Intervention de Jean-Yves le Drian

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Après l'article 72

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Je souhaite expliquer longuement les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Ses cosignataires souhaitent conditionner l'octroi de l'aide publique au développement aux réponses obtenues aux demandes de laissez-passer consulaires : je comprends un tel raisonnement. Nous nous y opposons toutefois pour deux raisons principales.

Premièrement, l'expérience montre que conditionner l'aide à des critères politiques n'est pas efficace. La conditionnalité politique accroît l'imprévisibilité de l'aide, restreint la marge de manoeuvre des pays partenaires à définir leur politique de lutte contre la pauvreté et mine la participation de la population au processus décisionnel, ce qui est contraire au principe d'efficacité de l'aide agréée au plan international.

Secondement, compte tenu de la forte corrélation entre pauvreté extrême et déficit de gouvernance, il est essentiel de ne pas infliger de double peine aux populations les plus pauvres, qui seraient deux fois victimes, de leur propre gouvernement et de l'abandon de la communauté internationale. Ce dilemme se pose particulièrement dans les contextes fragiles, là où les nombreuses faiblesses en matière de gouvernance sont un terreau propice au développement de l'extrémisme violent et du terrorisme, et donc un frein à l'éradication de ces phénomènes.

Cela étant, la France ne doit pas faire preuve de laxisme : elle reste très déterminée – vous l'avez rappelé – à faire respecter les engagements pris par les pays partenaires en matière de laissez-passer consulaires. Nous avons instauré un dialogue renforcé avec les États concernés, comme l'ont déjà rappelé plusieurs orateurs.

Nous avons d'autres leviers pour agir : en juin 2017, la France a soutenu l'adoption par l'Union européenne du lien visa-réadmission. Ce lien a été utilisé soit par l'Union européenne, soit à titre bilatéral, avec des résultats positifs. Depuis la mise en oeuvre du volet international du plan gouvernemental pour garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires, des efforts très importants ont été consentis en vue d'améliorer la coopération consulaire avec les pays d'origine des étrangers en situation irrégulière : le dispositif liant les visas aux accords de réadmission fonctionne.

Le cas le plus spectaculaire concerne la crise avec les Comores, qui a démontré l'efficacité du lien visa-réadmission. Ces efforts commencent à porter leurs fruits, puisque le nombre de laissez-passer consulaires obtenus dans les délais utiles a augmenté de 37 % sur les neuf premiers mois de 2018 par rapport à la même période de 2017, et même de 56 % pour les principaux pays d'origine des étrangers en situation irrégulière.

Il faut agir en ce sens, en nous donnant tous les moyens pour rendre ce dispositif opératoire, plutôt que de conditionner l'aide au développement à la délivrance des laissez-passer consulaires. Le dispositif que nous avons instauré est à la fois plus performant et plus sain pour tout le monde.

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