Intervention de représentante du Collectif Intersexes et Allié·e·s

Réunion du jeudi 25 octobre 2018 à 15h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

représentante du Collectif Intersexes et Allié·e·s :

Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Je témoignerai en ma qualité de personne intersexuée et de représentante du Collectif Intersexes et Allié·e·s.

Je vous donnerai différents éléments de définition et vous expliquerai pourquoi les pratiques médicales de l'intersexuation posent des questions et des problèmes éthiques.

Premièrement, qu'est-ce que l'intersexuation ? Il est important de définir l'intersexuation, car c'est souvent là que se jouent un certain nombre d'enjeux.

Les associations se réfèrent généralement à l'intersexuation ou parlent de personnes intersexes ou intersexuées. La définition qui est retenue de façon consensuelle indique que les personnes intersexes sont, je cite, « nées avec des caractéristiques sexuelles ou génitales, gonadiques ou chromosomiques qui ne correspondent pas aux définitions typiques du mâle ou de la femelle ».

Ce terme et cette définition sont notamment utilisés par les organisations internationales, comme le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) et par des organisations comme Amnesty International ou Human Rights Watch.

Voici deux éclairages supplémentaires, en termes de données et d'âge.

L'intersexuation est un phénomène bien plus courant que ce que nous pouvons imaginer. Si nous rassemblons l'ensemble des variations des caractéristiques sexuelles, le taux le plus couramment avancé, utilisé de façon consensuelle par les associations comme par les institutions internationales, est celui de 1,7 % des naissances. En France, ce taux correspond à peu de choses près à celui des personnes qui ont les cheveux roux.

S'agissant de l'âge, l'intersexuation n'est pas forcément découverte à la naissance : elle peut l'être pendant l'enfance, à l'adolescence ou parfois même à l'âge adulte. Mais, quel que soit l'âge, les personnes intersexuées rencontrent toujours une très forte invalidation, comme en témoignent les protocoles médicaux.

Deuxième point, pourquoi la prise en charge médicale des personnes intersexes pose-t-elle des questions éthiques ?

La définition et les chiffres que je vous ai donnés ne sont pas explicités de cette façon dans les protocoles médicaux. Les personnes intersexes sont désignées par diverses appellations pathologisantes de syndromes rassemblés sous le sigle DSD – disorder of sex development, c'est-à-dire, en français, des anomalies, des désordres, des troubles du développement sexuel.

Quelles sont les pratiques existantes qui posent des questions éthiques ?

Après la Seconde Guerre mondiale, une série de changements institutionnels et de nouveautés technologiques a permis d'entreprendre l'effacement de ces variations corporelles, qui étaient considérées comme non conformes aux normes « mâles » et « femelles ».

Rapidement, un protocole de « correction » et de « conformation » des corps d'enfants se développe un peu partout en Occident. Les enfants intersexués sont dès lors soumis à des interventions non consenties, irréversibles et non cruciales pour le maintien de la santé. Voici une liste, non exhaustive, de ces interventions multiples et, je le répète, sans finalité thérapeutique : la clitoridectomie, la récession clitoridienne, la réduction du clitoris, la réparation de l'hypospade, la vaginoplastie, la dilatation vaginale, le retrait des gonades, la prescription d'hormones, etc.

Les personnes concernées peuvent rarement exprimer un consentement libre et pleinement éclairé, la décision de les soumettre à ces interventions étant prises par les parents, sous l'influence des professionnels médicaux.

Aujourd'hui, les évolutions technologiques et bioéthiques n'ont modifié qu'à la marge les protocoles et les prises en charge, même si l'enfant est aujourd'hui informé des opérations qu'il a subies. Auparavant, rien n'était dit à l'enfant, de peur qu'il développe une dysphorie de genre.

En France, les enfants intersexes sont toujours soumis à des opérations chirurgicales ou à des traitements hormonaux sans leur consentement éclairé et sans nécessité de santé.

Pour justifier ces actes médicaux, il est généralement avancé, notamment par le personnel médical, qu'ils favoriseront le bien-être psychique de la personne intersexuée et son insertion dans la société. Or, non seulement ces bénéfices ne reposent sur aucune étude scientifique, mais les préjudices liés à ces actes médicaux d'assignation sexuée sont largement ignorés par ces mêmes études ; ils sont par ailleurs très nombreux. Je cite : les ablations d'organes sains, les cicatrices très marquées, les infections des voies urinaires, la diminution ou la perte totale des sensations sexuelles, l'arrêt de la production d'hormones naturelles, la dépendance aux médicaments, le sentiment profond de violation de la personne et de pathologisation d'un corps sain, les souffrances induites par une assignation qui ne correspond pas forcément à l'identité de genre de la personne et la dépression, allant parfois jusqu'au suicide.

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