Intervention de Laetitia Avia

Séance en hémicycle du lundi 19 novembre 2018 à 16h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Avia, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

S'agissant d'une expérimentation aux contours parfaitement délimités, je nous appellerai à légiférer avec raison et pragmatisme, en nous contentant de répondre à cette simple question : comment adapter efficacement les pensions alimentaires aux évolutions de revenus et de situations ?

Le second point de vigilance est le coût de la déjudiciarisation, qui ne doit pas être disproportionné ni porter préjudice aux justiciables. Je tiens ici à remercier ici le Gouvernement, qui a levé le gage adossé à l'amendement que j'ai présenté en commission sur ce point, permettant ainsi l'exonération des futurs parents du règlement des droits d'enregistrement dans le cadre du consentement à une PMA devant le notaire – ce seront 125 euros en moins à débourser.

Changer le rapport au juge, c'est aussi développer la culture du règlement amiable des conflits, à tout moment de la procédure, chaque fois que le juge estimera qu'il peut être opportun pour les parties d'accomplir un pas de côté pour trouver ensemble, en dehors du schéma judiciaire, une solution à leur différend. La médiation sera également un préalable nécessaire à l'engagement de tout contentieux du quotidien.

Mais si une tentative de conciliation doit être encouragée, elle ne peut pour autant devenir une contrainte qui alourdirait considérablement des procédures judiciaires déjà longues et pesantes pour les parties concernées. Je fais référence ici au divorce, manifestation concrète de ce que notre droit est capable d'engendrer comme délais, attente, complexité et superposition des procédures, avec une véritable pénibilité pour ces familles.

Je noterai deux évolutions majeures adoptées en commission : une audience de fixation des mesures provisoires se tiendra dès le début de la procédure, sauf avis contraire des parties ; la période permettant de caractériser l'altération définitive du lien conjugal sera réduite de deux ans à un an. Nous aurons encore, au cours de la séance, à apporter quelques précisions pour affiner ce nouveau dispositif de divorce contentieux.

Le projet de loi vise en outre à entrer de plain-pied dans le XXIe siècle en engageant la transformation numérique de la justice, avec trois avancées significatives, pour lesquelles nous avons trouvé des points d'équilibre en commission.

Tout d'abord, il faut reconnaître que la legaltech existe et propose des services utiles ; mais il faut mieux encadrer ces technologies et permettre leur certification.

Il faut ensuite rendre publiques toutes les décisions de justice, gratuitement, en open data, dans des conditions garantissant la sécurité et le respect de la vie privée de chacun. Un amendement du groupe La République en marche viendra également interdire tout profilage des magistrats, car tel n'est pas notre conception d'une justice transparente.

Enfin, il faut permettre des jugements dématérialisés pour les injonctions de payer, et des procédures sans audience avec l'accord des parties : c'est une innovation nécessaire pour les 85 % de justiciables pour qui le numérique fait partie du quotidien et qui attendent une modernisation de la justice. Mais nous n'oublions pas pour autant les 15 % de Français touchés par ce qu'on appelle l'« illectronisme », pour lesquels des alternatives et un accueil physique seront maintenus.

Je terminerai mon intervention en abordant quelques dispositions du bloc pénal, dont mon collègue Didier Paris est rapporteur, mais qui me tiennent particulièrement à coeur, car elles touchent à des problèmes de société sur lesquels nous sommes régulièrement interpellés.

Il y a quelques mois, nous débattions ici même de la lutte contre la correctionnalisation des viols. La création d'une cour criminelle professionnelle, plus prompte et plus apte à traiter ces crimes, est une des réponses, parmi d'autres, que nous apportons à cette question.

Nous savons que nous devons aider les victimes à mieux saisir la justice. La possibilité de déposer plainte en ligne est l'une des réponses à ces questions. Elle évitera que les réseaux sociaux ne soient le lieu par excellence de révélation des agressions subies.

En parlant de réseaux sociaux, la mise en place de la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale permettra de mieux sanctionner les auteurs de propos racistes, antisémites ou encore LGBT-phobes, dans la continuité des recommandations que j'ai pu remettre au Premier ministre.

C'est donc un texte riche, dense et répondant à des besoins réels sur lequel nous nous apprêtons à débattre et à voter. Je tiens à saluer la qualité des débats en commission ; ils ont enrichi le texte et nourri des amendements qui seront présentés en séance. Je ne peux que nous souhaiter des débats d'une même hauteur durant cette semaine que nous allons passer ensemble.

Cette réforme est-elle le grand soir de la justice ? Je ne sais répondre à cette question, qui a été posée à de nombreuses reprises. Mais je peux dire qu'elle est ambitieuse et qu'avec elle, nous arrêtons de légiférer uniquement pour réparer le passé ; nous légiférons pour préparer l'avenir, celui d'une justice accessible à tous.

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