Intervention de Petra De Sutter

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 16h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Petra De Sutter, gynécologue obstétricienne, cheffe de service Médecine reproductive de l'hôpital universitaire de Gand, membre du Sénat de Belgique et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) :

En Belgique, la loi ne traite pas de la GPA. Celle-ci n'est pas interdite comme c'est le cas en France, mais elle est encadrée par la législation relative à la filiation : quand un enfant naît d'une GPA, il faut une adoption selon les procédures en vigueur. Toute GPA commerciale est impossible, car le ministère public l'assimile à la vente d'un enfant – il y a eu des poursuites de ce chef. Le législateur s'est trouvé confronté à une difficulté au moment d'adopter le principe de la co-maternité, qui introduisait une discrimination de fait à l'égard des couples d'hommes puisque, la GPA n'étant pas réglée par la loi, il n'y a pas de co-paternité dans la législation belge. Dans les faits, si l'on accepte que la co-paternité n'est pas réglée par la loi et que la co-maternité l'est, ouvrir l'AMP aux couples de femmes ne devrait pas mener automatiquement à la GPA.

En Belgique, la pratique de la GPA est très limitée et se fait depuis un quart de siècle dans des conditions éthiques : ce n'est pas un contrat commercial. La GPA a lieu entre deux soeurs ou deux amies de longue date, au terme d'un examen approfondi et avec un accompagnement psychologique. C'est ainsi que les choses se passent à l'hôpital, sans qu'il n'y ait jamais eu, à ce jour, ni conflit de filiation, ni mère porteuse qui ait changé d'idée, ni transaction financière. Il ne faut pas accepter que cela ait lieu en dehors des hôpitaux. Un seul centre spécialisé, à Bruxelles, accepte des patients étrangers ; les deux autres ne reçoivent que des parents d'intention et des mères porteuses résidents belges.

L'expérience de la Belgique ne montre pas que l'extension de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules ouvre automatiquement la porte à la GPA. C'est aussi qu'il y a un problème pratique : l'insémination par sperme de donneur se fait sans difficulté, mais pour une GPA il faut, par définition, une mère porteuse et une donneuse d'ovocytes car les centres qui pratiquent la GPA en Belgique n'acceptent jamais que la mère porteuse donne aussi un ovocyte, de sorte qu'il n'y a aucun lien génétique entre elle et l'embryon. Tout cela est très compliqué, si bien qu'il y a vraiment très peu de GPA. Nous sommes d'ailleurs critiqués par les couples homosexuels pour le très haut taux de refus – 80 % – que nous opposons aux demandes pour des raisons médico-sociologiques – parfois parce que nous ne sommes pas convaincus par la motivation de la candidate mère porteuse. À l'hôpital de Gand, il y a deux à trois GPA par an, pour 2 500 fécondations in vitro, et la proportion est la même dans les deux autres centres belges. C'est dire que nous sommes très prudents.

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