Intervention de Laurence Vichnievsky

Séance en hémicycle du vendredi 23 novembre 2018 à 15h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 35

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky :

Pardonnez-moi d'insister, madame la ministre, mais nous avons un désaccord de nature politique sur cet article. Aussi, à l'intention de mes collègues, je souhaite ajouter quelques éléments en faveur de cet amendement.

Je leur rappelle que la comparution en personne de l'accusé devant son juge relève de l'essence même de l'habeas corpus. Cette règle remonte au XVIIe siècle : elle faisait obligation aux geôliers anglais d'amener le prisonnier au juge, « corps présent », pour qu'il soit statué sur son sort. Je ne vais pas citer la formule latine, ce qui serait pédant, mais je souligne que l'Angleterre a maintenu cette règle, la visioconférence n'étant autorisée que pour l'audition des témoins qui se trouvent à l'étranger.

Les règles fédérales américaines relatives à la procédure criminelle, quant à elles, prescrivent la présence physique de l'accusé à chaque étape. Quant à la Cour fédérale de justice de Karlsruhe, considérant que la visioconférence est susceptible de fausser la conviction du juge et de déstabiliser les personnes entendues, elle subordonne le recours à cette technique au consentement de l'intéressé ; je crois nous devons entendre sa motivation.

J'entends les considérations pratiques en ce qui concerne l'outre-mer et d'autres situations, certes, mais ce recours doit rester tout à fait exceptionnel. Je crois que seules des considérations budgétaires pourraient militer en faveur du caractère obligatoire de la visioconférence. Néanmoins, nous l'avons dit tout à l'heure, la porte a été entrouverte et nous ne voulons pas qu'elle le soit encore plus. Malgré le légitime souci de préservation des deniers publics, je rappelle que notre pays est l'un des moins bien placés d'Europe au regard des dépenses consacrées à la justice et je ne peux pas me résoudre au déclassement de la France par rapport aux grandes démocraties en matière de libertés et de droits de la défense.

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