Intervention de Marielle de Sarnez

Réunion du mercredi 14 novembre 2018 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente :

Merci beaucoup.

Nous reviendrons sur la question du vote ; il était utile de rappeler que le vote du Sénat a été assorti de réserves. C'est une possibilité que nous pouvons retenir si nous le souhaitons.

Notre débat a été très intéressant et substantiel sur le fond. Ce n'est pas la première fois que nous relevons ici le problème qui s'attache à la gouvernance de l'aide publique française au développement en général, non de l'AFD en particulier. Telle est la question qui se pose à nous, et c'est à cette question que notre commission doit apporter des éléments de réponse. Nous avons une responsabilité forte. Il faudra nous saisir du prochain projet de loi d'orientation et de programmation avant qu'il arrive devant notre commission. Je demanderai que l'exécutif tienne compte de la position consensuelle, voire quasi unanime, de la commission des affaires étrangères, sur la question de l'aide au développement.

L'avis d'Hubert Julien-Laferrière, le rapport de Bérengère Poletti et de Rodrigue Kokouendo et celui de Hervé Berville, tous ces documents, sans exception, s'inscrivent dans le même sens pour demander un pilotage accru, identifié, visible et lisible ainsi que des réformes de l'aide publique au développement. Nous avons beaucoup parlé de l'AFD, mais il faut repenser notre aide publique au développement dans sa globalité.

Nous allons connaître une augmentation budgétaire. Je salue la concrétisation de cet engagement fort du Président de la République, mais la qualité devra prolonger la quantité budgétaire. Peut-être serait-il utile de repenser notre aide au développement, notamment dans sa répartition. En Grande-Bretagne, le cinquième de l'aide publique au développement, soit plus d'un milliard d'euros, est géré par des ONG, contre à peine 3 % en France. L'AFD est-elle là pour faire ou pour faire faire ? Quand on est un opérateur fort et solide, n'est-il pas préférable parfois de faire faire par des ONG ? Nos questions ne se limitent pas au pilotage, au contrôle et à l'évaluation, elles portent sur la politique qui est conduite et sur sa substance.

Notre commission devrait défendre une façon de faire et penser l'aide publique au développement de manière plus décentralisée. Notre politique devrait se fonder sur la confiance et passer par les ONG comme cela se pratique, par exemple, en Grande-Bretagne. Cela suppose des actions bilatérales plus nombreuses sans pour autant renier les aides multilatérales, plus de dons et pas uniquement des prêts, une priorisation et une hiérarchisation des priorités.

Parce que cela n'est jamais fait, je souhaite que nous abordions la répartition de l'aide publique. La Grande-Bretagne est exemplaire du point de vue de sa coopération et de son aide au développement, parce qu'elle fait faire par un comité de pilotage, elle ne fait pas tout. C'est une bonne chose que l'AFD prenne de l'ampleur en absorbant Expertise France, qui deviendra un opérateur d'importance. Cet opérateur a-t-il vocation à tout assumer par lui-même, ou bien à « faire faire » ? De ce point de vue, je crois davantage à des délégations, à des coopérations, au « faire-faire » ; la manière de procéder en Grande-Bretagne est préférable à ce qui se pratique en France. Telles sont les questions en suspens.

Notre commission doit être entendue dans le cadre du futur projet de loi d'orientation et de programmation avant qu'il ne soit décidé. Nous l'amenderons, nous ferons notre travail de parlementaire. Je demande que nous participions à la phase cruciale d'élaboration de la loi afin de peser sur la substance de cette loi de programmation et d'orientation.

Par ailleurs, nous demandons un comité de pilotage politique identifié, soit sous la responsabilité du Premier ministre, comme Hervé Berville l'a proposé, soit sous la forme d'un ministère du développement. Ces questions doivent être posées.

Enfin, une fois définies les politiques publiques et repensée l'aide au développement qui, selon moi, doit être transformée en partie en conservant le meilleur et peut-être en améliorant le reste, il faudra renforcer, voire faire exister l'évaluation et le contrôle du Parlement. Disons la vérité des choses : aujourd'hui, le Parlement n'évalue et ne contrôle rien. J'ai été très heureuse de constater que M. le rapporteur et moi-même étions exactement sur la même ligne de pensée. Il s'agit de bon sens. D'ailleurs, tous au sein de cette commission partagent la même expertise sur ce contrat d'objectifs et de moyens.

Il nous faut des COM qui soient d'une nouvelle génération, sérieux, élaborés avec nous et pas seulement dans un bureau, je ne sais où, dans un ministère. Il nous faudra y participer en amont et pas uniquement en aval. Si le contrat devait passer à quatre ans, une évaluation annuelle et un contrôle permanent s'avéreront indispensables.

Les parlementaires membres du conseil d'administration devront exercer cette évaluation et ce contrôle permanent en liaison avec nos rapporteurs : soit nos rapporteurs pour avis budgétaire, soit ceux qui sont saisis des COM. Un travail d'évaluation et de contrôle nous attend et nous allons devoir prendre nos responsabilités.

Voilà résumée la position que nous pourrions porter. Je suis d'accord avec M. le rapporteur pour étudier la position du Sénat. Sa proposition va dans le bon sens. Il est important d'assortir nos votes des réserves que nous venons d'exprimer.

Monsieur Goasguen, la commission des affaires étrangères n'est pas saisie du traité parlementaire franco-allemand car la préparation de ce traité a relevé d'un groupe de travail spécifique co-présidée par la Présidente de la Commission des affaires européennes et dans lequel siège un représentant de chaque groupe parlementaire. Ce groupe de travail a élaboré un texte. À diverses reprises, j'ai demandé au président de l'Assemblée que nous y soyons associés. Nous pourrons nous saisir prochainement de ce texte en cours de finalisation. Pour le dire diplomatiquement, la façon de travailler n'est pas optimale. Il est prévu que tout cela débouche sur une résolution au titre de l'article 34-1 de la Constitution, autrement dit non amendable en séance, mais dont le projet peut être modifiée jusqu'à la présentation au Gouvernement.

M. Sylvain Waserman est membre de ce comité de travail ; je lui laisse la parole.

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