Intervention de Tugdual Derville

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 11h10
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Tugdual Derville, président d'Alliance Vita :

Au sujet de l'eugénisme, vous avez évoqué des périodes sombres de l'Histoire, avec lesquelles nous ne faisons pas de comparaison. Nous avions hésité à utiliser ce mot. Cependant, nous avons entendu les profaneurs Jean-François Mattei, Didier Sicard, Israël Nisand : tous utilisent ce mot désormais. Le terme d'« éradication » a pu vous choquer ou vous paraître exagéré, mais 100 % des personnes diagnostiquées d'une myopathie de Duchenne font l'objet d'une IMG, et ne voient donc pas le jour. Il en va de même pour 96 % des personnes diagnostiquées d'une trisomie 21, tandis que leurs visages émergent dans l'espace public. L'une d'entre elle a présenté la météo, il y a peu. C'était magnifique ! Je me suis moi-même engagé depuis l'âge de vingt ans auprès d'enfants porteurs de handicaps. J'ai fondé une association qui accueille des enfants polyhandicapés. Je suis stupéfait de voir la pression que nous mettons, socialement, sans l'avoir voulu, sur les parents, aboutissant à des taux d'IMG effarants. Nous ne savons pas, nous ne savons plus ce que ces personnes peuvent apporter à notre société, si dure et difficile. Au-delà des souffrances qu'ils endurent et provoquent par leur présence, nous ne savons pas quelle capacité ils ont de pacifier notre société, que ce soit dans l'insertion ou l'inclusion scolaire, ou dans d'autres domaines. Nous faisons preuve d'ambivalence. Pouvons-nous, d'une part, dire à une personne touchée par un handicap de prendre toute sa place dans la société, et, d'autre part, lui dire que si nous avions su, nous ne l'aurions pas laissée naître ? Je suis contemporain de Michel Petrucciani, et amateur de jazz. Il a dit, à propos de l'enfant qu'il a accueilli, que s'il ne l'avait pas fait, il se serait renié lui-même, lui qui était si souffrant, si lourdement handicapé, et si fécond et magnifique ! Ces visages-là, a-t-on encore le droit de les accueillir dans notre pays ? Voilà les questions que nous nous posons avec ce mot un peu dur d'« éradication ». Elle n'est désirée par personne, mais c'est là où nous en sommes.

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