Intervention de Thierry Magnin

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 11h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Thierry Magnin, physicien, recteur de l'Université catholique de Lyon :

Ces questions sont passionnantes.

Je suis croyant, chrétien et scientifique. Aussi n'opposé-je pas la croyance et la raison, y compris la raison scientifique. Je tente pareillement de les conjuguer – et je ne suis pas le seul – même si nous constatons des écarts de points de vue.

Monsieur le rapporteur, vous semblez opérer une dichotomie entre les croyants qui laisseraient leur destin entre les mains d'une divinité et un humain qui aurait pris à son compte sa propre évolution. En tant que chrétien, je ne me retrouve pas dans cette opposition. Précisément, dans le christianisme, l'une des clés de l'incarnation réside dans la coresponsabilité. On dit même que l'homme est co-créateur. En tant que tel, il assume sa charge de personne responsable, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.

Un père de l'Église, Basile de Césarée, dit dans l'une de ses homélies : « Le Créateur a ouvert la porte de son atelier à l'homme. » Bien sûr, nous pouvons travailler sur l'humain et nous l'avons déjà fait. Nous ne sommes pas les seuls, bien entendu. Il ne s'agit pas d'une opposition. La croyance n'est pas quelque chose qui vient d'ailleurs et qui serait indépendant de la vie humaine. Non, il s'agit d'une rencontre. En tout cas, c'est ainsi que nous le percevons dans la logique de l'incarnation. Heureusement, donc, que l'homme s'est pris en charge – et je me réjouis de tous les progrès scientifiques.

Vous avez noté dans mon propos que je ne suis pas fermé à l'utilisation des technologies : même si plane l'ombre de certains courants transhumanistes extrêmes, ce n'est pas une raison pour ne pas chercher à augmenter nos capacités. On pourrait croire que la technologie nous sauvera, ou croire dans une divinité qui s'occupera de nous. De tels extrêmes, que j'ai entendus s'exprimer dans de nombreux colloques, en particulier aux États-Unis, ne nous conviennent pas. Un certain environnement nous fait croire que nous deviendrions parfaits grâce aux technologies. C'est à ce stade que se posent les questions de sens, que la loi et nos réflexions d'éthique doivent prendre en compte. Oui, l'homme peut transformer ses propres conditions de vie – heureusement, et en particulier pour soulager les plus démunis. Tel est le fondement de bien des religions et des humanismes d'une manière générale. Mais en faisant quoi ? En étant apprenti sorcier ? Les cohérences et les conditions dans lesquelles ces évolutions s'opèrent me paraissent essentielles. C'est ce que j'ai essayé d'exposer.

Le droit à l'enfant et le désir d'enfant sont des questions que se pose l'humanité depuis toujours. Je comprends le désir d'enfant. Non seulement je le comprends, mais je trouve cela beau, y compris chez des couples de même sexe. Pour autant, ce désir doit-il se transformer en droit ? Vous citez des études. Pour élever des enfants, il est préférable d'avoir un couple qui s'entend bien plutôt qu'un couple qui se déchire. Mais n'est-ce pas vrai dans toutes les circonstances ? Cela ne peut constituer, selon moi, l'argument central pour décider de passer d'un désir à un droit. Des ruptures de filiation sont liées aux blessures de l'existence ; c'est ainsi que des enfants sont sans père ni mère. C'est pourquoi l'adoption, semble-t-il, doit être favorisée. Ce sont les circonstances de la vie qui ont créé une rupture. Il en va différemment quand une loi favorise une rupture. C'est en ce sens que le changement de cohérence me paraît préjudiciable, même si les cohérences ont leur propre intelligence.

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