Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Séance en hémicycle du mardi 10 octobre 2017 à 15h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat sur l'avenir de l'union européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Le changement de perspective tient en une phrase : « L'Europe de demain sera politique ou ne sera pas. » Vous avez d'ailleurs clairement analysé cette situation, monsieur le ministre. La dichotomie entre l'Europe des échanges et l'Europe de la puissance, la distinction entre le doux commerce qui régit la vie des sociétés et le « dur désir de durer » qui domine la confrontation des puissances ont vécu, comme a vécu la frilosité française devant l'exigence de l'ouverture économique au monde et la pusillanimité allemande face au dumping chinois.

Le message d'Emmanuel Macron sur « l'Europe qui protège » est là : dans l'idée que, sur tous les plans, économique et commercial, technologique, culturel, civilisationnel, ce que nous sommes affairés à construire, c'est un ensemble géopolitique qui inspire au monde à la fois le respect du droit et l'autorité de la puissance ; l'Europe qui protège autant que l'Europe qui échange, l'Europe qui rayonne autant que l'Europe qui commerce, l'Europe des réalités autant que l'Europe des principes.

Ce retour en force de l'idée européenne, cet enrichissement nécessaire du projet, cette redécouverte de l'exigence politique, longtemps ignorée, et cette inscription de la volonté d'Europe au coeur de la diplomatie française, comment les hommes du centre, les démocrates sociaux, les sociaux-libéraux pourraient-ils ne pas y souscrire ?

Je voudrais toutefois, monsieur le ministre, madame la ministre, vous rendre attentifs aux deux risques principaux qui guettent aujourd'hui le projet présidentiel : l'embarras de richesses et le caractère diabolique des détails.

L'embarras de richesses, d'abord. Réaliser le quart de la moitié de ce que propose le Président de la République, c'est l'overdose garantie aux yeux des trotte-menu de l'Europe essoufflée que sont encore certains de nos partenaires, même si l'accueil a été favorable en Estonie, ainsi que vous l'avez indiqué, monsieur le ministre. Une inspiration si haute et si forte réjouit l'âme du militant européen que je suis, mais, en même temps, une ambition aussi multiforme effraie les prudents. Je ne voudrais pas que le grand dessein du Président Macron puisse être considéré comme l'oeuvre de Voltaire par Émile Faguet, à savoir comme un « chaos d'idées claires ».

Ce que l'Europe a réussi de mieux, c'est ce qu'elle a fait, jusqu'à présent, avec une arme simple : le calendrier – le calendrier qui permet de hiérarchiser, de sélectionner, d'échelonner. Nous attendons du Gouvernement qu'il dessine, en matière européenne, un parcours politique clair, précis et cohérent – vous en avez jeté les bases, monsieur le ministre – à partir, évidemment, des discours fondateurs du Président.

Sachons voir toutefois que la crédibilité des ambitions françaises est totalement indexée sur le courage avec lequel le Gouvernement conduira le redressement des finances publiques. Et, je dois le dire, il en faudra plus que l'actuel projet de loi de finances pour apaiser, notamment, une opinion allemande échaudée par des années de fausses promesses.

La deuxième chose à laquelle je vous invite à prêter attention est le risque permanent, dans l'Union européenne, de dégradation d'une bonne idée initiale en cauchemar pratique. J'en donnerais deux exemples. Le Président s'est prononcé, à juste titre, pour une Commission européenne réduite à quinze membres. Imaginez toutefois ce que serait une telle Commission si cette réduction était opérée, comme il est prévu par le traité, par le jeu d'une rotation égalitaire des suppressions de postes qui ferait que, cinq années sur dix, il n'y aurait pas de commissaire allemand ni français, tandis qu'il y aurait en permanence cinq commissaires balkaniques. Ce serait aberrant.

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