Intervention de Benjamin Moron-Puech

Réunion du jeudi 25 octobre 2018 à 15h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Benjamin Moron-Puech, maître de conférences à l'université Paris 2 Panthéon-Assas :

Monsieur le rapporteur, vous indiquiez tout à l'heure que le pouvoir exécutif était seul compétent pour faire un rappel à la bonne application de la loi. Mais il ne s'agit pas, ici, me semble-t-il, d'une mauvaise application de loi, comme ce peut être le cas pour la consommation de cannabis ou la prostitution, où la loi se heurte à une opposition sociale. Il s'agit d'un problème d'interprétation. Les professionnels de santé ne disent pas « je viole la loi et j'en suis conscient ! » : ils sont convaincus d'agir pour le bien-être des patients. Vous êtes vous-même médecin, monsieur le rapporteur, et savez que les médecins pensent bien faire. Il s'agit donc de leur rappeler que l'interprétation qu'ils ont de la réalité est erronée et se heurte au principe de la nécessité médicale, telle que vous l'avez conçue. Il me semble donc que vous seriez véritablement dans votre rôle de législateur en rappelant que le texte n'est pas correctement interprété par les médecins et leur ministre de tutelle.

Par ailleurs, un recours a été déposé contre la décision de la ministre visant à faire rembourser ces actes médicaux, décision illégale en ce qu'elle contribue à financer des actes illicites de mutilation. Pourquoi souhaite-t-elle ce remboursement ? Parce qu'elle est convaincue que ces actes ne sont pas illégaux, qu'ils répondent à une nécessité médicale.

Et Mme Buzyn n'est pas la seule à penser de cette façon. Selon M. Vincent Guillot, une personne intersexe qui a été reçue, en 2014, par des représentants du ministère de la santé et du ministère de la justice, ceux-ci ont expliqué qu'ils n'interviendraient pas, le sujet étant trop compliqué.

Un autre aspect de la loi est à revoir : celui concernant les mineurs. Aujourd'hui, ce sont les parents qui donnent leur consentement aux soins à prodiguer aux mineurs. Il est très rare qu'un mineur puisse faire entendre sa voix. Il existe bien une possibilité, très étroite, ouverte par l'article L. 1111-5 du code de la santé publique, mais elle ne donne satisfaction ni aux mineurs intersexués, dont certains souhaiteraient bénéficier d'opérations alors qu'ils sont, par exemple, en rupture avec leur famille, ni aux personnes transgenres.

Je ne vous demande pas de créer quelque chose qui n'existe pas, mais d'étendre aux mineurs les dispositions concernant les majeurs protégés. Le majeur protégé décide seul des actes strictement personnels ; faisons de même pour le mineur ! Qu'y a-t-il de plus personnel que de décider de son identité sexuelle ?

Enfin, le dernier aspect est celui de la procréation. Soyez attentifs à ne pas oublier les personnes intersexes dans les dispositions que vous prendrez concernant la procréation, qu'il s'agisse de la procréation médicalement assistée ou de la filiation. Si vous raisonnez de façon binaire – homme et femme –, cela posera des difficultés. Pensez-y au moment où vous aborderez ces questions.

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