Intervention de François Clavairoly

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 17h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France :

Dans le protestantisme aussi, la question du mariage pour tous a partagé les esprits. Deux Églises de la Fédération protestante pratiquent la bénédiction des couples homosexuels.

Nous avons toujours demandé la généralisation des soins palliatifs. Je remarque que, dans son avis, le CCNE demande que soit financé un nouveau plan gouvernemental pour les soins palliatifs qui, en France, sont très insuffisants. Avant de légiférer pour améliorer la loi Claeys-Leonetti, un travail sur le soin palliatif serait donc à mener de façon urgente car nous savons combien la détresse due au « mal-mourir » est tragique pour la vivre quotidiennement. Sur cette question, les religions ont en effet une expertise acquise dans les aumôneries d'hôpitaux et par les visites des prêtres, pasteurs, rabbins et imams dans les maisons de retraite, les hôpitaux, les maisons médicalisées et à domicile.

Sur le droit à l'enfant que vous distinguez du désir d'enfant, qui est en effet tout autre chose, je partage entièrement votre avis. Notre société prend conscience que la famille n'est pas la réalisation d'un modèle unique et que les rapports de parentalité et de filiation peuvent être vécus de plusieurs façons. Nous sommes fort heureusement sortis du modèle romain du pater familias qui avait droit de cuissage non seulement sur sa femme et sur ses filles, mais jusque sur ses fils et ses esclaves ! Nous devons absolument arrêter de promouvoir l'image largement mythique de la famille composée du père, de la mère et des enfants qu'a défendue la Manif pour tous. Néanmoins, il nous faut aussi garder à l'esprit que ces nouveaux modèles familiaux s'accompagnent de fragilité, de vulnérabilité et de détresse, en sorte que la République peut avoir à se montrer accompagnante et aidante.

Je dirais au sujet de la laïcité que ce principe permet le dissensus, qui est le contraire de la fabrication du consensus. Elle offre la possibilité que, dans une société, des désaccords puissent s'exprimer sans que les citoyens s'entretuent ou exercent des violences les uns contre les autres, ainsi qu'il en est dans certains pays où la religion d'État est pour chacun un joug.

J'en viens à la question de l'eugénisme. À considérer le programme T4 de 1940 auquel vous avez fait référence et les recherches qui ont été menées dans certains pays pour réaliser des modifications génétiques donnant naissance à l'humain parfait, on ne peut que craindre l'émergence d'une société où le mieux serait choisi au détriment du plus vulnérable. Car j'entends très bien Mgr d'Ornellas quand il dit que ce sont les plus faibles et les plus fragiles qui seraient les victimes de la construction d'une société parfaite. Alors que le progrès technique est en train de créer une médecine du désir mettant à portée de main des réalisations appartenant à l'imaginaire transhumaniste, nous devons assumer notre finitude et refuser la perfection sociale. Il sera bientôt possible de créer des humains de manière eugénique en choisissant une carte génétique et en recourant à des utérus artificiels. Cette perspective est d'autant plus effrayante que l'enfant conçu de cette façon, s'il constate une fois adulte qu'il a des défauts, pourra se retourner juridiquement contre ses producteurs ! Nous entrerions ainsi dans une logique infernale où celui qui a manqué la fabrication de l'enfant parfait serait coupable. La loi doit offrir un cadre qui empêche que de telles monstruosités adviennent. Je crois qu'il nous faut être courageux et, à un moment donné, savoir dire non.

1 commentaire :

Le 23/12/2018 à 08:50, Laïc1 a dit :

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" Je crois qu'il nous faut être courageux et, à un moment donné, savoir dire non."

L'Etat, secondé en cela par une justice démissionnaire et coupable, manque totalement de courage pour en finir avec les doubles menus religieux dans les cantines, et à l'infame et anti-laïque discrimination religieuse qui en découle.

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