Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », d'un montant de 2,87 milliards d'euros, diminuent de 4,5 % à périmètre courant et de 2,2 % à périmètre constant. C'est un fait, monsieur le ministre. Le projet de loi de finances pour 2019 s'inscrit ainsi dans le prolongement des exercices précédents et – appelons un chat un chat – poursuit l'inquiétante paupérisation du ministère des affaires étrangères. En trente ans – cela a été rappelé – , le Quai d'Orsay a perdu 53 % de ses effectifs, dont un tiers au cours des dix dernières années ; 166 emplois seront supprimés en 2019, 2 000 sur l'ensemble du quinquennat. Comparaison n'est pas raison, certes ; notons tout de même qu'avec ses 13 800 emplois le ministère des affaires étrangères compte moins de fonctionnaires que la ville de Toulouse.

La poursuite de cette politique du rabot est symptomatique des contradictions et incohérences du gouvernement. D'un côté, le Président de la République promeut une politique étrangère indépendante, humaniste et ambitieuse ; de l'autre, l'intendance ne suit plus et la diplomatie française serait au bord du décrochage.

Or, plus que jamais, la France a besoin d'une diplomatie capable de prendre l'initiative sur les grands dossiers internationaux comme la lutte contre le terrorisme islamiste, la refondation de l'Union européenne, le changement climatique ou la crise du multilatéralisme.

La question qui se pose est donc la suivante : les sacrifices consentis par le ministère des affaires étrangères servent-ils une véritable stratégie de modernisation ou se réduisent-ils à des coupes claires sans vision ni cohérence ?

Parmi les quatre programmes dont se compose la mission « Action extérieure de l'État », nous laisserons de côté le programme 347, consacré à la présidence française du G7 et qui ne représente que 1 % du total.

Le programme 105 regroupe quant à lui plus de 60 % des crédits de la mission. La baisse de 7 % de ses crédits reflète un certain appauvrissement de l'action extérieure de la France. Dans cet ensemble, on peut saluer l'augmentation des moyens de l'action 05, au service d'une coopération renforcée dans la lutte antiterroriste. En revanche, les contributions aux organisations internationales reculent de 10 %. C'est un effet de la conjoncture, mais aussi l'expression d'une faiblesse persistante des contributions volontaires qui amoindrit l'influence de notre pays au sein des instances internationales. Ainsi, la France est aujourd'hui un contributeur moins important que la Belgique ou l'Argentine, sans parler, évidemment, de l'Allemagne.

De même, la chute continue des crédits de l'action 07 met en péril notre action diplomatique. Un symptôme est particulièrement préoccupant : le recours effréné aux contrats locaux pour réduire la masse salariale. En février dernier, un chauffeur du consulat général de France à Jérusalem, employé sous contrat local, a été appréhendé par les services de sécurité israéliens ; il utilisait sa plaque diplomatique pour se livrer à un trafic d'armes entre Gaza et les Territoires palestiniens. En 2013, un agent du même consulat avait été arrêté en flagrant délit en possession de tonnes d'or et de tabac de contrebande. Et combien d'autres dérives à travers le monde ? La maîtrise des dépenses ne doit pas s'opérer au détriment de la déontologie et, évidemment, de la sécurité.

Concernant le programme 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires », l'avis de notre groupe est mitigé. Globalement, l'enveloppe augmente de 1,5 % par rapport au projet de loi de finances pour 2018. Cette hausse se concentre sur l'action 01, « Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger », dont les crédits progressent de 3,4 % – nous en prenons acte. Elle accompagne le déploiement de plusieurs chantiers de modernisation lancés ces dernières années. Certains portent leurs fruits : par exemple, le délai de traitement des demandes de cartes nationales d'identité a été divisé par deux ; c'est très bien. Dans d'autres domaines subsistent en revanche d'importantes marges de progression, notamment celui de la délivrance des certificats de vie, où je suis contraint d'intervenir en permanence, comme beaucoup de mes collègues. Pour les personnes âgées, c'est la croix et la bannière ; il faut résoudre ce problème.

De manière beaucoup plus inquiétante, des dysfonctionnements affectent l'actualisation des listes consulaires. Par exemple, en Israël, 20 000 Français en ont été radiés entre 2017 et 2018 : ce sont 27 % de la population française sur place qui ont été rayés du jour au lendemain – du jamais vu ! Je vous ai écrit à ce sujet, monsieur le ministre, et j'ai demandé à vous voir ; à ce jour, je n'ai pas obtenu de réponse. Des difficultés m'ont également été rapportées en Grèce, où des personnes décédées sont maintenues sur les listes consulaires malgré la délivrance d'actes de décès.

Le groupe UDI, Agir et indépendants regrette par ailleurs que les dotations au dispositif STAFE – soutien au tissu associatif des Français à l'étranger – reculent de 30 % par rapport à la réserve parlementaire. Surtout, il déplore qu'en dépit des promesses les députés et sénateurs soient exclus du processus d'allocation des fonds, ce qui a pour effet d'éloigner les élus du terrain.

Enfin, le programme 185 reflète une diplomatie d'influence qui manque d'ambition. La baisse de 2,6 % de ses crédits frappe en priorité l'action 04 alors même que l'enseignement supérieur et la recherche constituent des facteurs stratégiques d'attractivité dans un monde globalisé. Même chose pour l'action 05, cette année encore : moins 4 % pour les lycées français à l'étranger ! Certes, il y a à cela des raisons conjoncturelles, mais qui ne sauraient occulter les tensions budgétaires persistantes auxquelles l'AEFE est confrontée depuis des années. J'ai été témoin de ce malaise tout récemment, début octobre, au lycée Stendhal de Milan.

Un mot, enfin, de la diplomatie économique : l'effort se concentre sur la promotion du tourisme, mais reste très insuffisant en ce qui concerne la promotion des exportations made in France, pourtant essentielle.

Malgré d'indéniables efforts, la trajectoire budgétaire de la mission « Action extérieure de l'État », si elle est conforme à la loi de programmation des finances publiques, n'est pas soutenable si notre pays veut tenir son rang et développer une diplomatie agile et efficace. Le groupe UDI, Agir et Indépendants en votera les crédits moyennant les réserves susmentionnées. Pour ma part, député des Français de l'étranger, je m'abstiendrai.

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