Intervention de Fabien Veyret

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 9h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Fabien Veyret, responsable transition énergétique de France nature environnement (FNE) :

Madame la présidente, je vous remercie de votre invitation. Je suis responsable bénévole des politiques énergétiques de la fédération France nature environnement, qui regroupe 3 500 associations de protection de la nature et de l'environnement.

Monsieur le rapporteur, vous évoquiez la question du manque de vision sur la transition énergétique. Un manque de vision partagée et surprenante puisque, outre la COP21, cette question a fait l'objet d'un débat national, préalable à l'adoption de la loi et, plus récemment, un rapport a été rendu par le groupe « G400 Énergie » sur le thème de l'appropriation de la question de la transition énergétique.

L'attente de la société vis-à-vis de la transition énergétique devrait plutôt nous rassurer sur les conditions de réussite. Néanmoins, il est vrai que la mise en oeuvre de cette transition ne se retrouve pas sur la trajectoire observée.

L'enquête « Travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles », menée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), et qui est le préalable à toute transition énergétique, indiquait que les trois quarts des travaux réalisés n'ont pas permis d'atteindre le gain d'une classe énergétique au diagnostic de performance énergétique (DPE). Ce premier pilier de la transition, nous le constatons, ne répond pas aux objectifs. Nous constatons également que les consommations d'énergie peinent à baisser et que les énergies renouvelables ont du mal à se développer depuis l'adoption de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Le pendant de ce constat est la question du suivi et de l'évaluation. Anne Bringault a prévu de vous distribuer un document relatif aux résultats pour 2017, mais la grande difficulté reste la mise en place d'un suivi de la transition énergétique, que nous appelons de nos voeux depuis l'adoption de la loi.

En effet, la loi nous fixe un certain nombre d'objectifs à moyen et long termes, mais nous ne disposons pas d'outil partagé nous permettant de savoir, aujourd'hui, où nous en sommes. Par exemple, comment faisons-nous pour partager l'objectif de rénovation de l'ensemble du patrimoine bâti au label « Bâtiment basse consommation » ? Comment s'assurer que nous pouvons y parvenir et, sinon, comment corriger les politiques – ce qui est l'objet de votre travail aujourd'hui ?

La place des territoires est également une question importante. Certes, la loi de 2015 donne une place importante aux collectivités, mais où en sommes-nous dans les différentes politiques territoriales, que ce soit à l'échelle régionale ou des EPCI avec les différents plans « climat-air-énergie » territoriaux ?

Alors, nous demandez-vous, quelles sont les pistes pour agir ? Avant même d'évoquer ces pistes, il conviendrait avant tout d'agir sur les consommations d'énergie. Nous devons envoyer un signal fort pour la rénovation, notamment énergétique, le secteur du bâtiment représentant 40 % de nos consommations. Assouplir la réglementation relative à la construction, notamment dans le cadre de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), aura pour effet de déstabiliser le travail qui a été commencé et la structuration en cours des professionnels, pour répondre justement à ces besoins de travaux efficaces et performants.

Par ailleurs, pour engager les travaux de rénovation, les foyers ont besoin d'être accompagnés. Je lisais hier un sondage récent sur la méconnaissance des aides financières mobilisables : 78 % des personnes ne les connaissent pas ! Certes, il existe le travail historique des espaces Info Énergie, mais le réseau « Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique » ne peut se substituer au service public de l'efficacité énergétique dont la loi prévoit la mise en place, et qui doit délivrer des conseils neutres et gratuits.

Même si elles sont peu connues, les aides financières existent. Elles doivent concourir à la réalisation de travaux de rénovation de façon globale et performante – peut-être selon un principe de progressivité des niveaux d'intervention en fonction de la performance globale après rénovation. Cela veut dire, concrètement, éviter les aides financières pour les simples remplacements de fenêtres, les gains énergétiques étant très faibles.

L'une des pistes est la lutte contre la précarité énergétique. La transition énergétique doit être juste et solidaire et ne doit pas concourir à aggraver les situations de difficulté. Nous sommes toujours dans l'attente de l'intégration d'un réel critère de décence dans la caractérisation énergétique des logements. Se borner à énoncer le critère de performance énergétique ne suffit pas : sans critère chiffré, il est impossible de procéder à une évaluation.

Derrière cette question, il y a celle de l'amélioration du repérage des foyers en difficulté pour les orienter vers les dispositifs adaptés : comment, dans l'attente de la mise en oeuvre de cette transition énergétique, leur proposer des dispositifs transitoires de soutien, à l'image du chèque énergie qui répond aux besoins des foyers ?

Le préalable au développement des énergies renouvelables est le règlement de la question de la part du nucléaire, notamment au regard du retour d'expérience relatif à la centrale de Fessenheim. Il faut se doter d'une feuille de route précise pour accompagner les territoires et les transitions professionnelles nécessaires à la réduction de la part du nucléaire.

Enfin, s'agissant des territoires qui se sont engagés dans des démarches obligées, que ce soit dans le cadre d'un schéma régional climat-air-énergie, d'un schéma régional d'aménagement de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), d'un PCAET, ou dans des démarches volontaires telles que les « territoires à énergie positive » ou le dispositif Cit'ergie, la question des moyens se pose.

Au-delà de la mise en oeuvre de la loi, nous devons tenir compte de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), puisque vous avez adopté, cet été, des dispositions relatives au transfert de la compétence « eau et assainissement » aux EPCI et décalé dans le temps, pour les EPCI les plus petits et les communautés de communes, cette prise de compétence. Cela traduit la difficulté pour les intercommunalités, qui sont les acteurs premiers de cette transition énergétique, à faire face à l'ensemble de leurs compétences nouvelles. Des outils financiers adaptés sont nécessaires.

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