Intervention de Nathalie Loiseau

Séance en hémicycle du mardi 10 octobre 2017 à 15h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat sur l'avenir de l'union européenne

Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous remercier pour ce débat qui a permis une expression aussi libre que complète de notre vision de l'avenir de l'Union européenne. Je reviendrai sur plusieurs des sujets que vous avez soulevés, mais je crains de ne pouvoir tout traiter dans le temps qui m'est imparti. Je resterai bien évidemment à la disposition des membres de la représentation nationale pour approfondir le dialogue, comme je le fais depuis ma nomination en particulier, mais sans exclusive, avec la commission des affaires européennes, dont je salue ici l'engagement.

Mesdames et messieurs les députés, plusieurs d'entre vous ont exprimé, sur l'Union européenne comme elle fonctionne ou comme les autorités françaises souhaiteraient qu'elle soit refondée, non seulement des encouragements mais aussi des critiques. Soyez remerciés des uns et des autres car certaines critiques sont, à l'évidence, légitimes.

Oui, l'Union européenne est parfois trop bureaucratique et trop peu démocratique. Ces critiques doivent être entendues et prises en compte dans les efforts que nous déployons pour une refondation ambitieuse de l'Europe. En revanche, je voudrais réaffirmer ici avec force – et si je le pouvais de là où je parle, je regarderais évidemment le drapeau européen en le disant – : le Gouvernement a fait le choix de porter, à la suite du Président de la République, et comme le souhaite Jean-Louis Bourlanges, une véritable ambition pour l'Europe.

Le Président de la République l'a clairement souligné à la Sorbonne : c'est en refondant l'Europe que nous retrouverons, en la partageant, notre pleine souveraineté. C'est à l'échelle de l'Europe que nous serons les mieux armés pour relever les défis des migrations, des mutations technologiques, du dérèglement climatique ou encore du terrorisme.

Ne réinventons pas le passé : nous partageons notre souveraineté depuis le début du projet européen. Il n'y a pas, et c'est heureux, une seule politique publique nationale qui ne comporte aujourd'hui un minimum de concertation européenne. Assumons-le, faisons-le de façon plus efficace, plus ouverte et plus transparente : nous serons plus forts ensemble.

Soyez assurés que nous le ferons également sans naïveté. Nous demandons à nos partenaires et à la Commission, madame la présidente de Sarnez, une réforme de la politique commerciale de l'Union, laquelle doit être plus transparente et plus équilibrée, et doit également mieux associer les parlements nationaux, comme vous l'appelez de vos voeux, madame Karamanli.

Jean-Yves Le Drian vous a présenté les lignes de force du discours du Président de la République à la Sorbonne le 26 septembre. Une dynamique s'est mise en place : l'appel lancé par le Président de la République a eu un écho très important dans les opinions publiques comme auprès des membres du Conseil européen qu'il a rencontrés le 28 septembre.

Nous devons faire vivre cette dynamique et en conserver l'ambition : rien ne serait pire que de nous contenter d'un catalogue de mesures qui risquerait de se réduire petit à petit. C'est pour cette raison qu'il était essentiel qu'à Tallinn les chefs d'État et de gouvernement s'accordent sur la nécessité de refonder l'Europe, ce qu'ils ont fait – madame Le Grip, j'espère vous rassurer sur ce point.

Pour la même raison, nous devions démontrer qu'il s'agissait non d'une préoccupation française mais d'une cause européenne : le fait que le Président du Conseil européen Donald Tusk ait été mandaté pour présenter dans les prochains jours une feuille de route européenne, qui a vocation à porter notre vision, est fondamental et répond à ceux qui essayaient d'opposer notre approche à l'approche communautaire.

Oui, nos objectifs sont ambitieux et oui, sans doute, tous ne pourront pas être atteints tout de suite à vingt-sept. Ceux qui veulent aller plus loin plus vite doivent pouvoir le faire sans en être empêchés. Mais les travaux que nous préparons sont ouverts à tous, monsieur Dumont, avec pour seul critère un niveau d'ambition partagé.

Tous les États qui adhèrent à cette volonté pourront participer au « groupe de la refondation européenne », avec bien entendu les institutions européennes. D'ici à l'été 2018, ce groupe travaillera pour préciser et proposer les mesures qui traduiront concrètement cette ambition. Il devra notamment déterminer, pour chaque politique et sans tabou, compte tenu des avancées qu'un nombre significatif d'États envisage, s'il est possible d'avancer à vingt-sept, si un changement de traité est nécessaire, si, à traité constant, il peut être utilisé une coopération renforcée ou la coopération structurée permanente dans le domaine de la défense – que vous avez évoquée monsieur Anglade et madame Saint-Paul – , ou s'il faut envisager dans un premier temps des coopérations intergouvernementales.

Tous ces instruments existent et ils ont tous été utilisés dans le passé, comme ce fut le cas pour Schengen ou encore pour le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Nous voulons le faire dans un esprit résolument européen, en donnant envie à tous nos partenaires d'avancer avec nous.

Parallèlement, nous devons aussi préserver le fondement de ce que nous partagerons toujours, à vingt-huit aujourd'hui, à vingt-sept demain. Je pense bien entendu non seulement au marché unique mais aussi à l'État de droit. J'espère que ces indications répondront aux remarques formulées par M. Mendes. Sur l'État de droit, à l'évidence, dans une Europe refondée, nous devrons disposer d'instruments plus efficaces pour assurer son respect au sein de l'Union européenne elle-même, en veillant à ce que la cohésion de notre Union soit une cohésion autant démocratique qu'économique ou budgétaire.

S'agissant de l'État de droit, je n'oublie pas, bien entendu, l'importance du Conseil de l'Europe que vous avez mentionné à juste titre, madame Trisse, alors que la France présidera le comité des ministres de cette organisation en format « droits de l'homme » de novembre 2018 à mai 2019.

Plusieurs orateurs se sont exprimés – comme vous, madame la présidente Thillaye – sur les conventions démocratiques. Je souhaite y revenir, car ces conventions joueront un rôle essentiel pour que la refondation de l'Europe, que nous appelons de nos voeux, puisse se réaliser.

Soyons clairs : nous ne pourrions atteindre nos objectifs – certains ont relevé qu'ils étaient ambitieux, n'est-ce pas, monsieur Bourlanges ? – s'ils ne suscitaient que l'indifférence des Européens et d'abord, en ce qui nous concerne, des Français. Il serait absurde de vouloir refonder l'Europe sans eux ou en se contentant de leur demander d'exprimer un avis simpliste, résumé par un « oui » ou par un « non », à l'issue d'un long processus de négociation. Au contraire, nous voulons donner la parole aux Français et, au-delà, aux Européens, les écouter et leur donner l'occasion de dire sur quels sujets l'Europe répond à leurs attentes, les déçoit, dans quels domaines elle manque d'ambition et ce qu'ils voudraient qu'elle puisse faire pour eux. J'espère répondre ainsi à l'intervention de Mme Gomez-Brassac.

Jean-Yves Le Drian vous a présenté les grandes lignes du dispositif : des débats publics, à Paris et dans les territoires, physiquement comme en ligne, dans les institutions mais aussi dans les universités, les lieux de culture, les entreprises, les associations, avec tous ceux qui voudront s'exprimer, des fervents partisans de l'Europe aux eurosceptiques affirmés – nous en avons entendu quelques-uns, certes minoritaires, dans le débat d'aujourd'hui – , car l'Europe nous concerne tous. Nous envisageons que les conventions démocratiques se tiennent au cours du premier semestre 2018, avec les pays qui le souhaiteront, en trouvant le bon équilibre entre une démarche de principe commune et une dose nécessaire de flexibilité pour chaque État membre.

Je voudrais maintenant répondre brièvement à quelques-unes des interventions qui ont concerné des sujets plus sectoriels.

Madame Grandjean, vous avez souligné l'importance d'une régulation plus exigeante du régime des travailleurs détachés. J'abonde dans votre sens. Vous savez que le Gouvernement est pleinement engagé en faveur d'une révision de la directive sur les travailleurs détachés et des aspects pertinents des règlements sur la Sécurité sociale. Il ne fait aucun doute, monsieur Mélenchon, monsieur Chassaigne, que nous sommes déterminés à lutter contre le dumping social au sein de l'Union européenne.

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