Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mercredi 7 novembre 2018 à 9h55
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Nous sommes, me semble-t-il, tous d'accord sur l'existence d'une évolution consistant à diminuer l'importance de la parentalité biologique et à accroître celle de la « vraie » parentalité, c'est-à-dire du lien noué entre l'enfant et ceux qui l'élèvent, l'aiment et pourvoient à ses besoins et à son éducation.

Je pense que nous souscrivons également à l'idée que le « droit à l'enfant » n'est pas légitime, tandis que les droits de l'enfant doivent être privilégiés, tout en faisant droit au désir d'enfant, qui semble être positif dans toutes les études qui nous ont été rapportées, montrant des chances supplémentaires pour les enfants nés après avoir été fortement désirés.

Nous ne disposons pas, en France, d'études prospectives sur les enfants nés de femmes seules – isolées pour reprendre votre terme – ou en couple homosexuel. On peut toutefois se référer aux travaux menés en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Belgique. Or il apparaît une différence notable entre les résultats de ces études et l'approche des différentes écoles psychanalytiques sur ce sujet. Les études montrent une capacité d'adaptation extraordinaire chez les enfants, qui fait que l'on n'observe pas chez eux de conséquence néfaste. Les difficultés pointées se résument apparemment essentiellement aux méfaits de la discrimination sociale et du jugement de l'environnement à leur encontre et ne sont pas dues au développement de l'enfant et à ses interactions avec son ou ses parents. Il serait intéressant que vous évoquiez la raison pour laquelle, sans disposer d'études prospectives, vous énoncez autant de craintes de risques d'effets délétères pour les enfants, risques issus par exemple de la privation de père, en ne tenant pas compte du fait que, dans les familles modernes, il existe en général dans l'entourage de ces femmes des référents masculins pour l'enfant.

Les deux questions suivantes s'adressent plus précisément au docteur Lévy-Soussan. Vous avez siégé à l'Académie de médecine en 2013, c'est-à-dire avant la loi sur le mariage pour tous, et en 2018. Avez-vous noté une évolution dans la réflexion des médecins de cette Académie au cours de cette période ?

J'ai eu en vous écoutant l'impression d'un certain pessimisme de votre part quant à la capacité humaine à résoudre d'éventuels problèmes. Si l'on pousse votre raisonnement jusqu'à l'absurde – je vous prie de m'excuser d'être caricatural –, j'irais presque jusqu'à dire qu'il conduirait à déconseiller aux couples hétérosexuels d'avoir des enfants, ces derniers risquant de développer un complexe d'Œdipe potentiellement néfaste pour eux. Or nous avons tous, heureusement, surmonté cela. Pourquoi considérez-vous que des enfants de couples homosexuels ou de femmes seules ne seraient pas aptes à surmonter des problèmes comparables à ce que représente, pour chacun de nous, le complexe d'Œdipe ou tout autre difficulté rencontrée au cours du développement précoce ?

Vous indiquez, docteur Bydlowski, que nous serions dans une condition expérimentale. Or nous ne le sommes plus. Nous avons entendu hier une gynécologue belge, par ailleurs sénatrice, qui nous a expliqué qu'en Belgique l'AMP était accessible depuis vingt-cinq ans aux femmes homosexuelles, depuis vingt ans aux femmes seules, et que des études avaient été conduites à ce sujet. On ne se situe donc plus dans le champ de l'expérimentation, mais dans celui de la constatation, de l'analyse, de la comparaison, de l'application rationnelle. Comment expliquez-vous que ceux qui bénéficient, comme nos amis belges, anglais ou américains, d'une expérience de plusieurs décennies soient positifs et confiants, et que ceux qui ne l'ont pas soient aussi réticents et méfiants, évoquant des risques majeurs ? Pourquoi ne pas se reposer sur les preuves apportées par ces études, menées sur des nombres importants d'enfants suivis jusqu'à l'âge adulte ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.