Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du lundi 26 novembre 2018 à 16h05
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le projet de loi de finances rectificative pour 2018 a été adopté en conseil des ministres il y a quinze jours, le 7 novembre. Le calendrier de ce « PLFR flash » – différent du « PLFR blitz » de l'an dernier – est resserré mais, je le maintiens, compatible avec l'objet limité de ce texte. Conformément à l'engagement pris par le Gouvernement, il contient uniquement des dispositions budgétaires ou des dispositions qui doivent obligatoirement figurer en loi de finances rectificative, en application des règles de la LOLF. Il se limite ainsi à neuf articles et ne comporte aucune disposition fiscale. C'est la raison pour laquelle je me suis opposé en première lecture à tous les amendements portant des mesures fiscales : je considère qu'il s'agit de cavaliers car, à mon sens, ils n'ont pas de lien, même indirect, avec le projet de loi. J'ai observé que le rapporteur général de la commission des finances du Sénat avait adopté la même attitude et je m'en réjouis.

Il ne faut pas confondre la catégorie organique des lois de finances rectificatives, dont le domaine est défini par la LOLF et autorise l'inclusion possible de dispositions fiscales, et la loi de finances rectificative effectivement déposée qui, en l'espèce, ne comportait, à l'origine, aucune disposition fiscale et qui se trouve soumise, comme toutes les lois, au premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, qui prohibe les cavaliers législatifs. Ce PLFR flash permet, pour la première fois depuis 1985, d'éviter qu'un décret d'avance ne soit pris pour réaliser les ajustements budgétaires en cours ou en fin de gestion, sans autorisation parlementaire. C'est un progrès notable pour les droits du Parlement.

Cela implique de promulguer le PLFR au tout début du mois de décembre, afin de garantir le versement des payes de décembre, dont la préliquidation intervient au début du mois. Le projet a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale le 13 novembre. Le Sénat, lors de sa séance du 19 novembre, après avoir adopté sans modification les quatre premiers articles du projet de loi, a cependant rejeté l'article d'équilibre, ce qui a entraîné automatiquement le rejet de la première partie du PLFR et, par conséquent, du texte en son entier. Pourtant, lors de la réunion de la commission des finances du Sénat, le rapporteur général avait indiqué que son interprétation générale était positive et qu'il n'avait pas de raison d'être en désaccord avec ce PLFR. Il a ainsi proposé une abstention. Or, en séance publique, à la suite du vote défavorable émis par des groupes en désaccord avec la politique conduite par le Gouvernement, c'est le rejet qui a prévalu.

La commission mixte paritaire, qui s'est réunie mardi dernier, n'a pu que constater qu'elle ne pouvait parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion. C'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui pour un examen en nouvelle lecture. La commission des finances s'est réunie jeudi dernier pour examiner dix-neuf amendements ; dix-huit ont été rejetés et un, retiré. Parmi ces dix-neuf amendements, un seul était nouveau, les dix-huit autres ayant déjà été vus et rejetés en première lecture. Les débats ont donc été assez brefs en commission, et nous avons adopté le projet de loi sans modification, conformément au vote intervenu à l'Assemblée en première lecture.

Je serai moi-même assez bref. Je voudrais cependant dire un mot de deux sujets qui ont émergé durant les débats : le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » et le financement des opérations extérieurs et des missions intérieures du ministère des armées – les OPEX et les MISSINT.

L'article 2 prévoit de réaffecter au budget général environ 600 millions d'euros du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, TICPE. Je regrette les exploitations politiciennes de cet ajustement technique qui ont été relayées par la presse. Il a été affirmé à tort que 600 millions d'euros ont été retirés à la politique de transition énergétique. Or l'ajustement dont il est question n'affecte en rien le montant des sommes qui y sont consacrées ; il n'a ni pour objet ni pour effet d'améliorer le solde budgétaire de l'État. Un tel ajustement a lieu chaque année en loi de finances ou en loi de finances rectificative, sans que cela ait suscité jusqu'à présent la moindre polémique. Et pour cause, il vise simplement à allouer au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » un montant conforme à son objet, qui est limité par la loi.

Pour rappel, ce compte ne finance qu'une partie de la transition énergétique, relative aux obligations de rachat de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables, en conformité avec une délibération de la Commission de régulation de l'énergie – CRE – votée chaque année. Je suggère d'ailleurs de changer son nom dans le prochain projet de loi de finances, pour éviter ce genre de malentendu. Comme chaque année, le Gouvernement a proposé d'ajuster les recettes du compte d'affectation spéciale au montant des dépenses résultant de la dernière délibération de la CRE, en date du 12 juillet 2018. Ne pas procéder à cet ajustement n'aurait aucun impact sur le solde budgétaire de l'État, car le surplus de recettes ne pourrait, en tout état de cause, pas être dépensé : les dépenses du compte d'affectation spéciale étant normées et contrôlées par la CRE, l'absence d'ajustement aurait simplement eu pour effet de constater un excédent non dépensé sur le compte.

Un dernier mot sur le financement des OPEX et des MISSINT. Tout le monde convenait que l'ancienne règle de solidarité interministérielle de financement des OPEX ne contribuait pas à la sincérité budgétaire. La provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures doit être mieux calibrée ; c'est ce que prévoit la loi de programmation militaire, et je m'en réjouis. L'accent doit être mis sur la sincérité de la budgétisation initiale, comme le prévoit la loi de programmation des finances publiques, qui, permettez-moi de le dire, doit primer sur ce point. Celle-ci a introduit un principe d'auto-assurance qui permet de limiter aux seules situations exceptionnelles les ajustements susceptibles d'affecter en cours d'année les plafonds définis par mission. C'est ce principe, monsieur le ministre, que le Gouvernement a appliqué dans ce PLFR pour la mission « Défense ».

Vous avez, par ailleurs, confirmé à la représentation nationale que les annulations prévues n'auront aucune conséquence sur les livraisons de matériels pour nos armées. Au nom de ce même principe d'auto-assurance, le ministère des armées ne contribue pas, contrairement aux années précédentes, au financement des autres ministères en fin de gestion. Les moyens consacrés à la défense ont ainsi été préservés. Auparavant, les décrets d'avance prévoyaient, pour financer les OPEX, un financement interministériel, moyennant, dans le même temps, un prélèvement sur la réserve de précaution du ministère des armées pour financer d'autres politiques.

Il est sain d'avoir mis un terme à ces pratiques critiquées de toutes parts. Pour avoir été le premier à m'en inquiéter en commission, je comprends ceux de mes collègues qui ont demandé des explications sur ce sujet.

Toutefois, quand des réponses cohérentes sont apportées et que la sincérité de la loi de finances s'améliore, il faut s'en féliciter. C'est pourquoi, mes chers collègues, je soutiens sans réserve ce projet de loi de finances rectificative, que je vous invite à voter, à l'instar de la commission des finances, dans le texte adopté par notre assemblée en première lecture.

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