Intervention de Ludovine de la Rochère

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 9h40
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Ludovine de la Rochère, présidente de La Manif Pour Tous :

Concernant les États généraux de la bioéthique, vous parlez de sifflets, de huées et de noyautage. Soyons très clairs. Un grand nombre de médias ont assisté aux débats. Que je sache, aucun n'a évoqué de débat houleux ou difficile. Je n'en ai pour ma part jamais entendu parler. Deux incidents ont eu lieu, le premier à Lyon, où la représentante d'une association, Mme Streb, a été empêchée de parler par des sifflets venant de militants du Planning familial, sauf erreur de ma part. Elle n'a pas pu s'exprimer. Un autre incident a eu lieu à Sciences Po. Une banderole militante en faveur de la PMA ou de la GPA a été déployée. Voilà les deux seuls cas. Autrement – et M. Delfraissy s'en est beaucoup félicité, tout comme nous –, les débats se sont très bien déroulés et ils ont été par ailleurs d'une ampleur inédite.

Vous abordez la question de l'homophobie. Nous avons toujours condamné toute forme d'homophobie. Tout manque de respect à l'égard des personnes en raison de leur orientation sexuelle nous scandalise et nous heurte. En revanche, et je vous prie de ne pas faire d'amalgame, nous avons le droit de ne pas être d'accord avec les revendications des associations LGBT. Ne pas être d'accord, est-ce être homophobe ? Quel amalgame ! Vous faites ensuite un amalgame avec des attaques épouvantables et scandaleuses qui ont eu lieu ces derniers temps. Attendons d'identifier les auteurs de ces attaques d'une part, et, d'autre part, ce n'est pas parce que des violences homophobes ont lieu qu'il est légitime de faire violence à des enfants en les privant volontairement de père. Je ne vois ni le rapport ni la signification d'un tel rapprochement.

Vous citiez M. Jean-Marie Andrès, qui est intervenu au cours de notre université d'été. D'autres intervenants étaient présents, dont M. Dominique Reynié, qui est absolument favorable à la PMA sans père. Il a pu s'exprimer normalement, car nous acceptons le dialogue. Chaque intervenant tient des propos qui n'engagent que lui-même, et nous ne sommes pas toujours d'accord avec ce qui est exprimé. Chacun est responsable de ses propos.

Vous évoquez ce visuel « Après les légumes OGM, les enfants à un seul parent. » Ne soyons pas naïfs. En publicité, faire des parallèles est courant et banal. Le fond de la question posée, très importante – vous l'avez ensuite évoquée –, est l'écologie. À juste titre, nous veillons sur notre environnement, sur la faune et sur la flore ; ne serait-il pas temps de se poser les mêmes questions pour l'être humain ? Voilà la question qui était posée. Elle me semble fondamentale.

Madame Janvier, vous évoquiez le sondage paru dans La Croix en janvier 2018, qui indiquait que 60 % des personnes étaient favorables à la PMA en l'absence de père pour l'enfant. Au mois de janvier également, un autre sondage IFOP est paru. Il disait que 64 % des Français pensaient que l'État devait garantir à l'enfant né de PMA d'avoir un père et une mère. La même question a été posée dans un autre sondage, il y a quelques jours : ce pourcentage est passé à 82 %. Que signifie ce paradoxe apparent ? Considérons l'ensemble des sondages. Quand on nous demande si nous sommes favorables à un nouveau droit, nous acquiesçons tous très volontiers ; mais quand on évoque des points plus concrets, et notamment l'enfant, qui est le premier concerné par la PMA, les personnes sondées réalisent les implications de leurs propos, et une partie d'entre elles, change de position. Ces opinions évoluent très nettement, sans doute à cause des débats, en faveur de l'idée que l'enfant né de PMA a le droit d'avoir un père et une mère.

En ce qui concerne l'engrenage PMA-GPA, vous dites que la PMA pour toutes n'implique pas la GPA. Nous constatons simplement un effet domino ; M. Hetzel l'évoquait aussi. Je ne fais que des constatations. On a dit, lors du débat sur le pacte civil de solidarité (PACS), que le PACS n'impliquait pas le mariage ; lors du débat sur le mariage, que le mariage pour tous n'impliquait pas la PMA ; aujourd'hui, que la PMA n'implique pas la GPA. Demain, on nous dira que la GPA n'implique pas la GPA commerciale. C'est un fait. Si nous sommes capables de nier, aujourd'hui, que les enfants ont besoin d'un père, nous nierons demain que la GPA est une exploitation de la femme. Hélas, c'est aussi simple que cela. C'est pourquoi nous devons nous en tenir au motif médical concernant l'AMP. J'ai montré qu'avec la PMA sans père, la PMA post mortem, etc., la médecine sortait de sa finalité et devenait une prestation de service pour répondre à nos désirs individuels, lesquels sont illimités, et très souvent compréhensibles. Nous ne saurons pas nous arrêter.

Quant à la caractéristique genrée du père, c'est une question très intéressante. Je n'ai pu la développer tout à l'heure. J'ai envie de vous renvoyer la balle et de vous demander de nous montrer que père et mère sont identiques et interchangeables. Si nous posons la question à l'envers, nous comprenons qu'il n'est pas possible de répondre, car père et mère sont différents. Il est très difficile de donner ces caractéristiques, car chaque être humain est unique. Les généralités conduisent vite aux stéréotypes. J'évoquerai deux points.

Les personnes victimes d'attouchements sexuels se disent atteintes dans leur « intégrité ». Elles disent combien ces faits sont graves. Nous constatons ainsi que le sexe est bien une dimension fondamentale de notre être. Nous sommes bien dans l'être, et non dans le faire, ou dans l'avoir. La question de l'identité sexuelle est constitutive de notre être, ce qui rend difficile la définition de ce que sont un père et une mère.

Je vous donnerai un exemple très concret, où beaucoup se reconnaîtrons. Quand une mère joue avec son enfant, elle joue à le faire gagner ; c'est ce qui lui fait le plus plaisir. Un père – souvent, mais pas toujours –, quand il joue avec son enfant, veut gagner ; c'est là qu'est son plaisir. D'un côté l'enfant expérimente la sécurité, de l'autre le challenge, qui participe aussi de l'apprentissage de la vie. L'enfant a besoin d'un amour inconditionnel et doit aussi apprendre la vie. Cet exemple peut illustrer ce qui fait la différence profonde dans l'être père et l'être mère.

Par ailleurs, au moment de la naissance d'un enfant, la mère l'a porté pendant neuf mois. Elle le met au monde. Une fusion toute naturelle existe entre la mère et l'enfant. Nous savons que le nourrisson ne sait pas qu'il se distingue de sa mère. Dans cette fusion, une tentation de toute-puissance de la mère est possible. Elle a besoin d'un tiers légitime, puisqu'il est lui aussi le parent de l'enfant, c'est-à-dire du père, à la fois extérieur et légitime, pour entrer dans ce duo. Ce duo devient alors un trio. Le père, incontestablement, ouvre à l'extérieur. L'un dira qu'il pourrait s'agir d'une autre personne. Cependant, dans la relation amoureuse qu'elle a avec le père, la mère reconnaît l'importance de son conjoint. Elle reconnaît aussi la légitimité du père comme père de l'enfant. Quand on imagine deux mamans autour d'un berceau, on se rend compte que ce n'est pas si simple. On peut faire courir un risque à ces femmes, dans leur intimité. D'une part, l'une se sait être la mère car elle a porté la vie ; d'autre part, l'autre ressent intérieurement qu'elle n'a pas porté l'enfant, ce qui peut être une difficulté. Un article de Slate traite de ces difficultés potentielles.

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