Intervention de Thierry Magnin

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 11h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Thierry Magnin, physicien, recteur de l'Université catholique de Lyon :

Comment intégrer dans la loi l'interaction biologique-psychisme ? Je crois qu'une information serait très utile. Elle émanerait de l'ensemble des scientifiques qui travaillent sur le sujet, et ils sont de plus en plus nombreux, en France notamment. J'ai cité les chercheurs de Lyon et de Caen, mais je pourrais également citer ceux qui étudient les effets du microbiote intestinal sur l'ensemble du corps humain. D'une manière générale, sont concernés les chercheurs qui, à partir de la biologie, des neurosciences et de la médecine, étudient l'homme dans sa globalité. Il est nécessaire de renseigner ce dossier. Personnellement, j'ai essayé de le faire en recoupant un grand nombre d'informations. Les études dont nous disposons datent de vingt ans – c'est un temps court. Il faut les approfondir. L'épigénétique est un élément central. Il ne s'agit pas non plus de l'instrumentaliser. Les phénomènes sont complexes. Ce n'est pas parce qu'une mère aura un moment de stress que ce sera une catastrophe pour le foetus qu'elle porte. Psychologiquement, il faut que nous soyons très scientifiques, factuels, et que nous continuions de l'être. Nous ne pouvons ignorer de telles données à un moment où certaines tendances – y compris l'évolution des mentalités – veulent nous faire croire que l'homme est une machine robuste. Dans les laboratoires de l'INRA, quand on questionne un chercheur sur l'éventualité que les micro-organismes artificiels qu'il fabrique s'échappent hors du laboratoire ou dans l'atmosphère, il nous répond que cela ne pose aucun problème, car ils sont « à ce point » robustes qu'ils meurent dès qu'ils changent d'environnement ! En contrepoint, on perçoit la nécessité forte pour ces questions d'être renseignées car elles sont essentielles s'agissant de la médecine, pour le « prendre soin » en particulier.

Selon moi, la vision des soins palliatifs est extrêmement parlante. Pourquoi d'ailleurs faudrait-il attendre la fin de vie pour que ce triple accompagnement soit intéressant ?

Même si nous devons continuer à étudier, nous ne pouvons nous exonérer du cadre général que j'ai évoqué plusieurs fois. Je trouve cela passionnant dans la mesure où cela rejoint des visées anthropologiques communes aux cinq continents, exprimées dans des cultures et des langages très différents. L'homme prenant ses responsabilités, notamment pour se penser et penser son avenir, personnel et collectif, a compris qu'il était un homme global et pas simplement un homme sectorisé et surtout pas un homme mécanique, même s'il comporte de la mécanique.

Il me semble très important d'intégrer le cadre général dans la loi et de favoriser les études en ce sens, car nous n'en sommes qu'aux balbutiements. Dans les neurosciences, on voit se développer l'étude de la plasticité cérébrale et de tout ce qui a trait à l'apprentissage des jeunes et des moins jeunes, y compris des personnes vieillissantes. Notre configuration neuronale peut évoluer jusqu'à la fin de vie, contrairement à ce que l'on pensait. Voilà pour le cadre.

Les sondages sont intéressants, mais je ne les ai pas repris car l'on y trouve parfois des données très contradictoires.

Vous avez abordé la PMA et la GPA. Bien des personnes sont contre la GPA et pourraient être pour l'ouverture à la PMA, mais la cohérence logique qui ferait passer à l'ouverture à la PMA est la même que celle que l'on pourrait utiliser pour la GPA. Si nous étions cohérents, nous comprendrions parfaitement qu'un couple d'hommes demande la GPA. C'est tout à fait logique. Pour autant, cela pose des problèmes.

Vous posez la question de l'intention. Ce n'est pas simple. En bioéthique, elle se pose, pas uniquement sur un plan personnel. Il en va de même du désir. Bien sûr, on peut comprendre les désirs personnels. Nous pouvons parfaitement comprendre le désir d'une personne de l'entourage du malade qui souhaite que le calvaire de la personne en fin de vie cesse. S'agissant de la responsabilité de l'État, du médecin et de son équipe, il en va autrement.

Il existe également une différence entre l'intention de la sédation et l'acharnement thérapeutique. Ni euthanasie ni acharnement thérapeutique. Mon expérience d'une quinzaine d'années dans des unités de soins palliatifs me montre que la sédation qui abrège la vie y est rarement utilisée. La responsable du centre Léon-Bérard avec lequel je travaille depuis longtemps m'a dit ne l'avoir jamais pratiquée elle-même, non pour une question de conviction mais de demande.

Je reconnais avec vous qu'il est peu aisé de codifier l'intention. On peut avoir les meilleures intentions qui soient et produire, comme vous le faisiez remarquer, des effets négatifs. En revanche, le cadre dans lequel s'expriment ces intentions un peu extrêmes éclaire la situation d'un jour différent. Selon que la personne est éloignée de sa fin de vie ou qu'elle en est proche, l'intention d'abréger ses souffrances change de nature et la question ne se pose pas de la même manière. L'intention se mesure selon le contexte et, à cet égard, l'encadrement juridique me semble extrêmement important.

Nous devrions écouter les responsables des soins palliatifs sur la façon dont ils s'y prennent pour que cette sédation soit la dernière des issues, y compris quand l'entourage, ce que l'on peut comprendre, ne supporte plus la situation.

Je me fais le témoin du travail extraordinaire que ces personnes accomplissent. Cheminer avec elles a bouleversé mon existence.

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