Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mercredi 14 novembre 2018 à 16h30
Commission des affaires européennes

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

L'agroécologie, madame de Courson, restera, tant que je serai à ce ministère, l'orientation principale de la nouvelle agronomie, et c'est de la montée en gamme. Mais ça ne suffit pas. J'ai évoqué la transition sanitaire, qui répond à une demande de plus en plus pressante de nos concitoyens. J'ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit sur la nécessité de réconcilier l'agriculteur et le citoyen, car ils sont voisins. Ce n'est pas possible que le voisin vienne dire au paysan : « Tu empoisonnes mes enfants. » On ne peut pas continuer comme cela, il faut à la fois réconcilier l'agriculture et la société, l'agriculture et le citoyen, et, de fait, l'urbain et le rural. Il y a désormais dans nos campagnes davantage de citoyens non paysans que de citoyens paysans, et ils ne se comprennent pas toujours.

La montée en gamme s'entend à plusieurs niveaux. Les labels, les signes de qualité, SIQO et autres, sont indispensables, mais il n'y a pas que cela. Je n'oppose jamais l'agriculture conventionnelle et le bio : la montée en gamme se fait dans le bio mais aussi dans le conventionnel, où beaucoup d'efforts sont déployés. La montée en gamme se fait également en utilisant moins de pesticides ; or, de ce côté-là, ce n'est pas gagné : nous en sommes au troisième plan Écophyto et nous nous apercevons que, ces trois dernières années, plus de produits phytopharmaceutiques ont été vendus que pendant les trois années antérieures. Nous sommes donc en situation d'échec.

La montée en gamme, cela consiste aussi à ne pas laisser au bord du chemin des agriculteurs, seuls face à leurs vendeurs, et c'est pourquoi la loi EGALIM prévoit la séparation du contrôle et de la vente. On ne peut pas laisser seul l'agriculture à qui l'on a appris, dans le passé, à produire et à traiter. La nouvelle génération apprend autre chose, mais je ne vais pas montrer du doigt celui qui a appris cela. Je veux l'inciter à changer.

La montée en gamme, cela suppose aussi de mieux surveiller les abattoirs : c'est ce que font nos services vétérinaires. Nous avons des élevages, je les défends ; chacun vit sa vie comme il l'entend, mais on a le droit de manger de la viande. Comme pour les marins-pêcheurs, on ne trouve plus personne pour travailler dans les abattoirs car ce sont des métiers très difficiles. La montée en gamme, c'est faire en sorte que nos abattoirs parviennent à l'excellence. C'est une amélioration des pratiques.

La montée en gamme, c'est aussi de faire en sorte que les paysans ne se suicident plus, qu'ils arrivent à vivre de leurs revenus ; c'est l'enjeu de la conversion et de l'organisation du prix et des marges. C'est aussi que les femmes d'agriculteur puissent avoir des congés de maternité, que des services de remplacement existent afin que les agriculteurs puissent partir en week-end.

Notre vision, c'est une agriculture qui produit mieux, respectueuse de l'environnement, en phase avec la société et les citoyens, qui met sur le marché des produits « secure », tracés et de qualité, avec de la valeur ajoutée à tous les niveaux, grandes surfaces, industriels, bien sûr, mais aussi le producteur. C'est tout le travail de la montée en gamme dans une interprofession. Nous aurons réussi quand on ne fera plus la différence entre les citoyens et les agriculteurs, car ils ont les mêmes parents ou grands-parents.

S'agissant de la ressource en eau, on ne peut pas continuer à regarder pleuvoir pendant six mois et passer les six autres mois à chercher de l'eau. La deuxième partie des assises de l'eau est lancée. Je souhaite que soit mise sur la table la possibilité de stocker de l'eau, sans grands barrages de type Sivens, car cela n'existe plus, les citoyens ne l'accepteraient pas, mais il est possible de pratiquer des retenues collinaires et d'autres systèmes. Les gens installent des réservoirs sous leurs chenaux pour avoir de l'eau qui leur permette d'arroser leur jardin, mais les paysans n'ont pas le droit d'arroser leurs champs ! C'est un réel problème. Avec le réchauffement climatique, l'agriculture française va devoir être une agriculture irriguée. Les agriculteurs utilisent aujourd'hui 30 % d'eau de moins qu'il y a quinze ans : cela aussi fait partie de la montée en gamme.

S'agissant du stockage du carbone, je pourrais, comme Stéphane Le Foll, vous parler des lombrics, qui ne travaillent pas trente-cinq heures mais vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Si nous voulons stocker du carbone, il faut des prairies avec des animaux qui broutent, il faut des assolements. La montée en gamme suppose de mettre au point de nouvelles pratiques que les jeunes doivent apprendre dans les lycées.

Monsieur Paluszkiewicz, je suis d'accord avec vous. C'est tout l'enjeu d'AP 2022. Je ne mets pas en cause le directeur de l'ASP, qui accomplit plutôt du bon travail, mais la Cour des comptes a raison : nous travaillons en silo, il n'existe pas de relation entre l'ASP et les DDT, cela se passe au niveau des DRAAF, alors même que l'ASP a des antennes régionales. Il faut travailler mieux, je ne peux vous en dire plus pour l'instant.

La mélasse de betterave est un sujet en cours de discussion au niveau interministériel. Je ne suis pas un grand spécialiste de la question mais cela dépend s'il reste ou non du sucre. En fonction du nombre d'extractions et de la présence de sucre ou non, ce n'est pas la même réponse. C'est en cours d'arbitrage.

Aucun débat ne doit être mis sous le tapis. S'agissant du problème de la méthanisation, en Allemagne il faut six mois pour mettre un méthaniseur sur pied, en France six ans. Ils ont moins de comités de défense. Pourtant, si nous voulons l'autonomie énergétique, cela passe par la méthanisation. Il faut trancher.

Sur les quotas laitiers, ceux qui étaient contre l'instauration des quotas laitiers étaient les mêmes qui se sont opposés à leur suppression. Nous en sommes finalement sortis. Je me souviens encore des débats sans fin sur les accords de Luxembourg. Il est possible de saisir le médiateur…

Si vous le souhaitez, vous pouvez prendre rendez-vous avec une personne de mon cabinet pour lui présenter le dossier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.