Intervention de Géraud Guibert

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 9h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Géraud Guibert, de la Fabrique écologique :

Madame la présidente, je vous remercie d'avoir invité la Fabrique écologique, fondation pluraliste et transpartisane de l'écologie, à s'exprimer devant vous. Nous existons depuis cinq ans et avons beaucoup travaillé sur les sujets traités par cette mission, en particulier à travers un réseau d'environ 700 experts issus du monde de l'entreprise, de la fonction publique, des collectivités locales, des associations et des syndicats qui participent à nos groupes de travail.

Six caractéristiques de la transition énergétique heurtent de front l'organisation de notre société comme de l'État, et nous formulons à cet égard des propositions très concrètes.

Premièrement, la transition énergétique doit être décentralisée, c'est-à-dire compter sur les initiatives locales, que ce soit en matière d'énergies renouvelables ou d'économies d'énergie. Or, dans un certain nombre de domaines, nous sommes toujours sous l'empire du centralisme : je pense aux flux financiers, à l'affectation des moyens humains, à l'organisation du réseau de distribution, à l'absence d'articulation entre la programmation pluriannuelle de l'énergie et les plans régionaux climat-énergie.

Deuxièmement, la transition énergétique doit se faire de manière transversale, en associant l'économique, le social et l'environnemental. Or, l'organisation de l'État n'est pas toujours adaptée à cet impératif. La rénovation thermique des logements, par exemple, relève de deux ministères, ce qui explique que l'on ait tant de mal à mettre en oeuvre des mesures concrètes et offensives. Le ministère de la transition écologique et solidaire devrait assurer cette fonction transversale, y compris à l'égard des autres ministères, mais il ne dispose pas des budgets qui permettraient d'orienter cette politique de rénovation thermique.

Troisièmement, le long terme doit primer sur le court terme. Or, il n'est effectué aucune évaluation écologique des projets de loi ou de décret ; pourquoi ne pas créer un office parlementaire des choix écologiques ? Nous avons l'habitude de donner la priorité à la recherche high tech, donnons aussi la priorité à la low tech !

Quatrièmement, le succès de la transition passe par l'évolution des comportements. Commençons donc par résoudre le problème de la complexité des aides à la rénovation, qui reste pendant, malgré les efforts réalisés par les gouvernements successifs. Ensuite, mettons en place des incitations à l'évolution des comportements : c'est le rôle du ministère de la transition écologique et solidaire.

Cinquièmement, la transition écologique doit privilégier la diminution des flux de matière. On ne peut pas penser correctement cette transition tant que l'on continue à s'endetter pour financer les dépenses de fonctionnement, même si la situation s'améliore de ce point de vue. Et quand une mesure est décidée, il s'agit en général de substituer du travail à un flux de matière ; l'interdiction du glyphosate, par exemple, entraînera un accroissement de la charge de travail pour les agriculteurs, qui devra être rémunérée. Il faut repenser les systèmes d'aide en ce sens.

Sixièmement, la transition écologique doit concerner tout le monde. Nous avons publié deux notes dans lesquelles nous pointons deux catégories de personnes. D'une part, les locataires en situation de précarité énergétique, catégorie qui n'est absolument pas couverte aujourd'hui par les dispositifs d'aide alors même qu'il s'agit de personnes habitant dans de véritables passoires énergétiques. D'autre part, les usagers des transports collectifs en milieu périurbain et rural sont également dans une situation de « captifs » énergétiques. Nous avons formulé de nombreuses suggestions, que nous espérons voir reprises au moins en partie dans le projet de loi d'orientation des mobilités. Il s'agit en effet d'un dossier essentiel, qui comporte par ailleurs un enjeu de gouvernance. Beaucoup d'argent est dépensé pour l'entretien des routes, ce qui est certes utile, mais si nous pouvions en distraire une partie pour les transports collectifs en milieu rural et périurbain, ce serait une excellence chose.

En conclusion, je souligne qu'une bonne part des élites françaises n'a pas encore tout à fait pris la mesure des enjeux de la transition écologique et énergétique. Il y a un vrai problème de formation, de sensibilisation et de persuasion à jouer auprès de ces responsables qui continuent de raisonner comme s'il s'agissait d'un chapitre parmi d'autres et non d'une question qui doit surplomber l'ensemble des politiques publiques.

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