Intervention de Thierry Magnin

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 11h30
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Thierry Magnin, physicien, recteur de l'Université catholique de Lyon :

La formule « borner sans limiter » me semble juste bien que peu aisée dans son application. Personnellement, je ne crois pas qu'il faille limiter a priori ni même, d'ailleurs, au nom d'une croyance. J'opère une différence entre limiter a priori et penser l'illimité. La grande difficulté en éthique réside dans les cas particuliers – ceux que vous citez.

L'éthique porte en elle trois niveaux de réflexion : le premier est le niveau singulier, la personne dans sa singularité. On peut se dire que l'on peut lui appliquer les résultats d'une recherche. Ensuite, il y a une forme d'universalité : ce qui est applicable au singulier sera-t-il applicable au plus grand nombre ? Enfin, la loi arbitre et dit les conditions particulières à un moment du développement de la société et des technologies. Là est toute la difficulté : autoriser la résolution de cas particuliers peut produire beaucoup de dégâts une fois le principe appliqué à tous. Il est alors difficile d'en accepter le principe.

Oui, borner pour limiter. Cela dit, tant que nous n'aurons pas produit suffisamment d'études sur ces technologies, il ne faut pas s'emballer – même si c'est emballant !

Je fais une différence quand il s'agit de cas particuliers. J'ai cité l'utilisation de CRISPR-Cas 9 sur des cellules somatiques d'une personne atteinte d'un cancer. Le législateur comme le bioéthicien peuvent comprendre que la responsabilité appartient au malade dès lors qu'il est suffisamment éclairé. Il peut donner son consentement à l'utilisation de CRISPR-Cas 9 sur des cellules somatiques. Dès aujourd'hui, d'ailleurs. En éthique, le problème central est le passage du cas particulier à la généralité.

La question sur l'embryon est abyssale. Nous nous interrogeons : l'embryon est-il une personne ? À partir de quand ? On se posait déjà la question du temps de saint Thomas d'Aquin. À cette question, il avait d'ailleurs été répondu que l'embryon était une personne au bout de quarante jours. Dans l'univers chrétien, j'adhère assez fortement au propos du pape Jean-Paul II : « Il n'appartient pas à l'homme de définir les seuils d'humanité de manière intangible. » Un embryon mis dans les bonnes conditions de développement donnera une personne. Quand l'embryon devient-il une personne ? On ne le sait pas. Aussi la proposition à laquelle j'adhère consiste-t-elle à respecter l'embryon comme on respecte une personne.

Si l'on adhère à ce que je viens de dire – et je conçois que l'on pense différemment –, on ne peut faire des travaux sur l'embryon en interrompant son existence. En revanche, on peut faire des travaux sur l'embryon implantable, mais pas avant d'avoir largement étudié toutes les technologies que l'on utilisera – éventuellement avec CRISPR-Cas 9 – pour retirer un gène responsable d'une maladie monogénique, par exemple. C'est un objectif qui pourrait être extrêmement intéressant, mais il me paraît aujourd'hui anticipé.

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