Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du lundi 19 novembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Discussion générale commune

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je souhaite tout d'abord vous remercier, mesdames et messieurs les députés, pour l'ensemble des propos que vous avez tenus. Peut-être est-ce parce que je suis complètement immergée dans ce texte, mais j'ai trouvé un grand intérêt à chacune de vos interventions, soit qu'elles me fassent réagir, positivement ou négativement, soit qu'elles m'interpellent.

Je veux vous dire, monsieur Terlier, à quel point je partage vos analyses, notamment lorsque vous affirmez que la justice du XXIe siècle ne peut rester à la marge des évolutions de la société. Je ne développe pas davantage, car je souhaite vous répondre sur un point particulier : l'ordonnance de 1945 relative à la délinquance des mineurs. J'ai bien entendu votre appel à une refonte de ce texte. Je sais que la commission des lois a engagé une réflexion à ce sujet et que le Sénat étudie lui aussi cette question en ce moment même.

Il était pour moi très difficile de traiter ce sujet, très important par son volume, dans le cadre du présent projet de loi, qui aborde déjà de très nombreux aspects, comme vous l'avez relevé les uns et les autres. Je souhaite en tout cas vous assurer de la volonté du Gouvernement d'agir et de prendre ses responsabilités dans ce domaine. Nous travaillons sur cette question avec plusieurs d'entre vous, depuis plusieurs mois, car il nous semble indispensable d'apporter des réponses claires et efficaces en la matière : il est nécessaire, d'une part, que les mineurs soient jugés plus rapidement et, d'autre part, qu'une réponse plus prompte soit apportée aux victimes. Vous avez dit craindre, monsieur le député, que le calendrier parlementaire ne permette pas de faire aboutir cette réforme dans des délais brefs. Je comprends bien entendu vos craintes, mais je peux vous assurer de la volonté du Gouvernement d'avancer clairement dans cette voie.

Rien dans vos propos, monsieur Masson, ni d'ailleurs dans ceux d'aucun des députés qui sont intervenus, ne me conduit à me fâcher. Pour résumer votre intervention, vous avez fait part de votre accord sur les mesures de simplification, mais vous avez soulevé deux problèmes, l'un relatif au budget, l'autre concernant un éventuel éloignement de la justice, que vous craigniez de voir devenir moins humaine.

S'agissant des chiffres que vous avez évoqués, je rappelle qu'il faut comparer ce qui est comparable. Le budget de la justice représente environ 3,2 % des dépenses du budget général de l'État, hors remboursement et dégrèvements. En 2019, il progressera de 4,5 %, contre 0,8 % pour l'ensemble des crédits des autres ministères. C'est donc, on le voit bien, un budget prioritaire. Je tenais à le rappeler.

Vous avez exprimé, par ailleurs, la crainte que la justice ne s'éloigne du justiciable, en évoquant notamment l'éventuelle suppression des 300 tribunaux de proximité, grief ou inquiétude reprise par nombre d'entre vous. Je ne dirai qu'un mot à ce sujet, pour vous rappeler qu'aucun de ces tribunaux de proximité ne fermera. Si je l'affirme avec autant d'assurance, c'est parce que leurs compétences seront garanties par un décret en Conseil d'État. En d'autres termes, ils ne pourront bénéficier que d'une extension de leurs compétences, décidée éventuellement par le chef de cour d'appel. Sans remettre en cause ma propre volonté en la matière, monsieur le député, vous avez évoqué « un déterminisme qui nous échappe ». Je ne crois pas que tel soit le cas. Comme j'ai eu l'occasion de le dire dans cette assemblée, je crois fortement, pour ma part, au volontarisme politique, et rien ne nous échappera à cet égard.

Vous avez enfin estimé que le tribunal criminel départemental – que vos collègues députés ont transformé en « cour criminelle départementale » en commission des lois – était fait pour aller plus vite et réaliser des économies, ce qui allait conduire, au fond, à correctionnaliser des crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion. Or c'est tout l'inverse, monsieur le député : c'est bien parce que ces cours criminelles, expérimentées dans certains départements, fonctionneront avec des magistrats professionnels que la procédure sera plus rapide – ce qui n'interdira nullement l'audition des victimes, ni celle des témoins – et que cela permettra réellement de juger en tant que tels des crimes qui étaient jusqu'alors déqualifiés, correctionnalisés.

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