et la maladie de Duchenne. L'exemple des chiens myopathes qui remarchent fait réfléchir les associations de patients myopathes. Je pense que cela se fera, parce que d'autres pays le font et le feront. La Chine, qui publie dans des journaux de seconde zone, se positionne fortement sur l'utilisation de l'édition du génome, ainsi que les États-Unis, où tous les verrous éthiques sont en train de sauter. Nous l'avons malheureusement constaté avec la décision de la FDA et du Département de l'agriculture considérant que les technologies de mutagenèse par édition du génome n'ont rien à voir avec les OGM. Ce sont des choix : il faut aller vite, l'industrie américaine doit être la plus performante possible, etc. Ce verrou sautera un jour. Vous le savez, des réflexions sont en cours au Conseil de l'Europe en vue d'un réaménagement du fameux article 13 de la Convention d'Oviedo interdisant la manipulation des cellules germinales.

En ce qui concerne les OGM et les technologies génétiques, la CJUE a décidé que c'était la même chose. Je ne me prononcerai pas sur ce point. Ma position sur l'OGM est personnelle. Les technologies sont différentes. Dans un cas, les OGM, on apporte une séquence génétique, dans l'autre cas, on la modifie. On peut même changer un seul acide nucléique avec les technologies CRISPR. Assimiler les deux risques de peser fortement sur notre industrie.

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