Intervention de Jean-Baptiste Lebrun

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 9h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Jean-Baptiste Lebrun, directeur du CLER-Réseau pour la transition énergétique :

Je vous remercie, madame la présidente, de nous avoir invités à participer à cette mission d'information parlementaire. Le CLER est un réseau composé de quelque 300 acteurs professionnels, spécialisés et engagés dans la transition énergétique. Plus de la moitié des adhérents sont des collectivités, engagées dans des dynamiques de TEPOS, mais nous comptons également des entreprises, qu'il s'agisse d'artisans de la rénovation, d'installateurs-développeurs d'énergies renouvelables, d'associations ou d'acteurs citoyens.

J'essaierai de répondre à vos questions en développant quatre axes.

Premièrement, les freins financiers. L'Institute for Climate Economics (I4CE) a réalisé un remarquable panorama des financements climat en France, qui montre qu'en 2017, quelque 32 milliards d'euros de financements privés et publics ont été dédiés à la transition énergétique, alors que le double serait nécessaire. Ce qui devrait en découler économiquement, c'est la nécessité de rendre économiquement non rentables les sources d'énergie dont nous devons nous passer, en pénalisant le carbone, les émissions, la pollution. Il est donc extrêmement important de tenir le cap sur la fiscalité, notamment pour la contribution climat-énergie.

Par ailleurs, il conviendrait d'exclure les dépenses d'investissement, y compris en fonctionnement, des règles d'or budgétaires, que ce soit au niveau international, européen, national ou local, d'autant que l'encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités décidé par le Gouvernement peut être un frein notable à certains projets territoriaux de transition énergétique.

Je vais prendre un exemple. Une collectivité de l'Ouest rhodanien cherche à développer une unité de méthanisation rentable économiquement mais qui, mécaniquement, provoque une hausse des coûts de fonctionnement, puisqu'il s'agit d'une unité industrielle. Ce projet ne pourra se faire en régie, alors même qu'il est pertinent énergétiquement et rentable économiquement.

Il conviendrait également d'orienter la finance privée vers la transition énergétique et de veiller à l'efficacité des outils financiers, notamment publics. Le recours au Fonds chaleur, sous la forme d'avances remboursables, pèse en fait sur la rentabilité des réseaux de chaleur fonctionnant aux énergies renouvelables et constitue un frein à leur développement.

Les freins réglementaires ont été en grande partie évoqués par M. Veyret, en particulier en ce qui concerne le bâtiment : des débats sont en cours sur la réglementation thermique ou environnementale et la loi ESSOC. J'irai un peu plus loin sur l'obligation de rénovation, qui nous semble être un pas à franchir : on en parle depuis le Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire depuis plus de dix ans. Il est temps de l'appliquer progressivement à tous les bâtiments, en vue d'une massification des rénovations performantes.

S'agissant de l'éolien, la France a certainement le potentiel, maritime comme terrestre, le plus important d'Europe, mais l'implantation d'éoliennes est interdite sur plus de la moitié du territoire, notamment en raison des contraintes liées au fonctionnement des radars. Or, tous nos voisins européens, qui ont certainement des contraintes équivalentes, ont réussi à faire beaucoup mieux que nous !

La question de la gouvernance me semble être aujourd'hui l'un des noeuds du problème, notamment du fait de la centralisation des décisions. Les solutions, tous les experts le reconnaissent, sont locales, qu'il s'agisse des énergies renouvelables, des filières de rénovation, de la mobilisation citoyenne, etc. Les territoires disposent d'un certain nombre de compétences, qui sont parfois des obligations, et qui restent assez mal définies, sans disposer des moyens correspondants – ne serait-ce, par exemple, que pour mettre en oeuvre les actions définies dans les PCAET. Où sont les compétences et l'ingénierie d'animation pour impulser les projets de territoire ? Il est urgent de doter les territoires de ressources pérennes, sous forme de dotations ou de taxes locales dédiées.

Nous devons aussi traiter la question de l'organisation de l'État et de l'animation de la transversalité. Dans la maquette budgétaire, les dépenses comme les recettes sont trop éclatées pour permettre un débat politique riche et complet sur la fiscalité écologique et son affectation.

Se pose également la question de l'organisation des grands groupes, car la centralisation du système peut être un frein important à la décision, et conduire à la défense d'intérêts établis par rapport à des logiques d'avenir et d'intérêt général.

S'agissant enfin de l'acceptabilité sociale, je souscris pleinement aux propos d'Anne Bringault : la transition énergétique sera juste et solidaire ou ne sera pas. Cela signifie, entre autres : pas de niches fiscales pour la pollution, pas de compensation pour les ménages, mais un accompagnement des transitions professionnelles, des formations et des statuts, car nous avons besoin de démontrer, pour réussir la transition énergétique, que les gens peuvent changer de métiers.

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