Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du vendredi 9 novembre 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Nous changeons de chapitre avec cet article 43 qui réécrit l'échelle des peines et que le Sénat a beaucoup fait évoluer. Mon amendement vise à le rétablir dans son esprit initial.

Quelques mots sur la philosophie qui nous anime. Nous sommes partis du constat que le système actuel des peines est peu lisible, peu utile et peu crédible. Peu utile dans la mesure où son usage de l'emprisonnement génère de la récidive ; or une échelle des peines est conçue pour protéger la société tout en assurant la réinsertion de l'auteur de l'infraction. Sous ces deux aspects, notre système mérite d'être questionné. Peu crédible, car certaines peines prononcées ne sont jamais mises à exécution – je pense ici à l'article 723-15 du code de procédure pénale sur l'aménagement des peines inférieures ou égales à deux ans d'emprisonnement qui fait que de nombreux auteurs d'infraction ne vont jamais en prison alors qu'ils y ont été condamnés.

Pour ces trois raisons, il nous a semblé important de proposer une nouvelle politique des peines dont la lecture serait plus aisée.

Nous avons considéré que les peines de prison inférieures à un mois devaient être interdites en raison de leur caractère inutile. Au-delà, le juge dispose d'une palette de peines autonomes, l'emprisonnement n'étant plus la seule peine de référence. S'il prononce une peine d'emprisonnement d'une durée d'un à six mois, le principe général sera que l'exécution de la peine devra se faire hors d'un établissement pénitentiaire. Pour les peines d'une durée de six mois à un an, le tribunal se prononcera lui-même sur les conditions d'aménagement ou de non-aménagement de la peine : éclairé par des enquêtes de personnalité que nous souhaitons renforcer, il pourra décider d'aménager lui-même la peine ab initio ou demander au juge de l'application des peines de le faire, ou il pourra opter pour une exécution de la peine de prison, le cas échéant en délivrant un mandat de dépôt différé. Le tribunal retrouvera ainsi son rôle plein et entier dans l'individualisation de la peine ; il sera responsabilisé et ses décisions seront mieux respectées. Enfin, pour les peines supérieures à un an, il n'y aura plus d'aménagement de peine ab initio de manière systématique, ce qui, à nos yeux, est un facteur de crédibilité.

Cette politique volontaire vise à mieux lutter contre la récidive grâce à une meilleure adaptation de la peine à la nature de l'infraction, à sa gravité, à son auteur et à la situation de celui-ci. Elle requiert la création de peines autonomes que la formation de jugement pourra prononcer ab initio, et qui ne seront pas des peines de prison « converties en ».

Le Sénat a révisé fondamentalement l'article 43 du projet de loi, affirmant de manière très claire son attachement à l'emprisonnement comme peine de référence indépassable. Je défends, vous l'avez compris, une approche très différente qui vise à garantir la lisibilité du dispositif de sanctions, l'effectivité de la peine prononcée et sa meilleure efficacité en matière de lutte contre la récidive.

Mon amendement propose de rétablir l'économie initiale du projet de loi. Il prend en compte des coordinations utiles proposées par le Sénat et il procède à quelques améliorations comme, par exemple, la limitation à six mois de la détention domiciliaire sous surveillance électronique (DDSE) en qualité de peine autonome. Cette limitation permet de mieux distinguer la DDSE en tant qu'aménagement de peine et aussi une meilleure cohérence avec les conversions. Cela répond enfin à une crainte, exprimée par le Sénat, quant à la sévérité particulière de la DDSE à laquelle ni crédit de réduction de peine ni réduction supplémentaire de peine ne peuvent être appliqués.

Telle est, mesdames et messieurs les députés, l'économie générale de cet article 43.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.