Intervention de représentante du Collectif Intersexes et Allié·e·s

Réunion du jeudi 25 octobre 2018 à 15h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

représentante du Collectif Intersexes et Allié·e·s :

Dans le cadre d'une campagne que nous avons lancée à la rentrée, et qui s'intitule « Ce sera son choix » – changer son corps ou non, ce sera son choix – nous avons interpellé la ministre de la santé et la ministre de la justice pour obtenir cette circulaire de rappel à la loi. Mme Buzyn nous a répondu qu'elle n'avait pas le temps, ni de traiter le sujet, ni de nous recevoir. Je le comprends tout à fait, dans la mesure où l'Assemblée examine en ce moment le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous pourrions cependant être reçus par son cabinet, le sujet étant souvent discuté.

Si nous tenons tant à être reçus, c'est parce que nous constatons une mauvaise compréhension des enjeux. D'abord, nombreux sont ceux qui parlent à notre place. Des organisations sont entendues, parlent en notre nom et, de fait, expriment des revendications qui ne sont pas les nôtres : par exemple, la volonté d'un troisième sexe ou l'allongement du délai de déclaration de l'enfant. Notre seule revendication à ce jour est l'arrêt des mutilations.

Nous aimerions donc expliquer à la ministre qu'un rappel à la loi peut être simple, rapide et qu'il serait à l'honneur du gouvernement français de dépathologiser l'intersexuation, de la même manière qu'ont été dépathologisées l'homosexualité et la transidentité. Le prochain grand chantier sera l'intersexuation.

Si l'exécutif ne souhaite pas nous recevoir et qu'aucune circulaire n'est prise, le législateur peut se saisir de la question, notamment à travers un article ou un amendement interprétatif de la loi, qui définirait un certain nombre de choses et rappellerait le caractère illicite des actes que nous évoquions.

Le Parlement peut aussi, dans le cadre de son activité de contrôle, intervenir sur les questions de planification et de financement de la santé, ou commander des rapports sur cette question, une fois que ces actes auront été reconnus comme illicites.

Quel est, pour une personne intersexe, le meilleur moment pour faire un choix, si choix il doit y avoir ? Nous plaidons pour une redéfinition totale de la prise en charge. En effet, des protocoles de santé ont été publiés en février dernier, démontrant l'absence de toute évolution dans la prise en charge.

Nous souhaitons donc une redéfinition totale des protocoles. Nous ne nous voilons pas la face : nous n'ignorons pas que, pour les parents, accueillir un enfant intersexe est compliqué. Mais les associations de personnes intersexuées peuvent aider les parents à dédramatiser la situation. La personne intersexuée existe : dans un monde largement binaire, elle démontre par son existence les variations du vivant, du sexe, et la possibilité d'associer l'identité de genre à différents types de caractéristiques sexuelles.

Dans cette redéfinition, la question du choix se posera, mais elle devra se poser de la façon suivante : puis-je être une fille avec un micropénis ? Est-ce grave ? Personnellement, je ne le crois pas, mais ce n'est pas à moi d'en décider : peut-être une jeune fille intersexe souhaitera-t-elle bénéficier d'une intervention, mais ce sera son choix et non le choix des parents, même s'ils vivent son état à la naissance comme un drame. J'insiste sur le fait qu'il est possible de dédramatiser et de déconstruire ce drame, de présenter aux parents des associations, d'autres enfants, d'autres parents confrontés à la même situation. Un espace de dialogue existe, où l'intersexuation n'est pensée ni comme un drame, ni comme une pathologie.

Toujours en ce qui concerne le choix, il conviendra de s'assurer, auprès du médecin, que tout acte, toute intervention résultera d'un consentement éclairé et exprimé. La personne souhaitant une transformation devra être en mesure de se voir expliquer les bienfaits attendus et les risques de l'intervention. Ces mêmes questions se posent pour la transidentité. La question de l'âge est un faux débat : ce qui est importe est de définir si la personne est en capacité ou non de prendre une décision.

Il est toujours très difficile pour une personne intersexuée d'exister. Aujourd'hui, je peux témoigner et porter des revendications devant vous, et même si je le fais de façon anonyme, j'en étais encore incapable il y a un an. Si je peux parler, aujourd'hui, de l'intersexuation avec des termes dépathologisés, je n'accepte toujours pas un certain nombre d'actes qui ont été réalisés sur mon corps.

Pour que l'intersexuation ne soit plus vécue comme un drame, les personnes intersexuées doivent exister pour ce qu'elles sont et, de fait, exprimer leur consentement à d'éventuelles interventions. Sinon, nous resterons dans une politique d'effacement et d'éradiction de l'intersexuation, dans laquelle un grand nombre d'enfants ne pourront pas se reconnaître. Ces enfants, une fois opérés, n'ont pas les mots pour se définir, pour se dire intersexes. Ils n'ont pas non plus les mots pour expliquer pourquoi ils vont mal et se sentent déprimés. Les seuls mots qu'ils ont à leur disposition sont des termes pathologisants ; des termes terribles pour se penser quand on est adolescent – et même adulte.

L'exercice de dépathologisation se traduira par un champ lexical autre, celui de la variation du développement sexuel, et par une dédramatisation de la situation.

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