Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 21h10
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Alors que c'était une des principales demandes des praticiens durant les Chantiers de la justice, nos propositions ont paradoxalement été très contestées par les avocats.

Pourquoi cela avait-il été demandé ? Ce délai de six mois correspond à la durée réaliste d'investigation du parquet et des enquêteurs. En effet, en pratique, il faut plusieurs semaines, voire plusieurs mois, aux enquêteurs pour obtenir le résultat de certains actes d'investigation – réponses à des réquisitions adressées à des opérateurs téléphoniques ou à des établissements financiers, audition d'une pluralité de témoins à charge ou à décharge, disponibilités dans les emplois du temps des parties pour les confrontations, réalisation d'expertises graphologiques, etc. Dans l'intérêt des parties, il nous a donc semblé souhaitable de faire en sorte que les enquêtes diligentées par le parquet puissent être menées à leur terme, avant de permettre l'ouverture d'informations judiciaires sur constitution de partie civile. D'autant que, au final, 70 % de ces informations judiciaires se terminent par une ordonnance de non-lieu.

En conséquence, le parquet, qui pourra ainsi conduire correctement ses investigations pendant six mois, au lieu de trois, aura le temps d'envisager soit de saisir lui-même directement le tribunal correctionnel s'il estime que les faits portés à sa connaissance par la victime sont établis et qu'il a réuni suffisamment de preuves pour emporter la conviction des juges, soit de procéder à un classement sans suite, faute d'avoir réuni suffisamment de preuves, mais en ayant eu le temps d'analyser le dossier et d'enquêter. Cette seconde hypothèse n'interdira nullement aux plaignants de saisir le juge d'instruction, soit après classement sans suite, soit au bout de six mois si l'enquête préliminaire n'est toujours pas terminée.

Le juge d'instruction qui aura à informer sur les faits dénoncés dans la constitution de partie civile pourra s'appuyer sur une enquête déjà étayée par le travail mené par le parquet, ce qui lui évitera de perdre du temps à relancer des vérifications. Sur la base de cette enquête, il pourra refuser l'ouverture d'une information si elle lui apparaît inutile et indiquer au plaignant qu'il a la possibilité de saisir le tribunal par voie de citation directe.

Ces différentes options ne limitent absolument pas l'accès au juge pénal, dès lors que la victime pourra engager des poursuites par le biais d'une citation directe devant le tribunal. En conséquence, cette organisation est à fait justifiée et je suis défavorable à votre amendement. Pour autant, ayant été particulièrement interpellée sur le sujet, je souhaitais transmettre ces éléments d'explication.

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