Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du lundi 19 novembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Nos prédécesseurs ont été irresponsables en confiant les pouvoirs des juges d'instruction à un magistrat dépendant du pouvoir exécutif, sans aucune considération pour les garanties des libertés individuelles, quelles que soient les qualités personnelles des procureurs en question.

Notre projet vise à instaurer une centralité d'une instruction renouvelée par la collégialité, et par la mise en place d'équipes d'officiers de police judiciaire – OPJ – en détachement auprès des juridictions, afin d'éviter toute tentation d'intrusion de la hiérarchie du ministère de l'intérieur au coeur des enquêtes sensibles. Le procureur quant à lui sera rapproché physiquement des services de police pour assurer son rôle de conduite des enquêtes de premier niveau et être plus accessible pour les policiers. Il pourra ainsi accompagner les policiers de proximité dans le traitement de la petite délinquance, avec discernement, au plus près du terrain.

Il ne saurait y avoir de réforme de la justice sans réforme du Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que de l'orientation pénale. Avec la création d'un Conseil supérieur de la justice, nous garantissons l'indépendance des magistrats vis-à-vis de l'exécutif : ce conseil sera composé pour partie de magistrats et de personnalités qualifiées désignées par le Parlement et non plus par le Gouvernement et le Président. Fini également, les instructions de politique pénale à la main directe du ministre ! Nous souhaitons que le Parlement, par une loi d'orientation pénale, décide de la politique pénale dont veut se doter le pays. C'est l'idée de sûreté qui, par-delà le concept de sécurité, préserve de l'arbitraire dont l'action publique n'est pas exempte par nature.

La conduite d'une politique de déflation pénale et carcérale s'impose désormais à toutes les formations politiques. Avec ce projet, nous prenons nos responsabilités.

Le droit pénal est lui-même la cause de conséquences qu'il est amené à traiter. L'exemple le plus patent est celui de la récidive : il s'agit souvent de nombreux délits liés à la précarité, qui construisent un parcours de délinquance désocialisant. Il y a aussi certains comportements de masse auxquels il faut s'attaquer par d'autre biais comme l'éducation et la prévention, qui sont plus efficaces pour prévenir la commission de ces faits.

C'est pourquoi nous proposons une échelle des peines lisible et cohérente, autour d'un triptyque : amende, probation, enfermement. Chaque acteur de notre démocratie doit prendre part à la détermination de la peine. Le législateur tout comme le juge doit caractériser les comportements qui doivent être, ou non, sanctionnés par une peine d'enfermement.

Nous allons donc conduire une politique de déflation carcérale cohérente, en premier lieu, avec la politique pénale. Mais pour aller plus loin, c'est aux hyperstructures carcérales qu'il faut mettre fin. Elles sont un non-sens pour lutter contre la délinquance et elles sont déshumanisantes tant pour les personnes détenues que pour les personnels pénitentiaires. Il faut privilégier des structures à taille humaine situées dans des bassins d'emploi, desservies par les transports, avec des régimes de détention repensés autour de l'individu inscrit dans un parcours d'exécution de sa peine. Ces structures doivent être multiples mais fondées sur une prise en charge de base la plus souple, inspirées de « modules de respect » améliorés, conçus comme étant la norme de prise en charge et non comme une règle de gestion de la détention, qui pousse à l'arbitraire par affectation administrative.

Nous ne négligeons pas pour autant la lutte contre la surpopulation carcérale qui sera conduite autour des principes de césure du procès pénal, de l'obligation de motivation par le magistrat du choix de l'enfermement plutôt que d'une mesure de milieu ouvert et d'un mécanisme de régulation carcérale. Nous allons diminuer drastiquement le nombre de détentions provisoires en réformant leur usage.

La victime retrouvera sa place grâce à un investissement massif dans les méthodes de justice restaurative, car on ne peut pas se satisfaire uniquement de la réponse qu'offre le procès pénal.

L'idée de justice est sévèrement attaquée par un sentiment, profond dans le pays, de deux poids, deux mesures. Les exemples ne manquent pas de faibles et misérables jugés durement, ni de forts et de puissants jugés légèrement parce qu'ils ont les moyens de se défendre. Et je ne jette pas la pierre aux magistrats : ils ne font qu'appliquer la loi ! C'est bien celle-ci qu'il faut changer. Les règles en matière de délinquance en col blanc, de délinquance financière illustrent bien ce qu'est cette justice faible avec les forts. Nous proposons donc de durcir les sanctions pécuniaires en la matière, d'imposer des peines de milieu ouvert, notamment le travail d'intérêt général, et d'augmenter drastiquement les effectifs de police et de justice qui y sont consacrés. Les outils de lutte contre la délinquance des puissants doivent cesser d'être une succession de vitrines. Il est temps que nous renforcions l'arrière-boutique !

En ce qui concerne la police de proximité, nous proposons de pacifier les relations avec la remise d'un récépissé lors d'un contrôle d'identité. Les moyens de police et d'enquête ne se résumeront plus au seul contrôle d'identité ; les forces de l'ordre pourront s'appuyer sur les liens concrets et étroits établis avec les habitantes et habitants.

S'agissant de la délinquance de masse que provoque la pénalisation de l'usage de stupéfiants, il est temps que nous sortions de l'hypocrisie en légalisant le cannabis et en dépénalisant l'usage des drogues pour concentrer l'action judiciaire sur les trafiquants. Nous allons donc légaliser le cannabis, de la production jusqu'à la vente, avec un encadrement par l'État – pour des raisons de santé publique, d'ordre public, et de fiscalité.

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