Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du lundi 26 novembre 2018 à 16h05
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Nous arrivons à la fin du marathon budgétaire et, monsieur le ministre, je reconnais bien volontiers que, contrairement à ce qu'il en fut lors du précédent quinquennat, un effort de « sincérisation » des comptes a été fourni, notamment en ce qui concerne les OPEX, élément le plus visible de cette insincérité. L'année dernière, l'écart par rapport à la prévision a été de plus de 1 milliard d'euros, ce qui est considérable ; entre 2017 et 2019, vous prévoyez de doubler la provision, passant de 450 millions d'euros à 1 milliard – 950 millions si l'on ne tient pas compte des opérations de sécurité intérieure. C'est là, évidemment, une bonne chose.

J'en profite pour faire un peu d'« archéologie politique » pour tempérer votre tendance à considérer que rien n'a été fait depuis trente ans et que tout a commencé il y a dix-huit mois. En réalité, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, celui que je connais le mieux, la provision des OPEX avait fortement augmenté, comme peut le confirmer mon collègue François Cornut-Gentille. En 2007, la provision couvrait 53 % seulement du coût réel des OPEX ; lorsque Nicolas Sarkozy a quitté le pouvoir, en 2012, la couverture atteignait 72 %. Cette opération de sincérité, qui ressemblait assez à celle que vous menez, non seulement a été arrêtée mais s'est effondrée sous la présidence de François Hollande, la provision ne couvrant plus, à la fin de son quinquennat, que 46 % du coût total.

En 2018, vous avez provisionné 57 % du coût réel des OPEX. En 2019, si le coût des OPEX reste constant à 1,3 milliard d'euros, la provision couvrira 73 % du coût réel des OPEX et sera au même niveau que lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Je ne peux que m'en réjouir, même si je regrette que cet effort ait été interrompu entre 2012 et 2017.

En revanche, il est dommage que la solidarité interministérielle ne puisse plus jouer pour financer les dépassements des OPEX, comme c'était le cas auparavant. Cette solidarité interministérielle fait pourtant partie de nos grands principes et elle est, en particulier, inscrite dans la loi de programmation militaire, qu'il importe que vous respectiez. Qu'une partie de ces dépenses soit prise en charge par les autres ministères et par le ministère de la défense lui-même, à proportion de ses propres réserves, a un sens républicain. Il faut vous y tenir. Car augmenter les crédits de la défense pour, d'une certaine façon, les reprendre en changeant les règles, serait une très mauvaise manière faite à la défense nationale.

Je dirai, pour finir, quelques mots sur le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ». Comme le rapporteur, je juge que la gestion de ce compte ne pose aucun problème puisque 600 millions d'euros, qui n'ont pas été dépensés, ont été rendus au budget général. Je pense aussi que ce compte d'affectation spéciale porte mal son nom, car il n'est pas l'alpha et l'oméga de la transition énergétique.

Cela étant, vous l'admettrez, le moment est mal choisi : décider que 600 millions d'euros n'iront pas, de manière visible du moins, à la « transition énergétique » alors que monte, hors de cet hémicycle, un mouvement de fronde ou du moins de colère de la part de nombreux Français, est assez maladroit. Les choses tombent peut-être mal, mais il faut parfois savoir les rectifier politiquement.

Vous avez voulu faire de ce PLFR une sorte de « super décret d'avance », alors que souvent les PLFR étaient utilisés pour rectifier des erreurs, ce qui n'était pas si mal compte tenu de la rapidité avec laquelle le PLF doit être arrêté. Vous auriez pu utiliser ce PLFR pour rectifier les erreurs qui avaient été faites sur la fiscalité énergétique. En particulier, les tensions que connaît le pays auraient pu vous amener à geler la trajectoire de la fiscalité carbone, ainsi que nous vous y avions incité, et à vous faire adopter une trajectoire moins brutale pour les années qui viennent. Tel n'a pas été votre choix et je le regrette. Mais peut-être aurons-nous ce débat lors de la seconde lecture du PLF.

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