Intervention de Thierry Magnin

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 11h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Thierry Magnin, physicien, recteur de l'Université catholique de Lyon :

À votre première question, je répondrai qu'il est encore trop tôt. Les inventeurs et les utilisateurs de CRISPR-Cas 9 essayent d'éviter les effets hors cible. Même si la technologie, appelée « ciseaux ADN », est extrêmement fine et astucieuse, les effets hors cible n'ont pas été neutralisés. Or, une fois induits, ils ont une répercussion sur les générations futures. Je pense donc qu'il est aujourd'hui trop tôt pour légiférer, mais nous pouvons espérer que les effets hors cible seront un jour maîtrisés. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un outil très intéressant. Il pourra commencer, c'est déjà le cas dans certains pays, à être utilisé sur les cellules somatiques. L'utilisation dépend du patient adulte et n'a donc aucune répercussion sur les générations futures. On peut tout à fait comprendre que l'on utilise cette technologie dans le cadre du traitement d'un cancer pour lequel on ne trouve pas d'autres traitements. Cela dit, s'agissant de son utilisation sur les cellules germinales humaines, il est beaucoup trop tôt pour connaître les effets.

À votre question sur l'homme réparé-augmenté, je dirai que les exosquelettes jouent un rôle extrêmement intéressant pour bien des personnes. J'ai en tête le cas d'un jeune homme de vingt ans qui a été paralysé suite à un accident de moto. Cette technologie lui offre une forme de mobilité et lui redonne confiance.

La frontière entre réparer et augmenter n'est pas étanche. Personnellement, je trouve tout à fait normal que l'on cherche à augmenter nos capacités. Tous ceux qui cherchent à augmenter nos capacités ne tombent pas forcément dans des pièges transhumanistes, l'horizon le plus extrême. Pourquoi ne pas les augmenter par des implants ? Cela dit, l'augmentation doit être accompagnée. L'expérience d'Oscar Pistorius est la plus signifiante. Être augmenté dans ses fonctionnalités ne suffit pas. Lorsque ces augmentations changent la vie d'une personne, il faut qu'elle soit accompagnée de diverses façons.

Ce n'est pas vrai pour les exosquelettes, mais les tendances transhumanistes consisteraient parfois à sauver l'humain, comme si l'humain était fait pour être un cyborg invulnérable alors qu'il s'agit, selon moi, d'une énorme erreur. Peu de personnes adhèrent à une telle vision dans nos pays, mais l'ombre portée de l'homme-machine joue un rôle, y compris dans les questions qui nous intéressent ici en bioéthique.

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