Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du vendredi 23 novembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 38

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Cet amendement vise à supprimer la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de la procédure pénale française.

Ce mode de jugement des délits constitue un maillon supplémentaire dans le dispositif visant à octroyer davantage de prérogatives au représentant du parquet au détriment du juge du siège, selon la même logique que la composition pénale et que la convention judiciaire d'intérêt public. Cette procédure d'alternative aux poursuites répond à un objectif clair : faire face à l'engorgement des juridictions correctionnelles, sans ménager les justiciables, tant prévenus que victimes. Cette disposition a été inventée dans une logique de gestion de flux, et pas au nom d'une idée de la justice. Son but n'est pas de rendre mieux la justice, mais de la rendre plus vite, plus vite, plus vite.

Mais la conséquence de cette mesure est d'avoir fait émerger un pouvoir quasi-juridictionnel au profit du parquet et dans un cadre de privatisation du procès pénal. En effet, la CRPC a pour objectif de gagner du temps dans le traitement des délits, en reléguant notamment au second plan la recherche de la vérité pour privilégier une logique de négociation.

Nous considérons que cette procédure, qui tend à se généraliser et à se banaliser, est profondément inégalitaire et injuste dans son application, car elle occulte une partie des droits de la défense en ce que le justiciable renonce au droit de la preuve et au droit au silence en admettant sa culpabilité. Le paroxysme de cette justice dégradée, c'est la pratique des CRPC déferrement dans le cadre desquelles, comme l'a montré le syndicat de la magistrature, les justiciables ne sont pas en mesure de donner un consentement éclairé, ce qui débouche souvent sur des peines d'emprisonnement ferme.

Enfin, il est important de noter qu'à ce jour, aucun bilan qualitatif effectué par les services du ministère de la justice n'est disponible. La doctrine universitaire n'a porté que sur les premières années d'application de la procédure. Dès lors, sur la mise en oeuvre concrète de la CRPC, il n'existe aucun état des lieux exhaustif et récent, alors qu'il apparaît que, sur le terrain, des pratiques très divergentes coexistent, y compris dans des juridictions de taille similaire.

Nous regrettons qu'aucune réflexion ne porte sur une possible révision de la CRPC et de la comparution immédiate, en vue d'instaurer une procédure exceptionnelle d'orientation pénale où l'audience sur déferrement serait limitée à la « mise en état » et à d'éventuelles mesures de sûreté.

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