Intervention de Laurent Garcia

Séance en hémicycle du mardi 20 novembre 2018 à 15h00
Lutte contre la manipulation de l'information — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Garcia :

Notre assemblée se réunit une dernière fois pour discuter des propositions de loi organique et ordinaire relatives à la manipulation de l'information. Ces textes prennent tout leur sens dans un contexte, qui est celui, entre autres, de la dernière présidentielle, qui a vu de nombreuses fausses informations, les « infox », circuler à l'endroit, soulignons-le, de quasiment tous les candidats. Cette campagne électorale a en effet été l'occasion d'une diffusion massive de fausses informations, dont le but avéré était d'influencer le scrutin. Nous les avions à l'époque dénoncées et condamnées.

Nous devons en avoir conscience : ces fausses informations non seulement décrédibilisent les médias et le personnel politique, mais font également courir un risque à l'avenir même de la démocratie, en touchant à son esprit : celui de la mesure, de la raison et de l'information vérifiée et donc honnête.

Au cours de la période électorale, durant laquelle le choix et l'engagement des citoyens connaissent une forme de consécration, il est important que toutes les garanties soient apportées pour qu'elle se déroule dans les meilleures conditions, celles qui sont à même d'être les plus équitables et éclairantes possibles.

Si nous comprenons les réserves qui ont pu être émises et si nous avons conscience que ce texte n'est pas la solution ultime contre la manipulation qui malmène notre démocratie, nous avons le devoir d'agir pour ne pas compromettre l'un des droits essentiels de tout citoyen : l'accès à une information de qualité. Ce texte, s'il ne vient pas régler l'ensemble des situations possibles et imaginables – cela ne serait même pas souhaitable – , propose néanmoins une régulation nécessaire et mesurée dans la lutte contre les fausses informations. Nous regrettons que le Sénat ait, pour la deuxième fois, refusé même d'étudier ce texte alors qu'il aurait pu et dû l'enrichir.

On nous fait plusieurs objections. Premièrement, la loi de 1881 sur la liberté de la presse traiterait déjà des fausses nouvelles. Tous nos débats ont tenté de démontrer que tel n'est pas le cas. L'émergence de nouveaux réseaux et de nouveaux modes de diffusion des informations rend nécessaires de nouveaux outils de régulation. Celle-ci régulation est absolument essentielle, encore que les mesures les plus fortes ne soient prévues que pour les périodes électorales. Toutefois, les élections européennes approchent.

Deuxièmement, on nous reproche l'urgence dans laquelle ce texte aurait été élaboré. Rien n'est plus faux : il est le fruit d'une longue réflexion. Son caractère, par définition incomplet, ne doit pas remettre en cause son sérieux. Au demeurant, le Conseil d'État n'a rien trouvé à redire sur ce point dans son avis.

Troisièmement, plusieurs collègues ont avancé l'idée que le meilleur moyen de lutter contre la désinformation et les fausses informations serait l'éducation à l'esprit critique. Nous partageons pleinement cette idée, que nous appliquons en proposant d'intégrer ces éléments aux programmes de l'éducation nationale.

Naturellement, la question du statut des journalistes et de leurs conditions d'exercice de même que la garantie du pluralisme d'opinion et de l'indépendance de la presse sont des sujets, eux-aussi, essentiels dont nous devons nous saisir et que la profession a déjà pris à bras-le-corps. La meilleure réponse viendra de l'investissement de chacun sur le sujet. C'est pourquoi nous nous félicitons des dispositions mises en oeuvre pour renforcer le rôle des enseignants, le rôle du CSA, le devoir de coopération des opérateurs de plateformes en ligne, comme de l'obligation, faite aux opérateurs, de désigner un représentant légal en France.

Les journalistes eux-mêmes se sont emparés de ce sujet pour élaborer leurs propres outils de contrôle des informations produites et reçues.

Au demeurant, cette problématique des fausses informations est largement partagée dans le monde. En Europe même, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie s'intéressent à cette question et cherchent les meilleurs moyens d'y répondre. Une initiative européenne doit aussi voir le jour, complémentaire des choix des États à qui elle donnera encore plus de force.

Nous comprenons les réserves que ces textes peuvent susciter, mais nous pensons que le modus vivendi auquel nous sommes parvenus nous permettra de franchir une première étape, qui devra à l'évidence être évaluée et faire l'objet d'ajustements. Quoi qu'il en soit, le statu quo n'est pas envisageable. C'est cet état d'esprit qui nous a animés tout au long de nos débats.

Mes chers collègues, ces propositions de loi semblent garantir un équilibre entre les mesures de contrôle, de répression et les mesures éducatives. C'est pour toutes ces raisons que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés a soutenu ces textes et qu'il les votera.

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