Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 14 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

On me l'a dit, monsieur le député, mais vous constaterez que le ministre des comptes publics a toujours des nuits difficiles entre septembre et décembre – et je les partage souvent avec vous.

Olivier Dussopt et moi-même avons le plaisir de vous présenter les crédits des différentes missions portées par le ministère de l'action et des comptes publics. J'en profite pour saluer le travail des différents rapporteurs et rapporteurs pour avis de ces missions qui, comme chaque année, ont effectué une analyse sans concessions des moyens financiers consacrés à ces politiques publiques.

Il ressort de vos travaux l'absolue nécessité de transformer l'État en profondeur, et notamment de transformer ses missions pour répondre aux défis et aux mutations auxquels fait face le service public d'aujourd'hui. Ce besoin est latent dans chacun de vos rapports, qu'il s'agisse de définir la fonction publique de demain – qu'évoquera tout à l'heure Olivier Dussopt – , de redessiner l'architecture des grandes administrations de réseaux que sont les douanes et la Direction générale des finances publiques – DGFIP – , de mieux appréhender la valorisation de l'actif immobilier de l'État ou de repenser la sécurité juridique des contribuables et des collectivités territoriales.

Ces défis et ces mutations sont en effet plus nombreux et plus pressants que jamais. Qu'il s'agisse de la transformation numérique, de l'émergence d'une société de services, du vieillissement de la population, de la survenue du Brexit et de ses multiples rebondissements ou de la simplification de notre fiscalité, tous nous obligent à repenser les missions de nos services publics, qui sont la richesse de la nation.

J'ai le plaisir de constater que vous partagez très largement l'ambition qui consiste, non pas simplement à adapter les structures aux changements, mais à modifier ces structures elles-mêmes. C'est pour cela que le Président de la République et la majorité parlementaire ont été élus.

J'évoquerai tout d'abord les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Action et transformation publiques », en remerciant leur rapporteur, M. Saint-Martin, d'avoir indiqué que ce budget apportait des réponses concrètes à des interrogations formulées de longue date, notamment par lui-même l'année dernière. Je m'attacherai particulièrement à la révision en profondeur des missions de la DGFIP et de la Direction générale des douanes et des droits indirects – DGDDI – , ainsi qu'à la mise en mouvement de ces deux administrations, qui connaissent une réorganisation très importante et dont je remercie les cadres et les agents de s'adapter à la demande du Parlement et du Gouvernement, notamment pour le fonctionnement de leurs réseaux.

Comme vous avez pu le constater dans ce budget, le Gouvernement consacre d'importants efforts à la modernisation numérique de ces administrations et au développement du partage de données, et a pris des mesures concrètes pour améliorer la qualité de service aux usagers, ce qui fait écho à la loi pour un État au service d'une société de confiance – ESSOC – : ce qui se passe dans les textes se passe aujourd'hui aussi dans les têtes. Dans cet esprit, j'ai réuni le 11 juillet dernier tous les cadres de mon ministère et le referai le 28 novembre, avec Olivier Dussopt, pour suivre cette transformation. J'inviterai, comme je l'ai fait la dernière fois, les parlementaires, notamment M. le rapporteur et le rapporteur du Sénat, à venir échanger avec les cadres de la DGFIP et de la Direction générale des douanes sur cette transformation, qui sera particulièrement forte au niveau du réseau à partir de cette date.

L'évolution des usages et des outils de travail devrait faciliter la mise en oeuvre d'un nouveau schéma d'implantation, que nous appelons la géographie revisitée ou la déconcentration de proximité, en particulier pour la Direction générale des finances publiques. Ce schéma prend davantage en compte l'équilibre des territoires et exprime une volonté d'écouter les attentes des usagers. Ce sera notamment le cas lorsque nous déciderons de sortir une partie importante des effectifs de la fonction publique de l'Île-de-France et des métropoles pour les repositionner dans les territoires ruraux ou dans les villes comptant des quartiers relevant de la politique de la ville. J'aurai l'occasion de faire de premières annonces à ce propos dans la région des Hauts-de-France au début de la semaine prochaine. D'autres transformations plus profondes interviendront pour l'ensemble du territoire, avec cette nouvelle déconcentration de proximité et la réimplantation de fonctionnaires, notamment des finances publiques, dans les territoires ruraux. Nous y associerons, bien sûr, les parlementaires de tous bords politiques qui s'intéressent à ces questions, les organisations syndicales, les élus locaux et, naturellement, les agents eux-mêmes.

J'ajoute, enfin, que je souscris pleinement, monsieur le rapporteur, à votre proposition de donner plus de visibilité aux agents publics par le renforcement des outils de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui sont aujourd'hui trop faibles. Nous y reviendrons, et Olivier Dussopt tout particulièrement. La réorganisation du travail des agents liée aux conséquences des réformes structurelles adoptées doit faire l'objet d'une vigilance accrue de la part du Gouvernement, car la richesse de l'administration, ce sont les femmes et les hommes qui la composent. La disparition de la taxe d'habitation et la mise en oeuvre du prélèvement à la source, ainsi que le compte financier unique et la fin du numéraire dans le réseau de la Direction générale des finances publiques illustrent bien ces réformes structurelles.

J'en viens à la gestion des actifs immobiliers de l'État, qui a fait l'objet d'un travail particulièrement pointu de la part du rapporteur, M. Mattei, que je tiens à remercier pour ce travail. Il sait à quel point nous avons souscrit au constat qu'il a fait dès sa nomination au sein de votre assemblée : nous sommes bien parvenus aux limites du modèle consistant à valoriser notre patrimoine par le seul biais de la cession d'actifs. De ce point de vue, je ne peux que souscrire, monsieur le rapporteur, à votre proposition de réfléchir à des dispositifs alternatifs dans le cadre du droit existant, par exemple à un mécanisme d'intéressement susceptible d'inciter les occupants à préserver les actifs dont ils ont l'usage. J'ai d'ailleurs exprimé, notamment, des orientations très claires, en convergence parfaite, monsieur le rapporteur, avec vos recommandations de l'année dernière et de cette année, lors du comité interministériel de la transformation publique du 29 octobre dernier, dont le Premier ministre s'est fait l'écho.

De même, et toujours afin de préserver les recettes du compte d'affectation spéciale – CAS – , le Gouvernement fera droit à votre proposition de mieux encadrer le recours à la décote sur les prix de cession des biens immobiliers de l'État à des collectivités locales, établissements ou opérateurs qui disposent par ailleurs de réserves foncières.

Enfin, je me réjouis que votre rapport mette en avant les efforts consentis par le Gouvernement sur les plans notamment de l'allégement des procédures et de la simplification, comme nous l'avons fait jadis sur le plan fiscal avec la suppression de très nombreuses taxes à faible rendement, portée dans la proposition de résolution de M. le député Saint-Martin. De fait, monsieur Mattei, vous avez raison de dire que le dispositif des loyers budgétaires dont nous proposons la suppression dans ce projet de loi de finances donnait lieu à des jeux d'écriture qui mobilisaient indûment les administrations sans nécessairement contribuer à une prise de conscience de la valeur patrimoniale des biens occupés. C'était jadis l'esprit du législateur et du Gouvernement et on peut avouer aujourd'hui que cela n'a pas tout à fait atteint les buts recherchés.

J'en viens à la mission « Remboursements et dégrèvements » – qui me donne l'occasion de saluer Mme Pires Beaune – , la plus importante du budget général de l'État en termes de crédits ouverts. Elle est en effet directement affectée par les transformations de notre fiscalité, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre du prélèvement à la source, cher au président de séance – sans doute un peu frustré de ne pas pouvoir déposer d'amendements alors qu'il préside ce soir votre assemblée, mais je sais que, de là où il est, il nous regarde et participe au débat – ou du dégrèvement de taxe d'habitation voté par cette majorité, mais elle l'est également par les contentieux, comme l'a rappelé le récent rapport de la mission d'information sur la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l'État, présidée par Mme Véronique Louwagie et dont le rapporteur était M. Romain Grau, que je voudrais ici saluer pour le travail important qu'il a accompli.

Je vais maintenant, madame la rapporteure, répondre point par point aux interrogations que vous formulez dans votre rapport.

Premièrement, vous évoquez le fait que le dispositif d'acompte de 60 % pour les crédits et réductions d'impôts prévu par l'article 3 du projet de loi de finances présente des risques importants de remboursements. Il est vrai qu'une partie des contribuables sont susceptibles de recevoir l'avance en janvier, parce qu'ils bénéficiaient d'un crédit ou d'une réduction d'impôt en 2017, mais certains d'entre eux n'y seront plus éligibles en 2018. Il faudra donc, au moment de la régularisation de leur impôt, à l'été 2019, leur demander le remboursement de l'avance versée à tort, même si nous avons pris le parti de prendre les crédits d'impôt les plus récurrents, comme les dons aux associations, pour plus de 60 % des contribuables qui font de tels dons.

Par ailleurs, nous ferons de la pédagogie : j'écrirai à tous les contribuables bénéficiaires de l'avance de janvier pour leur expliquer la situation et ils recevront la lettre du ministère de l'action et des comptes publics avant le 15 janvier, c'est-à-dire avant le paiement direct sur leur compte en banque, sans aucune procédure administrative particulière, de ces 60 % de crédit d'impôt. Ceux qui recevront l'avance alors qu'ils ne bénéficient plus de la réduction ou du crédit d'impôt concernés auront donc un avantage de trésorerie temporaire, qui se régularisera au bout de quelques mois. En attendant, ils auront pu, s'ils le souhaitent, placer l'argent sur un compte qui produira quelques intérêts – c'est peut-être ce que feront les directeurs généraux des douanes et des finances publiques s'ils bénéficient de crédits d'impôt dans leur vie personnelle.

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