Intervention de Annick Girardin

Réunion du mardi 26 septembre 2017 à 11h00
Délégation aux outre-mer

Annick Girardin, ministre des outre-mer :

Je ne peux toutefois laisser dire que tout a été fait en cachette car j'ai demandé à l'ambassadeur de zone, chargé de l'océan Indien, de rencontrer l'ensemble des élus de Mayotte pour recueillir leur première réaction. Il fallait que les Comores prennent conscience que la France n'accepterait plus de leur part un désintérêt pour les questions primordiales que je viens de mentionner : la lutte contre les passeurs et l'immigration illégale que nous subissons. Puisque la transparence s'impose en la matière mais que les accords signés par les ministères des affaires étrangères sont rarement publics, je rencontrerai les élus de Mayotte jeudi prochain avec des membres du cabinet du ministre des affaires étrangères pour que nous leur présentions le document et les points sur lesquels nous avons avancé.

J'ai parlé du « visa des outre-mer » à l'occasion du dîner des trois océans. Ce n'était donc pas une réponse spécifique à Mayotte. Il existe d'ailleurs depuis bien longtemps : à La Réunion, sous l'appellation de « visa vanille », ou en Polynésie, pour permettre aux touristes de Chine, d'Afrique du Sud ou d'Inde de s'y rendre plus facilement. Ainsi, ce n'est pas une question nouvelle, mais une question beaucoup plus sensible à Mayotte.

Je souhaite que l'on avance en matière de coopération régionale, que ces actions soient davantage menées par les territoires et que l'État accompagne leurs réflexions par bassin maritime – monsieur Letchimy l'a dit tout à l'heure. De premières initiatives ont été prises à la suite du vote de la loi du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional, portée par Serge Letchimy. Elle avait à l'époque – j'étais alors à la commission des affaires étrangères – fait débat. Il nous faut travailler ensemble, je l'ai redit aux ambassadeurs durant ce dîner, mais d'autres l'avaient fait avant moi, Ericka ou Serge notamment. Il faut maintenant passer à une politique de co-construction dans les bassins maritimes. Les collectivités ne le feront pas seules, mais l'État ne peut plus le faire seul compte tenu de ses engagements. Nous pouvons avancer dans les domaines scientifique et universitaire, y compris à Mayotte. Il ne faut pas mettre ces occasions de côté, même si ce n'est pas la seule réponse.

Je l'ai dit en Guyane, et je le redis ici tout en mesurant la portée de mes paroles : je n'ai pas de tabou concernant la lutte contre l'immigration illégale. J'accepte même que nous débattions de la question du droit du sol sur les territoires où beaucoup a déjà été tenté. Nous avons fait des efforts. Je vais en dresser la liste car on ne peut pas dire que l'on a fermé les yeux ou que rien n'a été fait. Mais nous devons aller plus loin dans nos réflexions.

Le Plan global de sécurité, de prévention de la délinquance et de lutte contre l'immigration clandestine pour Mayotte est important : 62 policiers, 42 gendarmes, la création d'une antenne du GIGN, la création d'un état-major de sécurité, de nouveaux navires de lutte en mer contre l'immigration illégale, le renforcement des partenariats avec les maires et le conseil départemental par le biais des Conseils Locaux de Prévention de la Délinquance (CLSPD)… Il faut en même temps lutter contre l'immigration illégale et contre la délinquance pour améliorer le climat local afin que les Mahorais et les Mahoraises puissent mieux vivre chez eux. Nous avons des priorités à court terme, je l'ai dit, mais nous devons voir plus loin : comment et avec quels moyens imagine-t-on le Mayotte de demain ? Je ne vais pas citer l'ensemble des autres moyens engagés à Mayotte. Il nous reste sans doute à mieux coordonner le tout pour être plus efficace.

Je peux comprendre que l'on soit fâché à Mayotte et que, de ce fait, l'on ait envie de bousculer l'État après le Haut conseil paritaire (HCP) avec les Comores. Mais, honnêtement, il faut aller de l'avant : on ne résoudra pas les problèmes sans avoir une vision globale du bassin maritime que constitue l'océan Indien. La coopération régionale ne concerne pas que les Comores, mais également Madagascar, dont j'ai senti que les Mahoraises et les Mahorais étaient très proches. Il ne faut donc pas se focaliser sur la question des Comores, ce n'est pas mon souhait, même si la solution globale passera aussi par celle que l'on trouvera pour les Comores.

Monsieur Letchimy, vous m'avez interrogée sur mes ambitions, notamment sur le « POSEI Pêche ». Effectivement, c'est compliqué, cela fait longtemps qu'on en parle, mais ce n'est pas pour cela qu'il faut baisser les bras. Nous devons continuer à en discuter et réussir à le mettre en place. J'ai saisi la Commission européenne sur la modernisation des flottes de pêche et la prise en compte de l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Je crois véritablement que la prochaine commission en Guyane sera l'occasion, en présence du Président de la République et de M. Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, d'aller plus loin et d'arracher peut-être, enfin, une réponse positive de l'Union européenne. Nous n'y sommes pas parvenus pour le moment. Nos spécificités vont peut-être enfin être prises en compte, non pas tant du fait de ma présence que du fait que nous ayons mené le combat depuis tellement d'années…

S'agissant des zones franches, là aussi, des dispositifs sont en place, qu'il faut réinterroger : la zone franche est-elle la réponse à tout ? Il y a aussi la TVA non perçue récupérable (NPR) ou les zones franches d'activité (ZFA). Qu'en a-t-on fait ? Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ? Faut-il aller plus loin ? Les semaines et mois à venir nous permettront d'apporter des réponses à ces questions. Les Assises des outre-mer, qui se dérouleront d'octobre 2017 à janvier 2018, nous permettront de débattre. Veut-on uniquement faire du « fiscal » ? Du fiscal et de l'aide directe ? Nous devons nous poser ces questions car les mêmes outils ne sont pas bons pour tous les territoires ou tous les cas de figure. Donnons-nous le temps, monsieur le député, de discuter de ces questions. Ne me demandez pas d'apporter des réponses aujourd'hui alors que le débat sera ouvert lors des Assises… Je tiens à cette co-construction.

Madame Bareigts, les dispositions relatives à la fin du CICE en 2019 figurent dans le projet de loi de finances pour 2018. En métropole, il est recyclé sous deux formes : d'abord des baisses de cotisations patronales jusqu'à 2,5 SMIC, mais aussi des allègements généraux jusqu'à 1,6 SMIC. La réforme ne peut être identique pour l'outre-mer, qui serait trop perdant. Cela explique que nous ayons obtenu un an de délai, afin que l'outre-mer puisse écrire sa page « après-CICE ». Nous avons quelques mois pour trouver une réponse et des outils adaptés ensemble. Le scénario n'est pas écrit, même si la fin du CICE en 2019 est bien actée, ce qui implique de trouver une réponse en 2018.

Il convient d'inclure cette réflexion dans ce que l'on pourrait appeler la « LODEOM 2 », la LODEOM du 27 mai 2009 étant tellement connue qu'il est inutile d'inventer un autre nom… En effet, vous l'avez dit, entre 2018 et 2025, un certain nombre de dispositifs vont arriver à terme. Il convient d'évaluer chacun d'entre eux, afin d'obtenir des moratoires ou des modifications dans les mois à venir.

Concernant le logement, je me rendrai cet après-midi au Congrès de l'Union sociale de l'Habitat (USH) à Strasbourg pour l'annoncer officiellement : la baisse des aides personnalisées au logement (APL) ne s'appliquera pas dans les outre-mer. Le moratoire est acquis. Pour une fois, il s'agit d'une réponse facile !

La réforme des contrats aidés – qui concerne tous les territoires – a effectivement été opérée brutalement et vécue encore plus brutalement en outre-mer, où l'on connait les chiffres du chômage – notamment celui des jeunes…. Elle a surtout été insuffisamment accompagnée, j'ai pour habitude de reconnaitre les erreurs. Ceci étant dit, les moyens annoncés pour 2017 concernent également l'outre-mer. Ils sont certes en baisse, mais j'ai tenté de faire en sorte que cette baisse nous touche le moins possible, l'éducation et l'outre-mer ayant été déclarés prioritaires dans l'attribution des emplois aidés. Cela ne signifie pas que nous bénéficierons d'un moratoire : il y aura bien une baisse. Vous l'avez vécu dans les territoires, les uns après les autres, dans le cadre des négociations que nous avons organisées. Même si, au coup par coup, nous avons réussi à obtenir – grâce à mes combats, à ceux de mon cabinet, mais aussi à vos remontées – des contrats supplémentaires, aujourd'hui, nous avons très certainement atteint le maximum de ce que nous pouvions faire, au vu de l'enveloppe nationale et des priorités fixées. Il convient désormais de chercher des solutions pragmatiques dans les territoires. Mon cabinet a obtenu la flexibilité – que certains souhaitaient –, afin que les préfets puissent utiliser l'ensemble des enveloppes pour répondre aux besoins des territoires, accompagner l'éducation, les collectivités qui ont des difficultés financières – je pense surtout aux communes –, mais aussi les associations, qui sont un tissu fondamental pour la cohésion sociale de nos territoires. Vous savez combien la question des associations est importante pour moi.

En posant des critères, nous avons essayé de favoriser cette flexibilité et d'autoriser, pour ceux qui avaient moins de difficultés financières, la modification des taux de remboursement ou de participation. Les taux de participation ne seront pas obligatoirement moindres, mais nous laissons cette liberté de négociation aux préfets, dans les territoires, afin qu'ils puissent faire au mieux avec les enveloppes obtenues.

Quelle réponse pour 2018 et pour tous ces jeunes qui attendent ? La première réponse, apportée par le Grand plan d'investissement (GPI), ce sont les quinze milliards d'euros investis dans la formation des jeunes, leur parcours d'intégration et d'insertion dans l'emploi. Ce parcours est en cours de définition, jusqu'à la fin de l'année. Il sera applicable à long terme, aussi bien dans les outre-mer qu'en métropole. Nous devons donc analyser nos spécificités et les défendre lors de la construction du volet « Plan d'investissement compétences » dédié à la formation, à l'accompagnement et à la qualification des jeunes demandeurs d'emploi au sein du grand plan d'investissement. C'est l'espoir, mais aussi l'angoisse forte, de cette jeunesse ultramarine, qui manque de visibilité pour son avenir.

Dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, les discussions avec les collectivités concernant les dotations seront également un moyen de soulever la question des emplois aidés, afin d'accompagner davantage les collectivités vers un nouveau modèle et de permettre la transition entre ces emplois aidés et des emplois de longue durée.

Enfin, la mission confiée à M. Jean-Marc Borello par la ministre du travail, visant à mobiliser les acteurs de l'insertion autour de solutions innovantes, sera également menée outre-mer et apportera des réponses spécifiques concernant les emplois jeunes outre-mer au-delà de 2017.

Le niveau 2017 est maintenu pour les emplois aidés, c'est l'essentiel. Nous aurons à travailler ensemble sur 2018.

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