Intervention de François Cornut-Gentille

Séance en hémicycle du lundi 26 novembre 2018 à 16h05
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille :

À l'époque, cette suppression de crédits s'expliquait par la très forte pression de Bruxelles sur la France ; aujourd'hui, rien de tel ne peut venir justifier votre choix, et vous avez donc recours à cet enfumage comptable et budgétaire, pour reprendre les mots du général de Villiers, afin de renier votre propre parole.

Le second problème politique posé par votre décision est celui de notre crédibilité présente et future en matière de défense. La loi de programmation militaire adoptée par votre majorité vise à redonner à nos armées leurs pleines capacités d'intervention. Un effort budgétaire important y est inscrit à cet effet. De l'aveu même du chef d'état-major, ce réel effort n'est cependant que le strict minimum pour permettre aux armées d'accomplir les missions qui leur sont assignées. Il comporte notamment une marche budgétaire de 3 milliards d'euros en 2023, que chacun sait extrêmement ambitieuse et difficile à atteindre.

Avec cette nouvelle entaille de 400 millions d'euros, vous fragilisez tout l'édifice de la LPM dans son ensemble et sur la durée. En effet, cette amputation va se répéter dès l'année prochaine, année durant laquelle le financement des OPEX, inscrit à hauteur de 850 millions d'euros, nécessitera une rallonge de plusieurs centaines de millions. Il en sera de même en 2020 et par la suite, malgré une meilleure budgétisation. Dans ces conditions, il est certain que le ministère des armées devra toujours et encore remettre la main à la poche.

D'ici à 2022, ce seront ainsi bien plus d'un milliard d'euros qui vont manquer pour moderniser les équipements, car, comme le souligne le rapporteur général avec les compétences et l'honnêteté qu'on lui connaît, les annulations de crédits du programme 146 pour financer les OPEX « donneront lieu à un report des commandes prévues sur le prochain exercice » – je lis son rapport. De report en report, nos armées subiront mécaniquement une dégradation de leurs capacités d'engagement.

Après la coupe de 2017, et si nous biaisons dès 2018, que dire de notre crédibilité pour franchir la marche de 3 milliards d'euros en 2023 ? La vérité est que, dans un édifice déjà extrêmement fragile, ces 400 millions ouvrent une brèche immense. La LPM est déjà morte.

En conséquence, j'invite mes collègues de la majorité à bien mesurer la portée de ce texte s'il était adopté tel quel. Car l'enjeu n'est pas de bonne gestion, comme le prétend la technostructure ; l'enjeu caché réside dans le rapport de forces entre Bercy et le ministère des armées. Avec ce texte, Bercy tient la revanche recherchée depuis des années, au risque de la trahison de la parole donnée et de l'affaiblissement de notre défense.

Monsieur le ministre, je vous comprends très bien, même si je vous combats, mais vous, mes chers collègues de la majorité, ne vous engagez pas dans cette querelle qui ne vous concerne pas ! Ménager la susceptibilité de Bercy n'est pas votre affaire. Respectez tout simplement les engagements du Président de la République et de la LPM. Vous le devez à nos militaires, et le débat public, comme votre conscience, n'en iront que mieux !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.