Intervention de Marie-Pierre Rixain

Séance en hémicycle du lundi 19 novembre 2018 à 16h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

La notion de justice est indissociable du concept de démocratie, intrinsèque à l'exercice de notre République. Toute démocratie se doit d'avoir un système judiciaire qui remplit parfaitement son office et ne substitue pas le juge au législateur, ni le législateur au juge. La justice, notre justice, est la seule garantie de l'égalité des droits, fondement essentiel de notre société, de notre organisation politique. L'égalité est le bien commun de notre liberté. Plus qu'aucun autre principe, elle doit être ardemment protégée. Il nous faut pouvoir corriger les variations d'interprétation au maximum, afin de préserver notre égalité devant la loi. Renforcer le système judiciaire, c'est réaffirmer la force de notre démocratie.

Aujourd'hui, il apparaît nécessaire de réformer les procédures judiciaires pour rendre plus effectives les décisions des magistrats, donner plus de sens à leurs missions et rétablir la confiance de nos concitoyens dans la décision du juge. C'est tout le sens du projet de loi que vous portez, madame la garde des sceaux. Nous ne pouvons que nous réjouir de l'ambition de cette réforme, à même de répondre aux grands défis qui se posent à notre démocratie.

Si la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a souhaité se saisir de ce texte, c'est qu'il nous faut apporter une vigilance et une attention particulière aux conséquences que peut avoir une telle réforme, qui va toucher au quotidien nombre de femmes et d'hommes. Je pense ici non seulement aux droits des femmes à l'épreuve des affaires familiales de séparation dans lesquelles la justice intervient, mais également à la lutte contre les violences sexuelles dont ces dernières peuvent être victimes.

Au-delà des procédures civiles et pénales, parfois complexes, n'oublions pas les réalités sociales qu'elles recouvrent. N'oublions pas de prendre en compte les inégalités que les femmes subissent au quotidien, afin d'oeuvrer à les réduire dans l'application de la loi.

Chaque année, entre 120 000 et 130 000 divorces sont prononcés, dont la moitié par voie contentieuse. Dans ce contexte, je salue la procédure de simplification des divorces qui est proposée.

Cette réforme du divorce doit être l'occasion de mieux prendre en compte les violences intrafamiliales. Rappelons que, parmi les 108 000 victimes de viol ou de tentative de viol déclarées en 2017, 45 % des agresseurs étaient des conjoints ou des ex-conjoints. Les violences faites aux femmes ont donc malheureusement lieu en grande partie au sein de leur foyer ou de leur couple. Dès lors, il paraît essentiel d'adapter les procédures en cas de violences conjugales ou intrafamiliales. Il en va également d'une meilleure définition des violences intrafamiliales dans le code civil, ainsi que d'une meilleure formation des personnels.

Les situations de divorce sont complexes, douloureuses pour les deux parties, mais rarement favorables aux femmes, qui, souvent, se trouvent davantage précarisées. Si, dans certains cas, des violences physiques ou psychologiques ont lieu, nombreux sont les divorces qui apportent également des inégalités économiques. Les femmes s'occupent le plus souvent des enfants et des tâches du quotidien. Cette répartition inégale des tâches dans la sphère privée nuit nécessairement à leur émancipation économique, surtout quand on sait que les femmes gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes. Ainsi, d'après les chiffres de l'INSEE, à la suite d'une rupture ou un divorce, les femmes connaissent une baisse de leur niveau de vie de 20 %, contre 3 % pour les hommes, malgré le versement des prestations sociales et de la pension alimentaire en cas de garde des enfants.

Je souhaite également rappeler que 380 000 enfants mineurs sont concernés chaque année par le divorce de leurs parents, dont 75 % vivent chez leur mère. La contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants est un autre sujet fondamental, qui soulève des problématiques fiscales souvent défavorables aux femmes. De même, les enfants sont une cible vulnérable des violences intrafamiliales. Les procédures doivent donc être adaptées, tout comme leur prise en charge rapide.

La délégation aux droits des femmes a porté son attention sur ce sujet grâce au travail essentiel, précis, réalisé par notre collègue Guillaume Gouffier-Cha, qui a formulé vingt-sept recommandations dans son rapport d'information. Je salue les avancées qu'il a défendues en commission et qu'il continuera de défendre en séance.

Mes chers collègues, soyons à la hauteur des ambitions d'égalité entre les femmes et les hommes que nous nous sommes données, y compris en cas de séparation.

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